L’action en versement d’un salaire différé, qui ne tend ni à la liquidation de l’indivision successorale ni à l’allotissement de son auteur, n’est pas interrompue par une demande en partage judiciaire de la succession (Cass. civ. 1ère, 7 juillet 2021, n°19-11.638, Bulletin)
22 septembre 2021
Legs au profit d’une auxiliaire de vie : les dispositions testamentaires sont régies par la loi en vigueur où elles ont été établies (Cass. civ. 1ère, 23 mars 2022, n°20-17.663)
16 avril 2022
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L’intervention d’un interprète dans le cadre de la rédaction d’un testament jugé défectueux empêche sa reconnaissance en tant que testament international (Cass. civ. 1ère, 2 mars 2022, n°20-21.068).

Le testament authentique source d’efficacité, en principe…

Le recours au testament authentique (dressé devant notaire en présence de deux témoins ou encore devant deux notaires) est souvent gage d’efficacité.

Ce professionnel, rompu à la matière du droit des successions, peut utilement donner tous conseils utiles et retranscrire les intentions du testateur de telle manière à ce que celles-ci soient pleinement effectives lors de sa prise d’effet (à savoir lors de l’ouverture de la succession). Son intervention limite fortement le risque de contestations futures entre les héritiers.

Il arrive pourtant, en de rares cas, que des dispositions testamentaires prises par acte authentique conduisent les héritiers légaux et testamentaires à s’affronter sur le terrain de sa validité.

La présente affaire dont a eu à connaître la cour de cassation portait en effet sur un litige de nature successorale où l’un des plaideurs avait opposé l’absence de validité de dispositions testamentaires rédigées le 17 novembre 2020 prises dans un acte authentique.

Les raisons invoquées étaient que l’acte authentique faisait état que le testateur, dans l’incapacité de comprendre la langue de rédaction de l’acte, avait eu recours à un interprète.

L’évolution du droit interne par la loi du 16 février 2015.

La situation était, il est vrai, pour le moins délicate. Au moment de la rédaction du testament authentique, la loi française interdisait tout recours à l’interprète.

Cette lacune sera d’ailleurs finalement corrigée par une loi n°2015-17 du 16 février 2015 (article 3), entrée en vigueur postérieurement à la date de rédaction du testament et ne pouvant donc être appliquée dans le cadre du présent litige.

Un très récent arrêt de la cour de cassation rappelle d’ailleurs utilement que l’acte testamentaire est régi par la loi en vigueur au jour où il a été établi. (Cass. civ. 1ère, 23 mars 2002, n°20-17.663 ; commentaire de l’arrêt).

La Convention de Washington et le testament international.

Le testament authentique ne pouvait ici qu’être déclaré non valable au regard du droit français applicable.

Néanmoins, et dans le but de sauver un testament défectueux, il est aujourd’hui acquis que le bénéficiaire d’un testament nul concernant sa forme peut régulièrement invoquer des dispositions juridiques à caractère international pour tenter d’échapper à cette sanction.

En pareille situation, il est aujourd’hui vivement conseillé, lorsque le testament à de grandes chances d’être déclaré nul au regard des règles de droit interne, de faire reconnaître par la juridiction saisie que celui-ci puisse valoir en tant que testament international en s’appuyant sur les dispositions contenues dans la Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d’un testament international.

Les décisions récentes rendues par la cour de cassation montrent que les parties ont tout intérêt à invoquer devant les juges du fond que le testament affecté d’un vice au regard du droit interne puisse être reconnu en tant que testament international (Cass. civ. 1ère, 25 novembre 2015, n°14-21.287 et Cass. civ. 1ère, 5 septembre 2018, n°17-26.010).

Encore faut-il cependant que l’ensemble des formes requises par cette convention soient respectées, auquel cas, toute tentative de reconnaissance de l’existence d’un testament international sera inéluctablement vouée à l’échec (Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, n°11-20.702)

Dans la présente situation, les bénéficiaires du testament litigieux s’étaient fort logiquement attachés à invoquer les dispositions à caractère international de la Convention de Washington afin de pouvoir se prévaloir de son legs lors du règlement de la succession.

La présence d’un interprète lors de la rédaction du testament était-il, en application des dispositions de la convention de Washington, de nature à permettre la reconnaissance d’un testament international ?

La position de la Cour d’appel.

L’arrêt rendu le 16 juin 2020 par la Cour d’appel de Grenoble avait considéré que le testament litigieux devait être reconnu en tant que testament international (prenant le contrepied du jugement rendu en première instance qui n’avait pas admis sa validité).

Elle avait motivé sa décision en retenant que « si l’acte ne porte pas mention exacte que le document est le testament de [I] [V] et qu’elle en connaît son contenu, il précise qu’il a été écrit en entier de la main du notaire, tel qu’il lui a été dicté par la testatrice et l’interprète, puis que le notaire l’a lu à ceux-ci, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu’il exprime les volontés de la testatrice, le tout en présence simultanée et non interrompue des témoins, ce qui permet de s’assurer que [I] [V] en connaissait le contenu et qu’il portait mention de ses dernières volontés. »

L’héritier réservataire (petit-enfant du défunt venant par représentation de son père prédécédé) tentait dès lors d’obtenir l’annulation de l’arrêt rendu en appel et formait donc un pourvoi devant la Cour de cassation.

La solution rendue par la cour de cassation.

Par un arrêt du 2 mars 2022, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu au visa des articles 3, paragraphe 3 et 4, paragraphe 1 de la loi uniforme sur la forme du testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 au motif que :

« s’il résulte de ces textes qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de son auteur, ce testament ne peut être écrit en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète. »

Une solution logique ?

Cette solution, stricte, ne s’imposait pas nécessairement.

Certes, il ne pouvait être critiqué le fait que l’article 4 paragraphe 1 de la loi uniforme précise que « le testateur déclare (…) que le document est son testament et qu’il en connaît le contenu ».

Autrement dit, le testateur doit comprendre la langue utilisée pour l’écriture du testament international.

Néanmoins, la convention de Washington n’exclut nullement le recours à un interprète.

D’ailleurs, l’article V de la convention portant loi uniforme sur la forme d’un testament internationale envisage même la question de l’interprète. Il est prévu au 1°dudit article que : « Les conditions requises pour être témoin d’un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée. Il en est de même à l’égard des interprètes éventuellement appelés à intervenir. ».

Quelle serait donc l’utilité de permettre l’intervention d’un interprète s’il est finalement requis, pour que l’acte soit considéré comme valant testament international, comme le juge de la cour de cassation, que le testateur doit comprendre la langue de rédaction du testament ?

Une jurisprudence amenée à évoluer ?

Il n’est donc pas certain que la position de la Cour de cassation soit amenée à rester figée, d’autant qu’elle fait généralement preuve de souplesse en cette matière.

Si les nouvelles dispositions de l’article 972 du code civil aujourd’hui en vigueur autorisent désormais l’intervention d’un interprète pour la confection d’un testament authentique, il reste envisageable que la haute juridiction soit de nouveau amenée à se prononcer sur une question similaire, bon nombre de testaments ayant été rédigés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2015-17 du 16 février 2015 modifiant l’article 972 du Code civil.

[M.A.J août 2023] : La Cour d’appel de Lyon, saisie en tant que cour d’appel de renvoi, a pu juger dans son arrêt du 21 mars 2023 que le testament litigieux est valable en tant que testament international, bien que dicté par un interprète et donc écrit dans une langue non comprise du testateur. Les juges Lyonnais se sont appuyer sur les articles 3 et 5 de la Convention de Washington. Si le testament international doit être écrit dans une langue comprise par le testateur (qui est la solution de l’arrêt de cassation), il peut également être écrit dans une langue qu’il ne comprend pas, dès lors qu’il a été fait appel à un interprète estiment les juges lyonnais. (note Mme LEVILLAIN, AJ Famille juillet 2023, p. 412)

Cette nouvelle décision prend donc le contrepied de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 mars 2022. La haute juridiction devrait donc très prochainement se prononcer à nouveau sur cette question.

Lien : Cass. civ. 1ère, 2 mars 2022, n°20-21.068