L’héritier réservataire qui invoque le bénéfice de la réduction à l’encontre du légataire universel ne créé pas de situation d’indivision, de sorte qu’il ne peut être sollicité à l’encontre de ce dernier une demande d’attribution préférentielle ni la licitation judiciaire des immeubles dépendant de la succession (Cass. 1ère, 11 mai 2016, n°14-16967)
30 mai 2016
L’action en nullité du contrat d’assurance-vie pour cause d’insanité d’esprit exercée par les héritiers-bénéficiaires du souscripteur décédé se prescrit par cinq ans et n’est pas soumise à la prescription spéciale de dix ans de l’article L .114-1 du Code des assurances. (Cass., civ., 1ère, 13 juillet 2016, n°14-27148)
25 juillet 2016
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L’usufruitier a droit aux bénéfices distribués mais n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social : leur distribution ultérieure profite au nu-propriétaire (Cass. 1ère civ., 22 juin 2016, n°15-19471 et 15-19516)

Un nouvel arrêt de la Cour de cassation est récemment venu se pencher sur la question de la nature des bénéfices mis en réserve, ultérieurement distribués, lorsque les droits des associés portent sur des droits sociaux démembrés.

Le démembrement de propriété (usufruit et nue-propriété) se retrouve fréquemment à l’occasion de l’ouverture d’une succession.

En effet, le conjoint survivant, en l’absence d’enfants issus d’un premier lit, dispose du choix entre l’usufruit de tous les biens meubles et immeubles de la succession du de cujus et le quart en pleine propriété de la succession.

En présence d’enfants non communs, le conjoint survivant ne dispose pas de ce choix mais peut être gratifié au travers d’une donation entre époux ou a pu être gratifié au moyen d’une donation ou de legs. En pareil cas, la loi édicte un disponible spécial entre époux et le conjoint survivant dispose dès lors d’un choix, sauf volonté contraire exprimé dans l’acte de donation ou dans le testament. Il peut notamment opter pour l’usufruit universel de la succession lorsque cela va dans son intérêt. Mais il se peut également que le conjoint survivant préfère opter soit pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit soit pour la quotité disponible ordinaire.

Le défunt peut encore avoir volontairement consenti au profit d’un héritier ou encore auprès d’une personne ne venant pas légalement à la succession, une libéralité portant sur un droit démembré. Cette libéralité reste en principe valable, mais elle ne s’exécutera pleinement que si la réserve héréditaire n’est pas entamée, ce qui suppose donc la présence d’héritiers réservataires (descendants ou conjoint survivant). Une indemnité de rapport ou de réduction pourra éventuellement être due.

Il arrive aujourd’hui fréquemment que le patrimoine successoral soit composé de droits sociaux (parts sociales ou titres sociaux). Après le décès, il faut décider de l’affectation du résultat de l’entreprise lorsqu’il existe.

En conséquence, le droit des sociétés prévoit qu’à la fin de chaque exercice social, les associés décident de l’affectation du résultat sur proposition des dirigeants sociaux. Il peut être décidé d’une mise en réserve (obligatoire ou facultative) et/ou de l’attribution de dividendes aux associés.

En présence de droits sociaux démembrés, qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire profite des bénéfices distribués ?

Il est aujourd’hui acquis et il a été maintes fois jugé que l’usufruitier a un droit sur les fruits des biens sur lequel s’exerce l’usufruit, ce qui comprend les droits sociaux. Mais l’usufruitier ne dispose d’un droit aux bénéfices que si l’assemblée générale vote la distribution de dividendes lors de l’approbation des comptes annuels et si les associés se prononcent sur la détermination des parts distribuées aux associés.

Or la distribution de dividendes n’est aucunement obligatoire. Comme indiqué plus haut, les associés peuvent tout à fait voter la mise en réserve d’une partie ou de la totalité du résultat annuel, soit parce que la loi les y oblige, soit parce que les dispositions statutaires de la société ont prévu une telle obligation. Les associés peuvent également décider librement et volontairement d’affecter partie ou totalité du résultat (réserve facultative ou réserve ordinaire).

Lorsque les associés décident de voter la mise en réserve, les bénéfices peuvent par la suite faire l’objet d’une distribution aux associés. Mais, dans ce cas, à qui doivent revenir les fonds distribués ? Doit-on inscrire les fonds provenant de la distribution des réserves à l’actif de l’indivision ou doivent-ils être distribués à l’usufruitier ?

C’est à cette question que la Cour de cassation s’est penchée dans son arrêt du 22 juin 2016.

En l’espèce, le conjoint survivant, commun en biens, avait suite à une donation entre époux, opté pour l’usufruit universel de la totalité de la succession de son défunt mari. Les trois enfants avaient quant à eux la qualité de nus propriétaires.

A la suite d’une action en partage introduite par l’un des enfants à l’encontre de ses cohéritiers, la Cour d’appel de Paris a jugé que les fonds provenant de la distribution des réserves constituées par la société Kesa France doivent bénéficier aux seuls nus-propriétaires et figurer à l’actif de l’indivision successorale.

Les cohéritiers (et notamment l’épouse) critiquaient l’arrêt d’appel sur le moyen selon lequel les bénéfices mis en réserve étant distribués, ils constituaient des fruits devant bénéficier au seul usufruitier.

Saisie de ce moyen, la Cour de cassation rejette l’argumentation tenue par les héritiers.

Elle répond en effet « qu’après avoir exactement énoncé que si l’usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que les fonds provenant de la distribution des réserves constituées par la société Kesa France devaient bénéficier aux seuls nus-propriétaires et figurer à l’actif de l’indivision successorale ; que le moyen n’est pas fondé »

La première chambre civile de la Cour de cassation décide donc que les bénéfices mis en réserve constituent des sommes capitalisées. Ils ne participent donc plus de la nature des fruits, empêchant ainsi l’usufruitier de prétendre à quelconque droit sur les sommes distribuées après mise en réserve.

Néanmoins, il ne faut probablement pas généraliser la solution retenue par la Cour de cassation. Il semble en effet que les faits de l’espèce justifiaient la solution retenue par la Haute juridiction.

D’ailleurs, l’analyse des moyens annexés à l’arrêt révèle que la Cour d’appel avait précisé que « les sommes portées en réserves constituent en effet l’accroissement de l’actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire ; que tel est le principe auquel il n’est fait exception que si les réserves sont distribuées pour compléter un dividende en cas de bénéfices insuffisants (…);

Même si l’attendu de l’arrêt de la Cour de cassation ne fait pas sienne cette précision, il semble que la solution aurait pu être différente si la distribution de la réserve avait été justifiée par la volonté de vouloir compléter un dividende [à l’usufruitier] en cas de bénéfices insuffisants.

Il serait par ailleurs difficile d’admettre l’hypothèse extrême où l’intégralité du résultat social est affectée en réserve dans le seul but d’empêcher toute distribution de dividendes au profit de l’usufruitier…

Tout est affaire de circonstances…

Références : Cass., 1ère civ., 22 juin 2016, n°15-19471 et 15-19516.