La clause d’exhérédation testamentaire prévue par le défunt privant l’un ou plusieurs de ses héritiers de tout droit sur la quotité disponible en cas d’échec du règlement amiable de sa succession est valable (Cass. civ., 1ère, 5 oct. 2016, n°15-25459).
28 octobre 2016
La Cour d’appel doit relever d’office l’irrecevabilité d’un appel n’ayant pas été dirigé contre l’ensemble des parties tenues entre elles par un lien d’indivisibilité (Cass., com., 15 novembre 2016, n°14-29885)
14 décembre 2016
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En l’absence de mention dans un devis accepté d’un délai d’exécution ou d’une date de début des travaux, l’entrepreneur doit les exécuter, ou tout au moins les débuter, dans un délai raisonnable, lequel court à compter de la date du devis (Cass., civ., 3e, 29 sept. 2016, n° 15-18.238).

Le contrat d’entreprise – ou contrat de louage d’ouvrage – est défini à l’article 1710 du Code civil, lequel dispose que « le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». La formation de ce contrat repose sur le principe du consensualisme, c’est à dire que le seul échange des consentements suffit à former le contrat. Ainsi, une jurisprudence ancienne mais constante estime que le contrat d’entreprise ne suppose pas nécessairement l’établissement d’un écrit. Rien n’empêche donc que celui-ci soit formé oralement.

Cependant, pour éviter toutes difficultés ultérieures de preuve, le contrat d’entreprise est très généralement inscrit sur un support écrit. Ce contrat est plus ou moins précis, selon la qualité des parties cocontractantes (professionnels ou non de la construction), de la nature, de l’importance ou de la complexité des travaux ou du montant du marché.

En règle générale, pour les petits marchés de travaux, le contrat d’entreprise prend assez souvent la forme d’un devis (accepté), qui est rédigé à l’initiative de l’entrepreneur. [A noter que pour les prestations de dépannage, réparation ou entretien dans le secteur du bâtiment, l’établissement d’un devis est obligatoire dès que le montant estimé de l’intervention, toutes prestations, est supérieur à 150 euros TTC, sauf en cas d’urgence absolue impliquant un danger immédiat pour la santé des personnes ou l’intégrité des locaux].

Juridiquement, un devis est une offre de contrat proposé par un professionnel. Il permet de fixer, de manière plus ou moins détaillée, les obligations essentielles des parties contractantes : mention des différents matériaux et prestations mis en œuvre par l’entreprise, mention du prix de chacune des prestations, du coût total de travaux de l’entrepreneur et très généralement des précisions sur les modalités des paiements des acomptes en fonction de l’avancement des travaux.

Avant la signature du devis par le destinataire de l’offre, le contrat n’est en principe pas formé. Il n’existe donc pas d’obligations des parties pour l’exécuter.

Lorsque le devis est signé par le maître d’ouvrage, le consentement est exprimé et le contrat est normalement valablement formé (tout du moins si le consentement a été librement donné) il doit être exécuté conformément à ce qui a été prévu ainsi. A compter de ce moment, le professionnel doit réaliser la prestation promise, dans un certain délai, à charge pour le client, maître d’ouvrage, de payer le prix déterminé suivant les modalités également convenues.

L’absence de signature du contrat par le client n’empêche cependant pas les parties de venir se prévaloir de l’existence d’un contrat d’entreprise : En ce cas, les juges peuvent décider que le contrat a été régulièrement formé si des éléments clairs et concordants suffisent à révéler l’existence d’un consentement de la part du destinataire de l’offre (paiement d’un ou plusieurs acomptes en conformité avec les modalités prévues dans le devis non signé, échange explicite de correspondances marquant un accord, etc…). Tout est ici affaire de circonstances.

Pour les marchés privés de travaux (qui résultent de l’application des articles 1710 et 1779-3° du Code civil), le prix indiqué dans le devis est très fréquemment conclu pour un montant global et forfaitaire. L ’entreprise ne pourra pas exiger de son cocontractant le paiement d’une somme supérieure à ce qui a été convenu, sauf exceptions ou circonstances particulières (il en est ainsi lorsque le prix du marché est déterminé en fonction de prix unitaire convenu à l’avance : en pareil cas, le prix est fixé en fonction des quantités de matériaux réellement fournis par l’entreprise ; Depuis la réforme des obligations entrée en vigueur au 1er octobre 2016, le droit commun des contrats permet également d’obtenir une modification du prix forfaitaire convenu s’il existe un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque comme le prévoit l’article 1195 nouveau du Code civil).

Enfin, et comme indiqué précédemment, pour garantir le paiement des premiers achats de matériaux et des premiers travaux, les entreprises ont quasi-systématiquement recours à l’acompte. Le premier versement est effectué par le client concomitamment à la signature du devis où avant tout commencement d’exécution, l’entreprise pouvant légitimement décider de refuser toute intervention avant d’être réglée.

En pratique , il n’est pas rare que le devis accepté établi par l’entreprise oublie de prévoir la date de commencement du chantier ou le délai pour réaliser les travaux. Pourtant, cette date revêt souvent une importance particulière pour le maître d’ouvrage, qui a souvent intérêt à ce que la prestation de service soit réalisée et terminée au plus tôt.

Les relations peuvent donc rapidement se compliquer lorsque l’entreprise n’intervient pas dans les semaines ou mois après le premier versement. L’absence de réactivité de l’entreprise peut finalement évoluer vers un contentieux.

En l’absence de précisions sur un délai ou une date de début des travaux, les juges du fond se réfèrent habituellement à la notion de délai raisonnable.

Quel est donc ce délai raisonnable ? Quel est le point de départ de ce délai ? Peut-il être prorogé pour des causes liées aux conditions climatiques ?

Il est évident que l’appréciation du délai raisonnable résulte avant tout des circonstances particulières de l’affaire : ce délai dépend avant tout de la nature des prestations à accomplir, de la complexité des travaux envisagés (nécessité d’études préparatoires ou d’études d’exécution, etc…). Les juges du fond disposent à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation.

Par un arrêt du 29 septembre 2016, la Cour de cassation est cependant venue apporter plusieurs précisions sur le point de départ du délai raisonnable en matière de devis accepté ne comportant aucune mention particulière sur le délai d’intervention de l’entreprise.

En l’espèce, un devis est émis le 4 mars 2014 par un professionnel et porte sur la pose d’une clôture. Le contrat est valablement formé (ceci n’était pas contesté par les parties) et il est versé un acompte de 30% par le client. Toutefois, le devis ne contient aucune précision permettant de connaître la date de début des travaux ou le délai maximal d’intervention. L’arrêt nous apprend encore que figurait également une mention manuscrite « après le 15 mai » au bas de l’une des pages du contrat.

Plus de trois mois s’écoulent et l’entreprise n’est toujours pas intervenue. Le 28 juin 2014, le client adresse à l’entreprise un courrier valant mise en demeure de s’exécuter, laquelle reste infructueuse. Finalement le client dénonce le contrat et demande la restitution de l’acompte versé.

L’entreprise ne donnant très probablement aucune suite, le client saisit la juridiction compétente (juridiction de proximité de Périgueux) en vue d’obtenir la résolution judiciaire du marché et la restitution de l’acompte versé, outre l’allocation de dommages et intérêts.

Le juge de proximité fait droit aux demandes du client aux motifs que le devis signé ne comportait aucune clause précisant le délai d’exécution des travaux de sorte que l’écoulement d’un délai de trois mois entre la date du devis et celle de la dénonciation du contrat constituait un délai raisonnable au cours duquel l’entreprise était en mesure de réaliser les travaux tout au moins de les débuter, justifiant les demandes judiciaires du client, sans que l’existence d’une mise en demeure ou la présence de conditions météorologiques soient de nature à permettre de différer ou reporter ledit délai.

L’entreprise forme un pourvoi devant la Cour de cassation (le jugement n’étant pas susceptible d’appel) critiquant la juridiction de proximité de ne pas avoir recherché si l’auteur de la mention manuscrite portant sur un accord sur la date du ’15 mai’ n’émanait pas du client lui-même et pouvait donc constituer un accord sur la date de début des travaux. Il était également soutenu que l’appréciation du délai raisonnable devait débuter à compter de la date de mise en demeure et qu’il devait être tenu compte des conditions météorologiques.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la juridiction de proximité d’avoir considéré que le point de départ du délai pour débuter les travaux était la date du devis et souverainement apprécié qu’un délai de trois mois pour y procéder était raisonnable, précisant également que l’argument tenant aux conditions météorologiques était inopérant.

La Cour de cassation vient ici rappeler qu’en cas de doute sur la date ou l’indication d’un délai pour débuter les travaux, l’appréciation du délai raisonnable pour s’acquitter des prestations convenues court à compter de la date de l’établissement du devis, l’envoi d’une mise en demeure pour s’exécuter n’ayant pas pour effet de faire naître un nouveau délai pour l’appréciation du délai raisonnable.

Par ailleurs, la Cour de cassation confirme que l’existence d’’une mention manuscrite faisant simplement figurer une date, ne permet pas à l’entreprise professionnelle de suppléer sa carence et n’oblige aucunement le juge à vérifier qui en était l’auteur.

Si l’appréciation du délai raisonnable ne pouvait être ici remise en cause, la Haute Cour vient donc souligner que l’entreprise n’ayant pas pris la précaution de fixer clairement dans son devis la date ou un délai pour débuter ses travaux, s’expose à une dénonciation du contrat par le client si aucune diligence n’est accomplie dans un délai raisonnable, délai qui court à compter de la date de l’établissement devis.

Précisons enfin que lorsqu’un contrat de prestation de service réunit un professionnel et un consommateur, le nouvel article L. 216-1 du code de la consommation (dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°20016-301 du 14 mars 2016) dispose que « le professionnel livre le bien ou fournit le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur (…) sauf si les parties en ont convenu autrement. A défaut d’accord ou d’indication quant à la date de livraison ou d’exécution, le professionnel livre le bien ou exécute la prestation sans retard injustifié  et au plus tard trente jours après la conclusion du contrat. (…) ». En présence d’un contrat soumis aux dispositions du code de la consommation, le législateur est donc venu clairement encadrer ce genre de situation. Si le consommateur dénonce le contrat, le professionnel doit rembourser les sommes versées par le consommateur dans les 14 jours suivant la date de dénonciation du contrat. A défaut de s’exécuter, les sommes sont de plein droit majorées dans les conditions de l’article L. 241-4 du Code de la consommation.

Quant à l’argument fondé sur les conditions météorologiques, celui-ci n’avait que peu de chance d’aboutir.

En effet, une jurisprudence constante subordonne la validité d’une suspension ou d’un report des travaux pour cause d’intempéries à l’existence d’une clause contractuelle acceptée par le cocontractant. Par ailleurs, pour que la prorogation soit admise, il faut également que les intempéries aient été de nature à empêcher effectivement l’exécution  des travaux en cause. En pratique,  lorsque les contrats de construction prévoient une telle clause, le décompte précis des jours de report est fondé sur une attestation d’un professionnel (tel un architecte).

Il appartient dès lors aux entreprises professionnelles de veiller rigoureusement à l’insertion, dans leurs devis, d’une date ou d’un délai de commencement du chantier, sous peine de s’exposer à une résolution du contrat et à une sanction financière.

Réfs. : Cass., civ., 3e, 29 sept. 2016, n° 15-18.238, Bulletin.