Les donations

 

I. Les règles communes à toutes les donations

 

I.1. La définition de la donation entre vifs

 

La définition légale

 

La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte (art. 894 du code civil).

Cette définition met en exergue les principaux caractères de la donation.

Parce que le donataire doit l'accepter, la donation résulte d'un accord de volontés entre celui qui dispose et celui qui est désigné bénéficiaire. Elle est ainsi constitutive d'un contrat. Il s’agit d’un contrat unilatéral puisque seul le donateur s'oblige (sauf l’hypothèse où la donation est assortie de charges).

Il s’agit en outre d’un contrat qui produit des effets juridiques immédiats : le disposant perdant en principe sans délai la propriété de la chose donnée (sauf l’hypothèse où il s’agit d’une donation à terme).

Enfin, la donation est un contrat irrévocable. Cette irrévocabilité est renforcée au regard du droit commun des contrats dans la mesure où le donateur ne peut se réserver dans l'acte la possibilité de rétracter son consentement et de reprendre ainsi ce qu'il a donné, quand bien même celui-ci obtiendrait l'accord du gratifié.

Un autre caractère majeur définit la donation : la solennité de l’acte. Tous actes portant donation entre vifs doivent être passés en la forme authentique, à peine de nullité de l'acte (art. 931 du code civil).

En pratique, bon nombre de donations ne revêtent pas ce caractère car elles ne sont pas contractuelles et ne sont donc pas soumises au formalisme légal. Il s’agit des donations suivantes : don manuel, de la donation indirecte, ou encore de la donation déguisée.

En présence d’une telle diversité de situation, ressort une difficulté de qualification qui rend nécessaire de procéder à la caractérisation de plusieurs autres critères.

 

Les autres critères de qualification posés la jurisprudence

 

Aux différents éléments résultant la définition légale (art. 894 et 931 du code civil), deux critères supplémentaires ont été posés par la jurisprudence afin de qualifier l'acte de donation et, plus largement, les libéralités.

Le premier critère, dit objectif, est l'élément matériel. Il a trait à l'objet de la donation, à savoir l'existence d’un appauvrissement actuel et irrévocable du disposant et l'enrichissement corrélatif du donataire. L'absence souhaitée de contrepartie - autrement dit l’absence d'équivalent économique à l'opération - caractérise la gratuité.

L'objet, patrimonial, de ce transfert peut porter d’une part sur un droit réel (droit de propriété, usufruit, droit d'usage et d'habitation, servitude comme un droit de passage) ou d’autre part sur un droit personnel (créance, …).

Exemples :

Dans le cas de démembrement de la propriété, il n’existe pas de donation au profit du nu-propriétaire lorsque l’usufruitier procède à la construction d'immeubles de rapport sur les terrains grevés de l'usufruit. La Cour de cassation considère en pareille situation que le nu-propriétaire du sol ne s'est pas enrichi car l'accession n'a pas opéré immédiatement à son profit (Cass. civ. 3ème, 19 septembre 2012, n°11-15.460). Il a également été jugé que la modification de la répartition des bénéfices votée par les associés usufruitiers, au profit des associés nus-propriétaires, ne constitue pas davantage une donation indirecte, faute de tout appauvrissement des prétendus donateurs (Cass. com. 18 décembre 2012, n°11-27.745).

L'élément matériel implique une absence d'équivalence qui est de nature à distinguer l'acte de donation d'un acte à titre onéreux.

Dans le cas d’une donation avec charges (payer des dettes du disposant, lui procurer des soins, etc.) cet acte n'est réellement considéré comme une donation si le coût de la charge ne dépasse pas la valeur de l'émolument reçu par le gratifié. Dit autrement, l'existence d'une contrepartie fait de l'opération un contrat commutatif, donc nécessairement à titre onéreux (même si l'intention du disposant est libérale) (Cass. req. 25 février 1913 ; Cass. civ. 28 novembre 1938).

Il en va de même également pour le contrat aléatoire. C’est ainsi que la jurisprudence a pu juger, à propos de l'acquisition d'un bien avec clause d'accroissement (pacte tontinier), qu'elle constitue un contrat aléatoire et non une libéralité (Cass. civ. 1ère, 14 décembre 2004, n°02-11.088). Néanmoins, le caractère aléatoire de l’acte est absent si l'acquisition n'a pas été financée par tous les acquéreurs et que l'ordre des décès ne fait aucun doute. En pareille situation, les juges ont la faculté de considérer que l'opération constitue une libéralité (Cass. civ. 1ère, 10 mai 2007, n°05-21.011 ; en l’espèce une donation déguisée).

Également, il a été jugé que l'acquisition financée par un prêt consenti par son futur époux assorti d'une reconnaissance de dette et dont le remboursement du prix a été effectué, pour partie, sur fonds propres, le surplus, par donation de droits indivis sur l'immeuble acquis ne constitue pas une donation, faute de dépouillement irrévocable du prêteur envers sa future épouse (Cass. com. 14 avril 2021, n°18-15.623).

L 'appauvrissement du donateur et l'absence souhaitée d'équivalent économique au transfert opéré permettent d’exclure les donations rémunératoires comme étant une libéralité à partir du moment où la contrepartie excède sa contribution aux charges du mariage lorsqu'il est le conjoint du disposant (Voir en matière d'achat pour autrui entre époux : Cass. civ. 1ère, 24 octobre 1978, n°76-12.557). Cette analyse est la même en cas de dation en paiement ou de transaction.

Pareillement, la faible valeur économique de l'objet ou du revenu donné exclut toute qualification de donation, faute d'appauvrissement du disposant. Le critère de la donation résultant de l'élément matériel est en réalité celle « qui entame le capital du disposant ». Dans ces conditions, ce critère exclut la qualification en tant que donation, les présents d'usage, les allocations, les dons modiques, les pourboires, malgré leur gratuité manifeste.

Mais à lui seul, ce critère dit objectif, est insuffisant pour venir caractériser une libéralité. Le déséquilibre du contrat doit s’induire de la volonté du disposant, mais cette volonté doit avoir été animée par une intention libérale.

Le second critère dégagé par la jurisprudence est l'élément intentionnel ou l’élément moral, dit subjectif. La nécessité de l’élément intentionnel a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. civ. 1ère, 9 février 1977, n°75-13.992 instituant une présomption d’intention libérale lorsque le bénéficiaire invoque avoir reçu une donation ; Cass. civ. 1ère, 1er juillet 1977,n°75-12.451 en matière de testament ; Voir également les 4 arrêts importants suivants abandonnant la jurisprudence de 2005 sur la notion d’avantages indirects rapportables : Cass. civ. 1ère, 18 janvier 2012 n°10-25.685, n°10-27.325, n°11-12.863 et n°09-72.542).

Du fait de l’absence de définition légale, la Doctrine fait ressortir deux conceptions : une première conception abstraite (objective) de l'intention libérale, qui est axé sur la conscience et la volonté du disposant de s'appauvrir, quelle que soit ses motivations. Une seconde conception affective (concrète) plus restrictive, qui se repose sur les motivations du disposant, à savoir qu’il doit avoir agi par altruisme, de façon totalement désintéressée.

Sur cette question, la jurisprudence varie selon les cas d’espèce, cette recherche de l‘intention libérale étant laissée au pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Il convient néanmoins de souligner que si la qualification de l'opération litigieuse doit s'effectuer à partir des intentions initiales, les juges du fond ont la possibilité de tenir compte des comportements ultérieurs (Cass. civ. 1ère, 9 novembre 1993, n°91-22.059).

Exemples :

Des propriétaires qui, ayant donné une parcelle de terre à un tiers, après l'avoir préalablement mise en vente puis retirée de la vente du fait de l'exercice du droit de préemption de la SAFER, traduit l'existence d’une intention libérale ; Les juges du fond ont considéré qu’il existait une donation malgré le fait qu’elle avait également pour volonté de faire obstacle à l’exercice du droit de préemption de la Safer (Cass. civ. 3ème, 9 juin 2016, n°15-17.562 ; Lors de cette opération il faut relever que toutes les mutations à titre gratuit entre vifs échappaient au droit de préemption de la SAFER, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui). Au contraire, il n’existe pas d’intention libérale lorsque des propriétaires bailleurs ont consenti au profit d'un tiers la transmission gratuite d'une parcelle de vigne louée, la donation ayant pour seul objectif de contourner le droit de préemption de leurs preneurs à bail, avec qui ils entretenaient de très mauvaises relations, constituant ainsi une fraude (Cass. civ. 3ème, 15 avril 2021, n°20-15.332, n°20-15.334, n°20-15.335, n°20-15.336, n°20-15.337, n°20-15.339, n°20-15.340 et n°20-15.342).

La confrontation de ces différents éléments n'est pas toujours aisée à percevoir ou suffisante afin de déterminer si l'acte est constitutif d'une donation ou non, ce qui est donc source de difficultés ou d’incertitudes.

Maître Romain JIMENEZ-MONTES est Avocat inscrit au barreau d'Aix-en-Provence (58 cours Sextius, 13100) depuis 2012 et concentre son activité professionnelle uniquement en droit des successions et droit immobilier.

 

Avocat associé de la A.A.R.P.I. CRJ AVOCATS

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