Particulièrement technique, le droit de la copropriété implique une certaine rigueur des professionnels de l’immobilier (notaires, syndics, avocats), lesquels doivent notamment s’attacher à analyser attentivement les dispositions du règlement de copropriété et vérifier si elles demeurent compatibles avec le droit positif.
A cette occasion, il n’est pas rare que soit constaté que le document contractuel comporte des dispositions contraires à la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ou à son décret d’application du 17 mars 1967.
En pareil cas, les copropriétaires doivent normalement privilégier la mise en conformité du règlement de copropriété. Mais en l’absence de toute initiative en ce sens, ce document n’en continue pas moins à s’appliquer et continue à régir les copropriétaires entre eux.
Néanmoins, la loi du 10 juillet 1965 prévoit la possibilité de faire reconnaître, au cas par cas, qu’une ou plusieurs clauses sont contraires à certaines dispositions impératives entrainant le fait que celles-ci soient réputées non écrites.
Ainsi, l’alinéa 1 de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, lequel dispose que :
«Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites. ».
Pour autant, la présence d’un telle clause au sein d’un règlement de copropriété n’entraîne pas la suppression automatique.. Elle continue donc pleinement à produire effet. Pour être privée d’efficacité, cette clause doit en effet être préalablement constatée comme telle, très généralement lors du prononcé d’une décision de justice exécutoire.
En pratique, l’intérêt de faire constater le caractère réputé non écrit de telle ou telle clause d’un règlement de copropriété n’apparait qu’insidieusement – de façon accessoire – lors d’un contentieux portant à titre principal sur l’annulation d’une assemblée générale de copropriétaires.
L’arrêt rendu le 22 juin 2022 par la Cour de cassation revient sur cette question, combiné à une problématique tenant à l’office du juge.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si, en l’absence de demande d’une des parties tendant à faire constater le caractère non écrit d’une clause, le juge dispose-t-il de la faculté de se substituer à la carence des plaideurs pour venir en écarter l’application et d’en tirer toutes les conséquences sur la demande en annulation de l’assemblée générale ?
Une assemblée générale des copropriétaires se tient le 20 janvier 2016.
L’article 65 du règlement de copropriété applicable à cette copropriété stipule que « le bureau est composé de deux scrutateurs et d’un secrétaire et que les fonctions de scrutateurs sont remplies par les deux membres de l’assemblée présents et acceptants qui possèdent et représentent le plus grand nombre de quote-parts de copropriété tant en leur nom que comme mandataire ».
Plusieurs copropriétaires contestent la régularité de l’assemblée générale en invoquant le défaut de désignation de deux scrutateurs comme le prévoyait pourtant expressément le règlement de copropriété. Ils saisissent donc le juge pour faire annuler l’assemblée générale litigieuse.
La Cour d’appel de Paris est finalement saisie du bien-fondé de la demande d’annulation de l’assemblée générale litigieuse, ce qui l’amène, en amont, à s’interroger préalablement à la légalité de la clause du règlement de copropriété organisant la désignation des scrutateurs au regard du nombre de quote-parts détenues par les copropriétaires présents. A l’évidence, cette clause se présentait comme étant contraire au principe fixé par le décret du 17 mars 1967 qui laisse à l’assemblée générale des copropriétaires le soin de désigner les scrutateurs en début d’assemblée générale.
Bien que l’argumentation exacte du Syndicat de copropriétaires en cause d’appel ne soit pas connue, il ressort de l’examen du pourvoi que les parties, tant en demande qu’en défense, s’étaient abstenues de contester la légalité de l’article 65 du règlement de copropriété.
Et il semble bien que c’est le Syndicat des copropriétaires qui avait, ici, tout intérêt à saisir les juges d’appel d’une demande pour que la juridiction puisse déclarer la clause litigieuse réputée non écrite. En effet, il faut penser que l’assemblée générale litigieuse s’était tenue en respectant les dispositions de l’article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, ce qui revient à dire qu’elle s’était abstenue de faire appliquer le règlement de copropriété.
Par son arrêt du 10 février 2021, la Cour d’appel de Paris rejette la demande en nullité de l’assemblée générale formée par les copropriétaires au motif que cette clause, qui institue à l’avance comme scrutateurs certains copropriétaires, est réputée non écrite et qu’il convient d’appliquer l’article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.
La Cour d’appel décide donc d’écarter la disposition contestée du règlement de copropriété en l’absence de toute demande des parties en ce sens.
Les copropriétaires forment dès lors un pourvoi devant la Cour de cassation, invitant la haute cour à se prononcer sur la question de l’office du juge pour venir écarter une clause réputée non écrite en l’absence d’une demande expresse des parties.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris, au visa de l’ancien article 1134, devenu 1103 du code civil, au motif que
« En statuant ainsi, alors que ladite clause n’avait pas été antérieurement déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que la cour d’appel n’était pas saisie d’une demande en ce sens, celle-ci a violé le texte susvisé. » (Cass. civ. 3ème, 22 juin 2022)
Il y a lieu de noter que cette solution est à rapprocher d’une précédente décision rendue par la cour de Cassation le 28 avril 2011 publiée au Bulletin dans des circonstances quasi similaires (Cass. civ. 3ème, 28 avril 2011, n°10-14.298, bulletin 2011, III, n°61).
Dans cette précédente affaire, l’assemblée générale des copropriétaires avait délibéré après désignation de deux scrutateurs, sur le fondement d’une disposition d’un règlement de copropriété nommés de façon identique à l’article 65 du règlement ayant donné lieu à l’arrêt commenté du 22 juin 2022.
Le copropriétaire, qui demandait alors l’annulation de l’assemblée générale, soutenait à juste titre l’existence d’une contrariété du règlement au regard des dispositions de l’article 15 du décret du 17 mars 1967 mais s’abstenait cependant de former toute demande préalable de constatation du caractère non écrit de la clause litigieuse.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son un arrêt du 20 novembre 2009, rejetait alors la demande d’annulation de l’assemblée générale, décision qui était par la suite approuvée par la Cour de cassation sur le pourvoi formé par le copropriétaire.
La nuance était en l’espèce que les juges d’appel n’avaient alors pris aucune initiative pour écarter la clause litigieuse, ces derniers se limitant à appliquer le principe dégagé quelques années plus tôt par la Cour de cassation selon lequel ‘une clause dont le contenu est réputé non écrit continue de s’appliquer tant qu’elle n’a pas été déclarée illicite’ (Cass. civ. 3ème, 21 juin 2006, n° 05-13.607).
Au contraire, dans son arrêt du 10 février 2021, la Cour d’appel de Paris décidait d’écarter d’office la clause relative à la désignation des scrutateurs alors même que la partie qui y avait intérêt – le Syndicat des copropriétaires – avait omis de présenter toute demande tendant à la faire préalablement déclarer réputée non écrite.
Cette décision va entraîner la censure des juges du droit pour violation de la loi.
La Cour de cassation rappelle ainsi le plein effet des clauses illicites tant que celles-ci n’ont pas été constatées judiciairement comme telles et ajoute que les juges du fond ne pouvant se substituer aux parties.
La question de l’office du juge quant à l’application de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 n’est pas nouvelle et avait déjà amené plusieurs auteurs à s’interroger sur ce point. Toutefois, il ne pouvait être réellement dégagé de consensus en raison d’une construction jurisprudentielle sur l’office du juge assez difficile à appréhender.
En l’état de cette décision du 22 juin 2022, certes non publiée, il semble que la Cour de cassation n’autorise pas le juge du fond à se saisir lui-même de la difficulté tenant à l’existence d’une clause réputée non écrite : Il ne peut, de son chef, écarter la clause d’un règlement de copropriété illicite tant que l’une des parties qui y a intérêt ne saisit pas formellement la juridiction d’une demande en ce sens.
La haute cour, qui fonde sa décision sur l’ancien article 1134, devenu 1103 du code civil – relatif à la force exécutoire du contrat – continue donc conférer la primauté des clauses du règlement de copropriété contraires aux dispositions d’ordre public et à considérer que le débat tenant à l’illicéité d’une clause et la sanction prévue par l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 demeure la chose des parties (article 4 du code de procédure civile).
En l’absence de réforme du législateur venant permettre au juge de relever d’office le caractère illicite d’une clause d’un règlement de copropriété, il demeure impératif que soit expressément demandé, par la partie qui y a intérêt, que soit déclarée réputée non écrite la clause litigieuse. Formellement, il s’agira, dans les conclusions, de formuler une demande expresse et distincte de la demande portant sur l’annulation de l’assemblée générale (ou le rejet de la prétention adverse).
D’une part, les copropriétaires et syndics de copropriété se doivent appliquer rigoureusement la clause d’un règlement de copropriété illicite tant que celle n’a pas été valablement constatée réputée non écrite.
D’autre part, les conseils des parties se doivent de porter le débat juridique sur la question de l’absence de légalité d’une clause contraire aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et de son décret d’application
Une telle demande judiciairement formée est imprescriptible et demeurera donc toujours recevable du point de vue de la prescription (Cass. civ. 3ème, 9 mars 1988, n°86-17.869 ;: Cass. civ. 3ème, 28 janvier 2016, n°14-26.921).
Ajoutons que dans l’hypothèse où le juge répute non écrite une clause d’un règlement de copropriété, la décision juridictionnelle exécutoire confère un caractère rétroactif : La clause supprimée est censée n’avoir jamais existé, à l’exception toutefois des clauses relatives à la répartition des charges.
En effet, le nouvel article 43, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019, précise en son alinéa 2 que :
« Lorsque le juge, en application de l’alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition. Cette nouvelle répartition prend effet au premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. »
Enfin, observons qu’il n’est aucunement besoin de faire publier la décision de justice exécutoire au fichier immobilier.
Très récemment, la Cour de cassation est venue confirmer qui reste possible à l’assemblée générale des copropriétaires de pouvoir constater le caractère non écrit d’une clause d’un règlement de copropriété.
La haute juridiction a en effet jugé le 10 septembre 2020 que : « l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 n’interdit pas à l’assemblée générale de reconnaître le caractère non écrit d’une clause d’un règlement de copropriété » (Cass. civ. 3ème, 10 septembre 2020, n° 19-17.045
Ceci suppose donc qu’une résolution ait été inscrite sur cette question à l’ordre du jour, soit à l’initiative du Syndic (de son propre chef ou après demande du conseil syndical) soit à l’initiative d’un ou plusieurs copropriétaires.
Bien que la Cour de cassation n’ait pas encore été amenée à se prononcer à ce sujet, il semblerait, selon plusieurs auteurs, que le vote des copropriétaires soit en pareil cas soumis à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 (majorité simple), un tel vote n’étant pas analysé en une modification du règlement de copropriété de nature à entrainer l’application de la majorité prévue à l’article 26. La décision de l’assemblée ne ferait ici que tirer les conséquences du caractère non écrit de la clause en la « retranchant » matériellement du règlement de copropriété ou ne serait encore qu’une « adaptation » du règlement à l’état du droit positif [1].
En l’absence de décision jurisprudentielle de la Cour de cassation, il semble qu’il n’existe aucune raison pour que les résolutions de l’assemblée générale ayant pour objet de réputer non écrite une ou plusieurs clauses du règlement de copropriété suive un sort différent du principe de rétroactivité attaché aux décisions juridictionnelles (à l’exclusion bien évidemment des clauses ayant pour objet la répartition des charges, comme le prévoit l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965).
Réfs. : Cass. civ. 3ème, 22 juin 2022, n°21-16.872, inédit.
[1] : En matière de répartition des charges, la compétence de l’assemblée s’arrête au constat de l’inexistence de la clause illicite : elle ne peut établir elle-même la nouvelle répartition conforme à l’article 10 mais doit la faire établir par le juge.
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2°/ Mme [P] [U] [D], épouse [T] [V],
domiciliés tous deux [Adresse 5],
3°/ la société [T] [U], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 6],
4°/ la société Saint-Jacques, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° Y 21-16.872 contre l’arrêt rendu le 10 février 2021 par la cour d’appel de Paris (2e chambre civile, pôle 4), dans le litige les opposant :
1°/ au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9], dont le siège est [Adresse 6], représenté par son syndic la société Immo de France Paris Ile-de-France, domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société Immo de France Paris Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
domiciliés tous quatre [Adresse 7],
7°/ à Mme [A] [C], domiciliée [Adresse 4],
8°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 3],
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. et Mme [T] [V] et des sociétés [T] [U] et Saint-Jacques, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Immo de France Paris Ile-de-France, de la SCP Foussard et Froger, avocat du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9], après débats en l’audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il est donné acte à M. et Mme [T] [V], à la société civile immobilière [T] [U] (la SCI [T] [U]) et à la société civile immobilière Saint-Jacques (la SCI Saint-Jacques) du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mmes [Z] [O], [G] [C], [A] [C], MM. [S] [E], [Y] [M] et [H] [C].
2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 février 2021), M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques sont copropriétaires dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.
3. Ils ont assigné le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9] et la société Immo de France Paris Ile-de-France, son syndic, en annulation de l’assemblée générale des copropriétaires du 20 janvier 2016.
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
5. M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’annulation de l’assemblée générale du 20 janvier 2016, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en l’espèce, le règlement de copropriété, en son article 65, exigeait explicitement que le bureau de l’assemblée générale fût composé de deux scrutateurs ; qu’il est constant que, lors même qu’une telle clause serait contestable, en particulier parce qu’elle anticiperait la désignation des scrutateurs avant même toute réunion, le juge doit en faire application dès lors, d’une part, qu’elle n’a jamais été déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que, d’autre part, il n’est pas lui-même saisi d’une telle demande ; qu’en l’espèce, l’article 65 du règlement de copropriété, exigeant la désignation de deux scrutateurs, n’a jamais été déclarée non écrite par un jugement exécutoire et la cour n’était nullement saisie d’une demande visant à la déclarer telle ; qu’en décidant pourtant de l’écarter, pour soumettre l’élection des scrutateurs à l’assemblée du 20 janvier 2016 au régime général de l’article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la cour a violé l’article 1134, devenu 1103 du code civil. »
Vu l’article 1134, devenu 1103, du code civil :
6. Aux termes de ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
7. L’arrêt relève que l’article 65 du règlement de copropriété prévoit que le bureau est composé de deux scrutateurs et d’un secrétaire, que les fonctions de scrutateurs sont remplies par les deux membres de l’assemblée présents et acceptants qui possèdent et représentent le plus grand nombre de quote-parts de copropriété tant en leur nom que comme mandataire.
8. Il retient que cette clause, qui institue à l’avance comme scrutateurs certains copropriétaires, est réputée non écrite et qu’il convient donc d’appliquer l’article 15 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967.
9. En statuant ainsi, alors que ladite clause n’avait pas été antérieurement déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que la cour d’appel n’était pas saisie d’une demande en ce sens, celle-ci a violé le texte susvisé.
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande d’annulation de l’assemblée générale du 20 janvier 2016, l’arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 9] et la société Immo de France Paris Ile-de-France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T] Castineira, la société [T] [U] et la société Saint-Jacques
M. et Mme [T] [V], la SCI [T] [U] et la SCI Saint-Jacques font grief à l’arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande d’annulation de l’assemblée générale du 20 janvier 2016 fondée sur le défaut de désignation de deux scrutateurs,
1° alors que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que si l’article 15 du décret du 17 mars 1967 prévoit, au début de chaque réunion d’assemblée générale, la désignation « s’il y a lieu, d’un ou de plusieurs scrutateurs », les copropriétaires ont la faculté d’organiser conventionnellement, par le règlement de copropriété, les conditions de désignation et le nombre de ces scrutateurs, que le juge doit alors faire respecter ; qu’en l’espèce, l’article 65 dudit règlement prévoyant explicitement la désignation de deux scrutateurs, les exposants avaient demandé l’annulation de l’assemblée générale du 20 janvier 2016, en faisant valoir qu’un seul scrutateur avait été désigné ; que pour écarter cette demande, la cour a jugé que cet article 65 devait être déclaré non écrit, car il instituait à l’avance les scrutateurs en fonction de leur possession des quote-part de propriété, de sorte que devait être appliqué l’article 15 du décret du 17 mars 1967, lequel permettait la présence d’un seul scrutateur ;
que, cependant, aucune des parties n’avait contesté la légalité de l’article 65 susvisé ni soutenu qu’il dût être déclaré non écrit au profit de l’article 15 dudit décret ; qu’en se déterminant dès lors comme elle l’a fait, la cour a violé l’article 4 du code de procédure civile ;
2° alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu’en l’espèce, le règlement de copropriété, en son article 65, exigeait explicitement que le bureau de l’assemblée générale fût composé de deux scrutateurs ; qu’il est constant que, lors même qu’une telle clause serait contestable, en particulier parce qu’elle anticiperait la désignation des scrutateurs avant même toute réunion, le juge doit en faire application dès lors, d’une part, qu’elle n’a jamais été déclarée non écrite par une décision de justice exécutoire et que, d’autre part, il n’est pas lui-même saisi d’une telle demande ; qu’en l’espèce, l’article 65 du règlement de copropriété, exigeant la désignation de deux scrutateurs, n’a jamais été déclarée non écrite par un jugement exécutoire et la cour n’était nullement saisie d’une demande visant à la déclarer telle ; qu’en décidant pourtant de l’écarter, pour soumettre l’élection des scrutateurs à l’assemblée du 20 janvier 2016 au régime général de l’article 15 du décret du 17 mars 1967, la cour a violé l’article 1134, devenu 1103 du code civil.