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13 novembre 2017
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Le recel portant sur des fonds issus de la communauté exclut le recel successoral (Cass., 1ère civ., 27 septembre 2017, n°16-22150)

La peine de recel est prévue dans le Code civil dans deux textes distincts :

En premier lieu, en matière de communauté légale de biens réduite aux acquêts, l’alinéa 1 de l’article 1477 dudit code dispose que :

« Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté, est privé de sa portion dans lesdits effets ».

En second lieu, en matière successorale, le recel est défini par l’article 778 du même code, qui précise que :

« Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »

Le décès d’une personne mariée, quel que soit son régime matrimonial (communauté, séparation de biens, participation aux acquêts…) a pour effet d’ouvrir sa succession.

Cet évènement entraîne également la dissolution de son régime matrimonial.

En matière de communauté de biens, le règlement de la succession du de cujus implique nécessairement de liquider préalablement le régime matrimonial des époux.

  1. Les opérations de liquidation portent avant tout sur les biens composant la communauté.
  2. Les opérations de liquidation portent ensuite sur les bens de la succession.

La masse successorale dépend de la consistance des biens de la communauté.

En effet, la succession se compose, par principe, de la moitié des biens communs (résultant du jeu de la présomption de communauté édictée par l’article 1402 du Code civil) auquel il faut y ajouter tous les biens propres du défunt (notamment les biens reçus par succession ou libéralités).

De la consistance du patrimoine commun dépend donc la consistance du patrimoine de la succession.

Lorsqu’un notaire est chargé par l’un ou plusieurs héritiers de régler amiablement une succession, les héritiers – que sont notamment le conjoint survivant et les enfants – ont l’obligation de révéler, spontanément, toutes les libéralités faites par le défunt de son vivant et dont ils ont pu profiter, ceci à peine de recel.

Si l’héritier y défère, le Notaire aura pour principale mission de déterminer si la ou les libéralités révélées sont ou non rapportables. Il devra également réunir fictivement, pour la calcul de calcul de la quotité disponible et de la réserve héréditaire, cette fois-ci toutes les donations faites par le défunt, qu’elle soit rapportable ou non.

Ces opérations comptables ont pour objet de venir rétablir l’égalité du partage et d’augmenter fictivement le patrimoine de défunt.

Cette obligation de révéler toutes les libéralités (donations notariées, dons manuels, donation indirecte, donation déguisée) a lieu, peu important la faible valeur des biens reçus (sauf en présence de présents d’usage) et que la libéralité soit ancienne ou non.

Le Notaire n’a pas l’obligation de vérifier, de lui-même (sauf s’il en a personnellement connaissance, ce qui est le cas lorsque le professionnel a dressé antérieurement une donation par acte authentique), quelles ont pu être les donations faites du vivant de défunt.

Les héritiers prennent donc la responsabilité de révéler ou non s’ils ont pu bénéficier d’une ou plusieurs libéralités de nature à rompre l’égalité du partage.

Rappelons tout d’abord ici qu’il ne peut y avoir « partage » qu’en présence d’une masse indivise sur un, plusieurs ou la totalité des biens.

En cas de décès d’une personne mariée sous le régime de la communauté, les biens qui composent la communauté deviennent des biens indivis et fait naître une indivision post-communautaire (régie par les règles relatives à l’indivision figurant aux articles 815 et suivants du code civil), ceci à l’instant même où le régime matrimonial est dissous.

En cas de décès, c’est à cette date que la dissolution s’opère.

A cette indivision post-communautaire, le décès fait également naître une seconde indivision, cette fois-ci d’origine successorale.

Ceci est notamment le cas lorsque le défunt laisse un conjoint survivant ainsi que plusieurs descendants (ou petits enfants) : Lorsque les enfants sont issus d’un même mariage, l’option du conjoint survivant (1/4 en pleine propriété ou usufruit de la totalité de la succession) fait nécessairement naître une indivision successorale (en pleine propriété ou nue-propriété) sur un bien ou plusieurs biens. (L’indivision successorale peut donc porter sur des droits en pleine propriété, ou alors en usufruit ou en nue-propriété pour le cas, peu fréquent, où il n’y avait pas eu de masse commune).

Le recel est une sanction de nature pécuniaire, qui a pour effet juridique, lorsque les conditions strictes d’application sont réunies (preuve d’un élément intentionnel et d’un élément matériel) de priver l’auteur du recel de certains effets sur le bien recelé.

Concrètement, l’auteur du recel percevra moins que ce qu’il aurait dû percevoir.

Lorsque l’auteur du prétendu recel est le conjoint survivant et que celui-ci a sciemment omis de déclarer de solde d’un compte bancaire alimenté par des fonds présumés issus de la communauté au détriment d’un enfant, le conjoint peut-il être condamné au recel successoral ?

La solution de la Cour de cassation est claire et limpide :

« Attendu que la sanction prévue par ce texte [article 792 du Code civil ancien, devenu 768 du Code civil] n’est pas applicable au conjoint survivant qui prélève des sommes au préjudice de l’indivision post-communautaire, celui-ci étant débiteur des sommes correspondantes envers cette seule indivision, non en sa qualité d’héritier, mais en sa qualité tenu au rapport de ce qu’il a prélevé dans l’indivision avant le partage ».

Autrement dit, le conjoint survivant coupable de recel ne peut, en pareil cas, être condamné qu’au titre d’un recel de communauté, qui devra être fondé sur l’article 1477 du Code civil.

Cela emporte, en pratique, au moment de la liquidation des droits des héritiers (dont le conjoint survivant), des incidences qui ne sont pas négligeables.

En effet, comme indiqué plus haut, la liquidation de l’indivision post-communautaire doit avoir lieu préalablement à la liquidation de l’indivision successorale.

Il fait dès lors s’attacher aux conséquences liquidatives de l’application d’une peine de recel de communauté.

Le recel de communauté par le conjoint (comme le recel successoral) emporte la privation de tout droit sur ce bien.

Ceci entraîne corrélativement un accroissement de la part composant la masse de l’indivision successorale puisque la moitié de la part de communauté du défunt s’en trouvera augmentée.

Néanmoins, le conjoint survivant, pris cette fois-ci en qualité d’héritier dans la succession de son époux, est également amené à recueillir une quote-part (selon son option si cette option lui est permise). Le conjoint recueille soit le quart en pleine propriété soit, si cela lui est permis, l’usufruit universel.

Du fait de l’augmentation des droits successoraux, le conjoint survivant a une vocation successorale sur une masse de biens qui a augmentée.

Cela a donc pour incidence de réduire les effets de la sanction du recel de communauté, cette fois-ci au stade de la liquidation de l’indivision successorale.

Cet arrêt de la Cour de cassation met fin à une controverse doctrinale dans laquelle certains auteurs argumentaient en faveur de l’application d’une double peine de recel : l’application du recel de communauté au stade de la liquidation de la communauté et ensuite l’application du recel successoral au stade cette fois-ci de la liquidation de la succession.

Par cette décision, la Cour de cassation vient ici préciser que l’existence d’un recel sur un bien de communauté, a pour effet d’exclure l’existence d’un recel successoral.

La double sanction de recel est donc expressément exclue par les Hauts magistrats.

Réfs. : Cour de cassation, 1ère civ., 27 septembre 2017, n°16-22150. (lien legifrance)