La représentation successorale prévue au bénéfice des collatéraux privilégiés suppose l’existence d’une pluralité de souches. Le droit de poursuite du créancier contre les ayants droit d’un cohéritier décédé, quand bien même l’obligation est solidaire, est limité au prorata des droits qu’ils recueillent dans la succession (Cass. civ. 1ère, 14 mars 2018, n°17-14583)
15 avril 2018
Donation et clause dérogeant aux règles légales d’évaluation du rapport : l’avantage indirect né d’une telle stipulation ne peut être soumis au rapport successoral mais seulement à une réduction si celui-ci excède la quotité disponible (Cass. civ. 1ère, 5 décembre 2018, n°17-27982, Bulletin)
2 janvier 2019
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Le legs par un associé d’un bien dépendant de l’actif social est nul (Cass. civ. 1ère, 15 mai 2018, n°14-11.123)

Le principe : la prohibition du legs de la chose d’autrui.

A l’évidence, il est communément admis que le legs d’un bien n’est valable que si celui-ci fait partie du patrimoine du testateur.  Ce principe figure à l’article 1021 du Code civil, qui dispose que « Lorsque le testateur aura légué la chose d’autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu’elle ne lui appartenait pas ».

L’atténuation du principe par la loi et la jurisprudence.

Pourtant clairement énoncé, l’examen de la jurisprudence conduit à retenir une position plus nuancée. La portée du principe énoncé est loin d’être absolue et de nombreuses décisions judiciaires sont venues préciser les conditions dans lesquels un legs peut échapper à la sanction de la nullité de l’article 1021 du Code civil alors même qu’il ne serait pas totalement compris dans son patrimoine.

Le legs par un époux de biens communs ou encore le legs de biens indivis sont autant de situations où il est assez régulièrement constaté une atténuation de la règle énoncée à l’article 1021 du Code civil.

Un époux commun en biens peut ainsi valablement léguer la propriété de biens de la communauté sans être affecté de nullité, comme le prévoir l’article 1423 alinéa 2 du Code civil. Suivant les situations, le légataire recueillera le bien en nature si le bien a été mis dans le lot des héritiers du testateur (à l’issue des opérations de liquidation-partage du régime matrimonial et de sa succession). A défaut, le legs s‘exécutera en valeur.

Également, un testateur qui ne détiendrait que des droits indivis sur le bien légué peut disposer de l’entière propriété sans que la disposition testamentaire ne subisse la sanction de la nullité. En effet, la Cour de cassation a très tôt pu préciser qu‘« il n’y a legs de la chose d’autrui que lorsque le disposant n’a aucun droit, même éventuel, sur la chose léguée ». Le partage de l’indivision pouvant conduire à mettre le bien indivis légué dans le lot des héritiers du testateur, les héritiers pourront ainsi être tenus d’exécuter le legs.

Il est encore permis au testateur d’aller plus loin.

L’article 1021 : Une disposition qui n’est pas d’ordre public.

En effet, une jurisprudence constante considère que l’article 1021 du Code civil n’est pas considéré comme d’ordre public, permettant dès lors au testateur d’imposer à ses héritiers ou légataires, la charge de procurer à un autre légataire la propriété entière du bien légué alors qu’il ne détient, sur celui-ci, qu’un droit de propriété indivis (Cass, civ. 1ère, 8 octobre 2014, n°13-19399). Quand bien même le bien indivis objet du legs ne pourrait être exécuté en nature lors des opérations de partage (celui-ayant été revendu ou licité au profit d’une autre personne), celui-ci doit recevoir exécution pour sa valeur (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n°11-26067).

Il est encore permis au testateur de léguer des biens et droits qui n’étaient pas dans son patrimoine au jour de la rédaction du testament mais qui y sont entrés au jour de la prise d’effet du legs, soit  au jour du décès. Il s’agit ici d’un legs éventuel ou conditionnel.

Ceci étant exposé, la prohibition du legs de la chose d’autrui connaît de sérieuses atténuations en présence de biens communs ou indivis.

Les faits.

La situation soumise ici à la Cour de cassation était toute différente dans la mesure où les biens légués par le défunt appartenaient à une société (SNC) dans lequel le défunt détenait 99% des parts sociales.

Par testament authentique notarié daté du 20 octobre 2003, le défunt avait exprimé sa volonté de léguer des biens immobiliers et mobiliers appartenant à ladite société entre l’un de ses fils et une personne étrangère à la succession légale, Mme A. Lors de l’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession du défunt, un conflit oppose les deux héritiers à Mme A… sur la validité du testament et la régularité de la demande en délivrance faite par cette dernière.

Dans un arrêt du 3 décembre 2013, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence refuse de faire droit aux prétentions des héritiers légaux qui entendaient obtenir l’annulation du testament. Par conséquent les juges du fond ordonnent la délivrance du legs au profit de Mme A… en adoptant un raisonnement pour le moins surprenant.

La Cour retient tout d’abord que le défunt disposait tout d’abord d’un droit de propriété indivis sur les immeubles sociaux puis ajoute ensuite que le testament devait être interprété de la même manière pour tous ses bénéficiaires (le testament ayant également gratifié l’un des fils des biens meubles et immeubles dépendant de l’actif social).

La solution rendue par la haute juridiction.

L’arrêt d’appel est sèchement sanctionné par la Cour de cassation pour violation de la loi, laquelle souligne :

« qu’au jour de l’ouverture de la succession, la société était seule propriétaire de l’immeuble légué, de sorte que le legs de la chose d’autrui était nul et devait être annulé ».

En l’espèce, les biens transmis appartenaient à une société dotée de la personnalité morale, excluant dès lors toute situation d’indivision sur les biens composant l’actif social, le défunt n’étant titulaire que de droits sociaux.

Pour régulièrement gratifier Mme A, le défunt aurait dû prendre soin de transmettre tout ou partie des droits sociaux qu’il détenait (réserve étant faite de la question de l’éventuelle procédure d’agrément fixée statutairement et d’une possible atteinte à la réserve successorale des enfants).

Ensuite, le fait que l’un des fils du défunt ait pu également être désigné bénéficiaire de certains biens dépendant de l’actif social ne pouvait avoir en soi pour effet de valider la libéralité à cause de mort faite au profit de Mme A…

La stratégie des héritiers légaux s’est donc finalement avérée payante. La Cour d’appel de renvoi devrait logiquement déclarer nulle l’ensemble des dispositions testamentaires ayant réparti entre le fils et Mme A…les biens dépendants de l’actif social.

Les deux fils devraient finalement  se partager les droits sociaux dont était titulaire leur père, excluant ainsi Mme A… de tous droits sur l’immeuble social irrégulièrement légué par testament.

Réf. : Cass.  civ. 1ère, 15 mai 2018, n°14-11.123, Bulletin I, n°479