Validité du testament authentique dressé par un notaire alors que l’un des témoins est lié au légataire par un pacte civil de solidarité (Cass. civ., 1ère, 28 février 2018, n°17-10876)
19 mars 2018
La représentation successorale prévue au bénéfice des collatéraux privilégiés suppose l’existence d’une pluralité de souches. Le droit de poursuite du créancier contre les ayants droit d’un cohéritier décédé, quand bien même l’obligation est solidaire, est limité au prorata des droits qu’ils recueillent dans la succession (Cass. civ. 1ère, 14 mars 2018, n°17-14583)
15 avril 2018
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La tardiveté de la déclaration de sinistre faite par l’assuré peut fonder un refus de garantie de l’assureur dommages-ouvrage lorsqu’il est relevé que le manquement du premier à son obligation de diligence a eu pour effet de priver le second de la possibilité d’exercer un recours subrogatoire contre les constructeurs responsables et leurs assureurs (Cass. civ., 3ème, 8 février 2018, n°17-10010)

L’assurance dommages-ouvrage, une assurance de préfinancement.

 

L’assurance dommages-ouvrage est une assurance de chose.  Elle vise à assurer la réparation des dommages de nature décennale causés à l’ouvrage assuré. En principe, elle ne prend effet qu’à l’expiration du délai de garantie de parfait achèvement (c’est à dire un an après la réception).

L’assurance dommages-ouvrage est destinée à assurer le préfinancement des travaux de reprise suite à des désordres de nature décennale, en dehors de toute recherche de responsabilités.

 

Le domaine de l’assurance dommages-ouvrage.

 

L’assurance dommages-ouvrage est obligatoire lorsqu’un maître d’ouvrage ou son mandataire décide de réaliser des travaux de construction, ceci à peine de responsabilité pénale (article L. 243-3 alinéa 1 du Code des assurances).

Ainsi, l’article L. 242-1 du Code des assurances prévoit en son premier alinéa que :

« Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. »

En pratique, les particuliers qui construisent eux-mêmes leur maison pour l’occuper ou loger leur famille (les castors) ne souscrivent que très rarement cette assurance en raison de son coût. En pareille situation, le défaut de souscription de cette assurance n’est pas susceptible d’engager leur responsabilité pénale (article L. 243-3 alinéa 2 du Code des assurances).

Toutefois, le défaut de souscription peut cependant avoir des incidences financières si le propriétaire décide d’une revente de son bien avant l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux, le Notaire mandaté pour dresser l’acte de vente ayant l’obligation d’en avertir l’acquéreur et ce dernier pouvant, par conséquent, renégocier le prix de vente à la baisse (ou légitimement refuser d’acquérir pour ce motif si cette information ne lui a pas été donnée au moment de la signature de la promesse).

 

La date de souscription de l’assurance dommages-ouvrage.

 

Cette assurance doit en principe être souscrite avant la date d’ouverture du chantier. Pour des raisons pratiques, elle n’est véritablement accordée par l’assureur qu’après l’arrêté définitif des comptes donné par le maître d’ouvrage.

Pour pallier cette difficulté, les personnes tenues de souscrire cette police ont recours, avant la souscription définitive de ladite assurance, à la ‘note de couverture’.

 

La déclaration de sinistre et la garantie accordée par l’assureur dommages-ouvrage.

 

Pour que cette assurance puisse jouer, il est impératif que l’assuré procède à une déclaration de sinistre. Cette déclaration doit intervenir à l’intérieur du délai de prescription biennale (visée par l’article L. 114-1 du Code des assurances), doit  être transmise par courrier recommandé avec accusé de réception et comporter un minimum de renseignements (numéro de contrat, nom du propriétaire, adresse de la construction, date de réception,…)

Les désordres dont il est demandé la garantie doivent être apparus dans le délai de 10 ans à compter de la réception.

Pour autant, l’assuré dispose de la possibilité de déclarer la survenance d’un sinistre dans un délai de 2 ans à compter de la connaissance qu’il a des désordres survenus dans les 10 ans qui ont suivi la réception (Cass. civ., 1ère, 29 avril 2003, n°00-12046).

Des désordres survenus à l’intérieur du délai décennal peuvent donc être déclarés à l’assureur dommages-ouvrage postérieurement à l’expiration du délai de 10 ans suivant la réception, si l’assuré n’en a eu connaissance que postérieurement à l’expiration de ce délai.

Néanmoins, la déclaration ne peut être présentée à l’assureur plus de deux ans après l’expiration du délai de 10 ans suivant la réception (Cass. civ., 3ème, 31 mars 2005, n°04-10437).

 

Qu’advient-il lorsque des désordres de nature décennale sont constatés par l’assuré puis déclarés à l’assureur dommages-ouvrage quelques jours ou quelques mois seulement avant l’expiration de délai décennal ?

En pareil cas, l’assureur, pour éviter de perdre son recours subrogatoire contre les constructeurs responsables (entreprises, architecte, BET…) et leurs assureurs respectifs, va interrompre le délai de forclusion décennale en saisissant le Juge (assignation en référé ou au fond délivrée par Huissier de justice, suivi de son enrôlement au greffe du tribunal saisi).

Quand bien même l’assureur dommages-ouvrage n’a pas encore réglé d’indemnité au maitre d’ouvrage, la Cour de cassation admet que l’action en référé exercée par l’assureur dommages-ouvrage (ayant précédée l’action au fond) a un effet interruptif si cette action est exercée à l’intérieur du délai de 10 ans à compter de la réception (Cass. civ., 3ème, 4 juin 2009, n°07-18960)

Lors de l’instance au fond, l’assureur dommages-ouvrage devra cependant justifier avoir réglé le maître d’ouvrage afin de pouvoir bénéficier de son action subrogatoire et de l’effet interruptif de prescription.

 

Le recours subrogatoire de l’assurance dommages-ouvrage.

 

Lorsque l’assureur dommages-ouvrage a indemnisé son assuré par le versement d’une indemnité, celui-ci  dispose d’un recours subrogatoire (d’origine légal) – limité au montant des sommes effectivement versées à l’assuré – contre les personnes responsables (constructeurs ou réputés constructeurs) et leurs assureurs responsabilité civile décennale.

Ces derniers ont en effet vocation à supporter la charge finale du montant des travaux de reprise préfinancés par l’assureur dommages-ouvrage.

 

La carence de l’assuré pour déclarer le sinistre à l’assureur dommages-ouvrage.

 

Les clauses-type n’ont fixé aucun délai pour que l’assuré transmette la déclaration de sinistre à l’assureur de dommages, ni aucune déchéance à sa transmission tardive.

La Cour de cassation admet que le délai maximum pour procéder à la déclaration de sinistre est le délai biennal, lequel court à compter de la connaissance de la survenance des désordres et dans la limite de 12 ans à compter de l’acte de réception.

Cependant, l’article L. 121-12 du Code des assurances dispose également que :

« L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

 L’assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l’assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur. »

Ainsi, le législateur a prévu un cas spécifique de refus de garantie dans l’hypothèse où l’assuré avait omis de déclarer en temps utile à son assureur dommages-ouvrage l’existence d’un ou plusieurs désordres (pouvant donner à l’application de la responsabilité décennale) avant l’expiration du délai décennal, privant ensuite l’assureur dommages-ouvrage de ses recours contre les personnes responsables et leurs assureurs de responsabilité.

Un précédent arrêt de la Cour de cassation rendu le 12 décembre 1995 avait déjà été l’occasion pour les Hauts magistrats de confirmer la sanction prévue par l’article L. 112-12 susvisé.

En l’espèce, la Cour avait confirmé la solution rendue par les juges du fond qui avaient souverainement décidé de priver l’assuré de la moitié de l’indemnité d’assurance en raison d’une déclaration tardive à l’assureur dommages-ouvrage, ce dernier n’ayant pas pu intenter en temps utiles d’action subrogatoire. (Cass. civ., 1ère, 12 décembre 1995, n°92-14943).

Dans ce nouvel arrêt rendu le 8 février 2018 et promis à une large diffusion, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 septembre 2016 qui avait refusé de condamner l’assureur dommages-ouvrage à indemniser les deux sociétés assurées, rappelant que ces deniers restent susceptibles d’encourir une déchéance de garantie en cas de manquement à leur obligation de diligence.

Quand bien même une déclaration de sinistre est dirigée contre l’assurance dommages-ouvrage à l’intérieur du délai de forclusion biennale – excluant donc toute irrecevabilité de l’action -, l’assuré non diligent est susceptible d’être totalement privé du bénéfice du versement de l’indemnité d’assurance résultant de la souscription du contrat d’assurance dommages-ouvrage.

La Cour de cassation précise en effet que :

 « Mais attendu qu’ayant retenu exactement que le fait que les sociétés Dilisco et Natiocrédimurs pussent utilement déclarer un sinistre dans les deux ans de sa révélation ne les dispensait pas de respecter l’obligation de diligence que sanctionne l’article L. 121-12 du code des assurances et souverainement qu’elles avaient, par leur retard apporté dans leurs déclarations de sinistre, interdit à l’assureur dommages-ouvrage d’exercer un recours à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs, toute action à leur encontre étant forclose faute de dénonciation des désordres dans le délai décennal, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a déduit à bon droit de ces seuls motifs que les demandes des sociétés Dilisco et Natiocrédimurs devaient être rejetées ; »

Cette décision a pour mérite de bien rappeler aux assurés ayant souscrit une assurance dommages-ouvrage, de l’utilité de déclarer au plus vite tous les désordres susceptibles de mobiliser la garantie de l’assureur.

Quand bien même la procédure légale de mise en œuvre de l’assurance dommages-ouvrage n’impose aucunement l’intervention d’un avocat, il reste prudent, compte tenu des enjeux financiers, d’être conseillé et assisté par un professionnel avisé.

 

Réfs. : Cass. civ., 3ème, 8 février 2018, n°17-10010, à paraître au Bulletin civil. (lien legifrance)