L’usufruitier a droit aux bénéfices distribués mais n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social : leur distribution ultérieure profite au nu-propriétaire (Cass. 1ère civ., 22 juin 2016, n°15-19471 et 15-19516)
25 juillet 2016
Le fait qu’une entreprise succède à une autre ne suffit pas à caractériser l’existence d’une réception tacite (Cass. civ., 3ème, 19 mai 2016, n°15-17129)
18 août 2016
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L’action en nullité du contrat d’assurance-vie pour cause d’insanité d’esprit exercée par les héritiers-bénéficiaires du souscripteur décédé se prescrit par cinq ans et n’est pas soumise à la prescription spéciale de dix ans de l’article L .114-1 du Code des assurances. (Cass., civ., 1ère, 13 juillet 2016, n°14-27148)

La présente affaire est semble-t-il l’épilogue d’un long et difficile contentieux né à l’occasion du règlement d’une succession.

Le litige opposait, depuis de nombreuses années, plusieurs enfants héritiers à un autre descendant, également héritier, ainsi que l’assureur d’un contrat d’assurance-vie.

Une première décision de la Cour de cassation avait d’ailleurs déjà été rendue dans le cadre du même litige (Cass. civ. 1ère, 20 juin 2012, n°11-12490).

L’enjeu portait cette fois-ci sur la question de prescription de l’action en nullité fondée sur une insanité d’esprit du souscripteur au moment de la conclusion d’un contrat d’assurance-vie. Cette vive opposition entre les héritiers trouvait naissance en ce que les enfants bénéficiaires du contrat n’avaient pas tous vocation à percevoir la même fraction de capital.

Le présent arrêt est l’occasion de revenir sur cette question de prescription lors d’un litige intéressant le droit des successions, le droit des assurances et le droit commun des contrats.

L’arrêt commenté montre que l’enjeu de la prescription de l’action en justice n’est pas à négliger. Elle suscite bien évidemment un intérêt certain pour les avocats, l’issue d’un procès pouvant s’en trouver profondément modifiée.

Tout d’abord, la prescription d’une action judiciaire est le délai au-delà duquel le droit substantiel s’éteint. Au delà d’un certain délai fixé par le législateur en effet, celui qui invoque tardivement son droit risque de subir les effets liés à l’existence d’une prescription.

Celle-ci comporte des effets particulièrement importants en procédure civile puisqu’elle permet, lorsqu’elle est accueillie par le juge (voire est soulevée d’office par lui lorsque ses pouvoirs juridictionnels le lui permettent) d’éviter que l’affaire ne soit abordée sur le fond.

Le juge, amené à statuer sur cette fin de non-recevoir peut, lorsque le moyen est accueilli, ne pas aborder le litige sur le fond, l’action étant déclarée irrecevable, et ce, quand bien même celui qui élevait sa demande aurait pu obtenir une décision favorable.

L’écoulement du temps est une donnée substantielle lors d’un procès. Les plaideurs l’apprennent parfois à leurs dépens.

En matière successorale, cette donnée est importante : le règlement amiable voire contentieux d’une succession ne peut pas toujours être immédiatement appréhendée par les héritiers : l’existence d’intérêts contraires (enfants, conjoint survivant…pour ne citer qu’eux) et la réticence de certains d’entre eux à diffuser l’intégralité des pièces nécessaires au règlement amiable font qu’un temps irréductible est constaté.

Ainsi, il faut parfois procéder à une recherche d’héritiers (sur diligences d’un notaire ou encore après recours à un généalogiste), procéder à la détermination et l’évaluation exacte du patrimoine successoral (au moyen ou non d’un inventaire) permettant d’évaluer le montant du rapport.

Il peut être  également de l’intérêt de certains héritiers de vérifier ce qui se trouverait hors succession, comme cela est de principe pour les assurances-vie. En effet, une vérification de la fréquence et du montant des primes versées par le souscripteur de son vivant peut être envisagée afin d’être en mesure de savoir si celles-ci n’étaient pas manifestement exagérées. Le cas échéant, celles-ci s’analysent comme étant des donations rapportables à la succession, par la-même susceptibles de modifier la quotité disponible en présence d’héritiers réservataires (descendants ou conjoint survivant selon le cas).

Le droit des successions n’échappe pas à certains délais de prescription, qui peuvent parfois sembler très réduits au regard du temps nécessaire pour régler une succession compliquée, tel l’exercice de l’action en réduction.

Le Code des assurances connaît également des prescriptions spéciales qui intéressent en certain cas le droit des successions. Son article L. 114-1 dispose en effet que :

« Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

(…)

La prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé. »

A ces délais de prescriptions spécifiques touchant au droit des successions ou au droit des assurances, existent les prescriptions de droit commun, lesquelles varient selon la nature de l’action entreprise.

Depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, la plupart des délais ont été réduits : la prescription de droit commun est aujourd’hui de cinq années. Néanmoins et déjà avant l’entrée en vigueur de cette loi, l’action en justice fondée sur la nullité d’un contrat pour insanité d’esprit était soumise à cinq ans.

Dans certains cas, il est permis de se demander quelle est la prescription applicable aux faits de l’espèce. Cela a une incidence fondamentale pour les plaideurs puisque, de cette réponse, dépendra la recevabilité de l’action…

La haute juridiction a eu à connaître très récemment de cette difficile question : la prescription spéciale de l’article L. 114-1 du Code des assurances, qui permet au bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, lorsqu’il n’est pas souscripteur, de bénéficier d’un délai de dix ans pour faire valoir une demande dérivant du contrat, pouvait-elle être appliquée à la demande en nullité du contrat d’assurance-vie pour cause d’insanité d’esprit ?

L’enjeu du débat revêtait un caractère important dans la mesure où, en cas de réponse négative, elle permettait d’éluder le débat sur le fond c’est-à-dire vérifier in concreto si le souscripteur était ou non frappé d’insanité d’esprit au moment de la conclusion du contrat d’assurance-vie.

Rappelons brièvement les faits de cette affaire.

Un père de quatre enfants avait souscrit, le 4 août 1996 un contrat d’assurance-vie dans lequel il était stipulé que l’un des enfants percevrait une quote-part plus importante que celle de ses trois frère et soeurs.

Après le décès du souscripteur, intervenu quelques mois seulement après la constitution de l’assurance-vie, les fonds demeuraient bloqués entre les mains de la compagnie d’assurance La Mondiale. Le conflit opposant les héritiers bénéficiaires avait, sans aucun doute, conduit l’assureur à s’opposer à tout versement en l’absence de décision de justice.

La rédaction faisant que la clause bénéficiaire avantageait l’un des enfants au détriment des autres, ceux qui s’estimaient lésés se sont employés à contester, lors du règlement amiable de la succession, la validité du contrat avec pour objectif de faire entrer l’entier capital de l’assurance-vie dans l’actif successoral en vue de rétablir l’égalité entre les héritiers.

L’héritier bénéficiaire de la plus large quotité ne l’entendait pas ainsi. Il prenait donc l’initiative de saisir le tribunal d’une demande de libération des fonds bloqués par l’assureur en appliquant l’exécution de la clause bénéficiaire.

En janvier 2006, deux des cohéritiers défendeurs à l’action assignaient – pour des questions procédurales – la veuve de leur frère (décédé pendant l’instance) et soulevaient la nullité de la conclusion du contrat d’assurance fondée sur l’existence d’une insanité d’esprit de leur père au moment de la conclusion du contrat.

Un premier arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 novembre 2010 avait reçu l’action mais avait rejeté au fond la demande en nullité pour insanité d’esprit et vices du consentement.

Les deux héritiers, qui avaient présenté leur demande reconventionnelle en janvier 2006, formaient alors pourvoi devant la Cour de cassation, critiquant la Cour d’appel d’avoir rejeté sur le fond leurs prétentions. L’assureur formait quant à lui pourvoi incident et soulevait le fait que l’action était irrecevable car prescrite.

La Cour de cassation déclarait en son temps irrecevable le pourvoi incident de l’assureur pour des questions d’ordre procédural et annulait pour le reste l’arrêt de la Cour d’appel qui avait rejeté sur le fond la demande de nullité du contrat d’assurance pour insanité d’esprit et pour vices du consentement.

L’affaire était donc renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles, amenée à examiner à nouveau et dans son entier l’affaire soumise et les deux héritiers soutenaient donc toujours l’absence de prescription de leur action en nullité et la nullité du contrat d’assurance-vie pour insanité d’esprit et vices du consentement.

L’argumentation tenue par la veuve consistait à dire que l’action en nullité pour insanité d’esprit était prescrite au regard des articles 489 et 1304 alinéa 1er du Code civil (le premier dans sa rédaction applicable à l’époque), textes prévoyant en cette hypothèse une prescription limitée à cinq ans à compter de la découverte du vice.

La Cour d’appel de Paris, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dire recevable l’action en nullité du contrat, a retenu que l’action avait été engagée par ses bénéficiaires, personnes distinctes du souscripteur et donc que la prescription de dix ans prévue à l’alinéa 6 de l’article L. 114-1 du Code des assurances était applicable.

La veuve, défendant les intérêts de son défunt mari, formait cette fois-ci un pourvoi principal devant la Cour de cassation reprenant en substance les mêmes arguments opposés par l’assureur devant la Cour de cassation quelques années plus tôt mais qui n’avait pu donner lieu à un examen au fond en raison d’une irrecevabilité du moyen.

La veuve faisait donc valoir que les héritiers n’avaient pas agi à titre personnel mais en leur qualité d’ayants-droit du de cujus et que l’action en nullité du contrat d’assurance-vie pour insanité du souscripteur, qui ne dérive pas du contrat d’assurance, n’est soumise qu’à la prescription de cinq ans prévue à l’article 1304 du Code civil auquel renvoie l’article 414-2 (article 489-1 ancien) du même code.

La Cour de cassation vient, par son arrêt du 13 juillet 2016, suivre l’argumentation tenue par la veuve. Elle précise qu’en exerçant une action en nullité du contrat pour insanité d’esprit du souscripteur, les demandeurs reconventionnels à l’action n’agissaient pas en leur qualité de bénéficiaires du contrat, mais en celle d’ayants droit du souscripteur, de sorte que l’action, qui ne dérivait pas du contrat d’assurance, était soumise à la prescription quinquennale.

Rappelons ici que la formulation de l’article L. 114-1 alinéa 1 du Code des assurances précise en son alinéa premier que « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance”.

Cet alinéa limite donc l’objet de l’action, sans les inventorier précisément, à celles dérivant du contrat d’assurance.

L’alinéa 6 de cet article vient ensuite préciser que le délai est augmenté à dix ans lorsque l’auteur de l’action est le bénéficiaire de l’assurance-vie. Cet alinéa vient donc réduire aux seuls bénéficiaires du contrat d’assurance-vie la prescription décennale.

Pour l’application de l’article L. 114-1 alinéa 1 du Code des assurances, la Cour de cassation adopte une conception restrictive : seules les actions dérivant du contrat d’assurance permettent donc l’application de la prescription spéciale.

La Cour de cassation s’attache à vérifier si deux conditions sont cumulativement réunies :

  • la première est relative à la qualité des demandeurs,
  • la seconde est relative à l’objet de la demande.

L’affaire qui lui était soumise devait donc amener la Haute juridiction à vérifier l’application de ces deux conditions dans un litige où les demandeurs à l’action avaient une double qualité : celle de bénéficiaires mais également celle d’héritiers dans la succession.

Il fallait donc déterminer, au regard de la nature de l’action litigieuse, si ces derniers agissaient en qualité de bénéficiaires ou encore en qualité d’ayants droits.

La nature de l’action était en l’espèce une action en nullité du contrat pour cause d’insanité d’esprit.

Traditionnellement, l’action en nullité d’un contrat est réservée aux seules parties aux contrats.

Le Code civil contient par ailleurs des dispositions spéciales se trouvant aux anciens articles 489 et 489-1 anciens (articles 414-1 et 414-2 nouveau) qui précisent que lorsque le cocontractant est décédé, les héritiers peuvent solliciter en justice la nullité du contrat dans un délai de cinq ans.

Les tiers, qui ne sont pas parties à l’acte, ne peuvent se prévaloir d’une nullité. Tout au plus, peuvent-ils engager une action en inopposabilité de l’acte si le contrat produit des effets à leur égard.

Mais les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie ne sont pas de simples tiers. Ils bénéficient, par l’effet d’une clause de stipulation pour autrui, de certains droits qui doivent pouvoir être protégés. Une prescription plus longue a donc été prévue par le législateur à l’alinéa 6 de l’article L. 114-1 du Code des assurances.

Pour autant, l’action en nullité du contrat d’assurance pour insanité d’esprit du souscripteur pouvait-elle être exercée par les deux cohéritiers en leur seule qualité de bénéficiaire ?

La Cour de cassation vient en l’espèce déterminer en quelle qualité les héritiers demandeurs à la nullité agissaient. Dans son attendu de principe, elle précise que les demandeurs à l’action en nullité n’agissaient qu’en leur qualité d’ayants droits et non en tant que bénéficiaires.

La Cour de cassation précise en outre que dans la présente situation, les bénéficiaires n’étaient donc pas des personnes distinctes du souscripteur comme l’article L. 114-1 alinéa 6 du Code des assurances le prévoit.

Le raisonnement ne pouvait qu’être approuvé : la demande portant sur la nullité d’un contrat d’assurance-vie fondée sur une prétendue insanité d’esprit n’était ici permise que parce que le souscripteur était décédé et que l’action se fondait sur les dispositions de l’ancien article 489 du Code civil.

Autrement dit, les demandeurs ne pouvaient invoquer le bénéfice de la prescription de dix ans prévue par l’article L. 114-1 alinéa 6 du Code des assurances pour échapper à l’irrecevabilité de leur action en nullité fondée pour insanité d’esprit, ces derniers n’ayant agi qu’en leur qualité d’ayants droits.

Pour autant, si le souscripteur avait, de son vivant, entrepris de soulever une nullité pour insanité d’esprit, celui-ci aurait-il pu se prévaloir de la prescription quinquennale visée par l’article ancien 489 du Code civil ? Ou aurait-il été soumis à la prescription biennale de l’article L. 114-1 alinéa 1 du Code des assurances ?

La Cour de cassation n’avait bien évidemment pas à répondre à cette question.

Toutefois, il est permis de penser que l’ancien article 489 du Code civil (article 414-1 nouveau) est une disposition spéciale de l’article 1304 du même code, laissant penser que l’action en nullité pour insanité d’esprit peut être invoquée dans un délai de cinq années à compter du jour de l’acte contestée, sauf causes de suspension de la prescription.

Pour ce qui concerne la seconde condition, l’objet de l’action portait sur une demande de nullité du contrat. Cette demande est quant à elle habituellement considérée comme une action dérivant du contrat d’assurance, de sorte que celle-ci ne posait pas difficulté.

La première condition n’étant pas remplie, la Cour de cassation ne pouvait que juger que l’action en nullité ne dérivait pas du contrat d’assurance et que la prescription de l’action était soumise à la prescription quinquennale des articles 489 ancien et 1304 alinéa 1er du Code civil.

En l’espèce, il est permis de penser que les héritiers bénéficiaires avaient eu connaissance du vice dans un délai supérieur à cinq années, les empêchant de pouvoir prétendre à l’examen au fond de leur demande en nullité de l’assurance-vie pour insanité d’esprit

Cet arrêt démontre une nouvelle fois toute l’attention qui doit être portée par les héritiers et leurs conseils, sur les difficultés relatives à la prescription.

Réfs. : Cass. civ. 1ère, 13 juillet 2016, n°14-27148, Bulletin.