L’ouverture d’une succession implique très généralement l’obligation pour les héritiers légaux, donataires ou légataires de déposer une déclaration de succession et à régler concomitamment des droits de mutation à titre gratuit – communément appelés ‘droits de succession’ – dans un délai réduit, en principe fixé à 6 mois dans les conditions de l’articles 641 et suivants du Code général des impôts, en application de l’article 800 du Code général des impôts.
L’obligation de l’assujettissement des héritiers, donataires et légataires au paiement des droits de mutation à titre gratuit résulte de l’application de l’article 677, 1° du Code général des impôts et de nombreuses autres dispositions fiscales relatifs au tarif et à la liquidation de l’impôt.
En ce qui concerne l’évaluation des biens meubles meublants laissés par le défunt, le Code général des impôts prévoit des règles particulières contraignantes.
Rappelons tout d’abord que les meubles meublants s’entendent des meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements : lits, sièges, tables, vaisselle, tapisseries, argenterie et autres objets de même nature, tableaux, objets d’arts ou meubles anciens (sauf collections placées dans des galeries ou pièces particulières ; voir Cass. com. 8 février 2000, n°97-19.000).
Sauf exception (cas où il serait prouvé que le défunt n’avait aucuns meubles au jour de son décès), les personnes recevables des droits de succession doivent dont procéder à une évaluation des meubles meublants laissés par le défunt.
Ces meubles meublants se situe très généralement au dernier domicile du défunt. Mais dans bien d’autres situations, ceux-ci peuvent également se trouver physiquement dans une résidence secondaire, dans un appartement donné à bail selon une location meublée, au domicile de l’un des enfants ou d’un membre de la famille, voire ont pu également être laissés en dépôt dans un garage ou dans un garde-meubles (contrat de dépôt).
Pour la déclaration fiscale, L’évaluation des meubles meublants est encadrée par des dispositions spécifiques visées à l’article 764 du Code général des impôts.
En l’absence de vente publique des meubles meublants effectuée dans les deux ans du décès (article 764, I-1° du Code général des impôts) ou d’inventaire dressé par un professionnel dans les formes prescrites de l’article 789 du Code civil (notaire ou commissaire de justice) et dans les cinq années suivant le décès (article 764, I-2° du Code général des impôts), les héritiers, donataires ou légataires sont tenus, lors de la déclaration de succession (liquidation fiscale), de procéder à une déclaration estimative et détaillée des meubles meublants, qui peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession (actif brut), sauf preuve contraire. (article 764, I du Code général des impôts).
Ce forfait fiscal de 5% a le caractère d’une double présomption d’existence et d’évaluation des meubles meublants. Si la déclaration fiscale de succession viendrait à ne contenir aucune mention sur l’existence de meubles meublants, l’administration fiscale est alors en droit d’ajouter, d’office, le forfait fiscal de 5%, à défaut de preuve contraire.
Cette preuve contraire, si elle est invoquée, doit alors être rapportée dans les formes compatibles avec la procédure écrite (qui ne peut résulter que d’actes ou écrits ou encore de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes).
En pratique, il n’est pas rare de constater que les héritiers, donataires ou légataires n’ont pas fait dresser d’inventaire ni n’ont encore vendus les biens aux enchères publiques dans les conditions visées par l’article 764 du Code général des impôts.
Dans ces conditions, le notaire en charge de la succession ayant reçu mandat de procéder à l’accomplissement des formalités relatives au dépôt de la déclaration de succession se doit de rédiger un projet de déclaration de succession en faisant mention du forfait fiscal mobilier de 5%.
En principe, l’application du forfait ne dispense pas les héritiers, donataires ou légataires, de souscrire la déclaration détaillée et estimative des meubles, et c’est seulement dans l’hypothèse où ils estiment devoir, au moyen d’une mention expresse insérée dans le corps de la déclaration, s’en tenir sous leur responsabilité, au forfait, qu’il n’est pas insisté pour la production du détail estimatif des meubles. (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20, n°80).
En cas d’application du forfait fiscal, le notaire devra donc, au moment de l’établissement de la liquidation fiscale (projet de déclaration de succession), porter notamment son attention sur l’assiette du forfait fiscal de 5%.
Le forfait fiscal de 5% se détermine au regard de l’actif brut successoral (immeubles, liquidités, valeurs mobilières, véhicule…), autrement dit sur l’ensemble des biens imposables autres que les meubles meublants.
Toutefois, l’administration fiscale prévoit plusieurs exceptions :
Les biens exonérés de droits de succession n’entre pas dans l’assiette du forfait mobilier. En cas d’exonération partielle, le forfait mobilier est déterminé sur la seule fraction taxable des biens.
L’administration fiscale exclut en outre de l’assiette du forfait mobilier :
L’administration fiscale exprime dans sa doctrine fiscale (BOFIP) que lorsque le défunt est marié sous un régime de communauté, l’assiette du forfait mobilier est déterminée par l’ensemble des biens propres, son excédent de reprise et sa part dans l’actif net de communauté après imputation des récompenses dues à celle-ci.
Le rapport à la succession de bien antérieurement donné par le défunt est sans incidence sur l’assiette du forfait de 5 % pour l’évaluation du mobilier meublant (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20, n°90).
A l’inverse du rapport des libéralités, l’indemnité de réduction pour atteinte à la réserve héréditaire telle que précisée par les articles 918 et suivants du Code civil constitue, pour l’administration fiscale, un actif taxable.
L’indemnité de réduction – qui opère une restitution à l’actif successoral – a donc vocation à entrer dans l’assiette du forfait fiscal de 5% pour l’évaluation du mobilier meublant.
Ainsi, une liquidation civile de l’indemnité de réduction due aux héritiers réservataires, au jour du décès, est dès lors établie préalablement à la liquidation fiscale (laquelle a toujours lieu en valeur décès).
Dans l’hypothèse où une renonciation expresse au bénéfice de l’indemnité de réduction par un héritier réservataire ou une prescription de l’action en réduction venait à être invoquée, avant le dépôt de la déclaration de succession, le notaire devra alors s’abstenir de faire apparaître, dans la liquidation fiscale, l’indemnité de réduction à l’actif successoral.
Corrélativement, ceci aura pour effet d’aboutir à une minoration de l’assiette du forfait mobilier.
Au contraire, si une renonciation à l’action en réduction (ou une prescription de l’indemnité de réduction) venait à intervenir postérieurement au dépôt et au paiement des droits d’enregistrement, cet évènement devrait pouvoir justifier selon nous une déclaration de succession rectificative accompagnée d’une demande chiffrée en vue d’obtenir une réduction des droits d’enregistrement.
En effet, l’article R. 196-1 du Livre des procédure fiscales dispose que :
« Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :
a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
b) Du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ;
c) De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l’article L. 190. (…) »
Par ‘événement’ susceptible d’être retenu comme servant de point de départ au délai de réclamation, il convient selon la doctrine administrative d’entendre tout fait ou circonstance ayant pour effet ou conséquence, soit de mettre en cause le principe même de l’imposition contestée, soit de modifier rétroactivement l’assiette ou le calcul de cette imposition, soit d’ouvrir droit, par sa nature même, au dégrèvement ou à la restitution de tout ou partie d’une imposition qui, fondée dans son principe, était régulièrement établie et calculée. (BOI-CTX-PREA-10-30, n°60 et suivants).
L’évènement susceptible de fonder une action en restitution contre l’administration fiscale constitue ainsi le point de départ du délai de forclusion pour former une demande de restitution.
La réclamation devra parvenir au service des impôts compétent au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la réalisation de l’évènement qui motive la réclamation, étant précisé que pour apprécier la recevabilité de la réclamation, il convient de retenir la date de réception du courrier par l’administration (Cass. com. 19 septembre 2006, n°04-18.423, sauf éventuellement à pouvoir justifier que le courrier contenant réclamation a été adressé en temps utile c’est-à-dire en tenant compte des délais normaux d’acheminement par voie postale).
Pour des questions de preuve, il est bien évidemment vivement conseillé d’envoyer la réclamation par courrier recommandé avec demande d’avis de réception au service des impôts compétent (en prenant également soin de ne pas envoyer la réclamation dans les derniers jours qui précèdent l’expiration du délai de forclusion).
L’administration fiscale dispose, en application de l’article R. 198-10 du Livre des procédures fiscales, d’un délai de de 6 mois suivant la date de sa présentation pour se prononcer sur la réclamation (sauf délai complémentaire, laquelle ne saurait excéder 3 mois). A défaut, il convient de considérer qu’il y a eu décision implicite de rejet.
En cas de rejet par décision explicite de la réclamation, il devra alors être formé un recours devant le Tribunal judiciaire compétent en matière de droits d’enregistrement dans un délai de 2 mois, en application de l’article R. 199-1 du Livre des procédures fiscales.
Un traitement différent est toutefois réservé en cas de décision implicite de rejet : aucun délai de forclusion n’est ici opposable au contribuable tant que l’administration n’a pas régulièrement notifié une décision explicite de rejet (CE, avis, 21 octobre 2020, n°443327, solution transposable aux juridictions judiciaires)
Précisons enfin qu’en cas de restitution de droits par suite d’un évènement postérieur, les droits régulièrement perçus devenus restituables ne doivent pas être majorés d’intérêts moratoires dès lors que la réclamation n’a pas son origine dans une erreur d’imposition.
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