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Droit des successions

LE RAPPORT SUCCESSORAL


Le rapport des libéralités a pour finalité d’assurer l’égalité du partage entre plusieurs héritiers. (Le rapport ne peut donc être exigé lorsque vient à la succession un seul héritier)

Toutefois, le rapport n’a pas pour finalité d’assurer une égalité entre les vocations héréditaires des héritiers, le défunt ayant toujours la possibilité d’avantager l’un ou plusieurs de ses héritier (dans une succession avec réserve héréditaire, le de cujus ne peut toutefois gratifier librement que dans la limite de la quotité disponible, le réservataire ayant possibilité d’invoquer l’atteinte à sa réserve).

Le défunt peut donc très bien avantager l’un de ses héritiers au détriment d’un ou plusieurs autres par plusieurs moyens différents :

  • En consentant une donation au profit d’un héritier réservataire en précisant que celle-ci sera faite hors part successorale (anciennement par préciput). Ceci signifie que cette donation s’imputera prioritairement sur la quotité disponible et non pas sur sa réserve héréditaire
  • En avantageant un héritier (réservataire ou non) par testament (legs universel de la totalité de sa succession, legs de la quotité disponible, legs d’une fraction de la succession, legs d’un ou plusieurs biens à titre particulier))

Lorsqu’une libéralité est soumise au rapport et que le bénéficiaire y est tenu, le gratifié héritier dans la succession doit rapporter à la masse active successorale du défunt (composée des biens existants au jour du décès), toutes les libéralités reçues par ce dernier. (rapport en moins prenant)

Exemple 1 : Le défunt laisse à sa succession ses deux enfants A et B. A a reçu, du vivant de son père, par donation en avancement de part successorale, un immeuble valant 100 au jour du partage. Les biens existant au décès se composent uniquement de liquidités évalués à 200 au jour du partage. Le défunt n’a pas fait de testament avantageant l’un de ses enfants. La masse partageable est de 300 (200 + 100). Chacun des enfants doit recueillir moitié de la succession soit 150. A, qui a déjà reçu un immeuble valant 100, n’a vocation à percevoir que 50, B recevant quant à lui 150.

Exemple 2 : Même énoncé que précédemment mais l’immeuble donné est estimé à 250 au jour du partage. La masse partageable est de 450 (200+250). Chacun des enfants doit recevoir 225. A, qui a déjà reçu un immeuble estimé à 250, ne reçoit rien. Il doit par ailleurs une indemnité de rapport de 25 à son frère (indemnité qui sera payée sur son patrimoine personnel). B reçoit toutes les liquidités (200) plus l’indemnité de réduction due par son frère (25), soit 225.

Ce rapport intervient quel que soit le montant de la libéralité (sauf exception) et quelle que soit sa date. Le rapport étant analysé comme une opération préalable au partage, l’obligation au rapport vaut même pour les libéralités les plus anciennes (sous réserve de prouver l’existence d’une véritable libéralité rapportable). Il ne peut donc être invoqué une prescription.

A défaut de le faire spontanément, si un cohéritier parvient à démontrer qu’il n’a pas été rapporté une libéralité et que ce comportement a eu pour effet de rompre l’égalité du partage, l’héritier bénéficiaire de la libéralité s’expose à une peine de recel successoral.

Concrètement, l’obligation au rapport est une opération comptable qui a pour finalité d’augmenter fictivement la masse partageable du défunt : Aux biens existants se trouvant dans le patrimoine du défunt au jour de son décès, la masse est augmentée de la valeur du ou des libéralités soumises au rapport. Cette opération - purement comptable - permet ensuite de déterminer les droits des cohéritiers dans la succession.

LE CHAMP D'APPLICATION DU RAPPORT

Toutes les libéralités ne sont pas nécessairement soumises au rapport. L’obligation ou la dispense du rapport est fonction de la nature de la libéralité consentie. Le législateur pose des présomptions sur le caractère ou non rapportable d’une libéralité. Néanmoins, la volonté du défunt conserve une place importante sur le caractère rapportable ou non d’une libéralité. (I)

Par ailleurs, toute personne ayant reçu une libéralité rapportable ne doit pas nécessairement le rapport à la succession. Il s’agit de déterminer quelles sont les personnes tenues au rapport et quelles sont celles qui peuvent l’exiger (II)

  • I. Les libéralités soumises au rapport
 
  1. a) Les présomptions instituées par le Code civil
En ce qui concerne l’obligation ou non au rapport, le législateur a énoncé certaines présomptions qui s’appliquent lorsque le défunt n’a pas explicitement indiqué si l’une ou plusieurs libéralités présentaient ou non un caractère rapportable.

Les présomptions instituées par le législateur diffèrent selon de la nature de la libéralité :
  • 1) Les donations entre vifs
Les donations sont présumées rapportables, sauf volonté contraire du de cujus.

Cette présomption touche toutes les donations notariées, mais également les dons manuels, donations déguisées ou indirectes.

Les exceptions :
  • Les frais de nourriture et d’entretien, les frais d’éducation et d’apprentissage.
  • Les présents d’usage (le don doit être modique au regard de la fortune du disposant et être contemporain à un événement particulier (tel un mariage, un anniversaire…).
  • Les avantages indirects s’il n’est pas démontré une intention libérale (à défaut d’intention libérale ces avantages ne sont pas considérées comme étant des libéralités : l’occupation gratuite d’un logement par un héritier est un exemple).
  • Les donations partages (seules sont concernées celles procédant à un véritable partage anticipé. Sont donc exclues celles qui laissent subsister une indivision sur un bien donné entre plusieurs donataires).
  • Les ventes à fonds perdus ou avec réserve d’usufruit consenties à un successible en ligne directe.
  • Le capital versé au titre d’un contrat d’assurance-vie (hors succession) ainsi que les primes versées par le défunt à l’assureur, sauf si celles-ci ont un caractère manifestement exagéré (article L. 132-13 du Code des assurances)

 
  • 2) Les legs
Les legs sont présumés avoir été faits hors part successorale,  sauf volonté contraire du testateur.

Ils ne sont pas rapportables.

Il est en principe rare que le défunt stipule que le ou les biens donnés seront rapportables

  1. b) La volonté  du disposant sur l’obligation au rapport
Le rapport successoral n’est pas d’ordre public, au contraire de la réserve héréditaire.

Le défunt peut donc librement décider d’exclure tout rapport alors même que la donation est présumée rapportable.

Inversement, il peut librement décider qu’un legs (en principe non soumis au rapport) devra être rapporté par le légataire à sa succession.

Le disposant peut également prévoir une clause imposant un rapport forfaitaire (pour un montant prédéterminé à l’avance) ou encore pour la valeur du bien objet de la libéralité a pris effet (au jour de la donation ou au jour du décès pour un legs).

  1. II. Les personnes tenues au rapport

  1. a) Les personnes débitrices du rapport

Seul l’héritier ab intestat, qu’il soit réservataire ou non, doit le rapport.

Une personne ne venant pas à la succession en tant qu’héritier ab intestat (soit parce qu’il s’agit d’un tiers à la famille du défunt soit parce qu’il est exclu par un héritier d’un ordre ou d’un degré supérieur) n’est pas tenu au rapport de la libéralité.

Sauf volonté contraire, l’héritier renonçant ne doit pas le rapport et peut conserver la libéralité reçue.

Néanmoins, l’héritier renonçant tenu au rapport par une stipulation, peut être éventuellement tenu d’indemniser ses cohéritiers d’une indemnité de rapport. En effet, « lorsque la valeur rapportée excède les droits qu’il aurait dû avoir dans le partage s’il y avait participé, l’héritier renonçant indemnise les héritiers acceptants à concurrence de cet excédent ». (article 845 al. 2 du Code civil)

 
Peu importe également l’ordre auquel il appartient (enfant, frère, parent, neveu) à partir du moment où celui-ci vient effectivement à la succession.

Néanmoins, pour que la libéralité soit rapportable, encore faut-il que le gratifié ait eu, au jour de la libéralité, la qualité d’héritier présomptif.

Exemple 1 : Une personne fait une donation à son petit-fils. Lors de son décès, il laisse à sa succession son unique petit-fils (le fils étant prédécédé après le jour où a été établie la donation). La donation ne sera pas rapportable car, au jour de la donation, le petit-fils n’était pas héritier présomptif.

Exemple 2 : une personne fait donation à l’un de ses frères alors qu’il n’avait ni enfant ni parents au jour de l’acte. Cette donation devra être rapportée par son frère puisque celui-ci avait, au moment de la libéralité, la qualité d’héritier présomptif (ordre des ascendants privilégiés et des collatéraux privilégiés). Il en aurait été autrement si, au jour de l’acte, celui-ci avait un enfant qui lui est ensuite prédécédé.

Néanmoins, le défunt peut déroger à cette règle en exprimant une volonté contraire.

Exemple : Une personne fait une donation à son petit-fils. La donation stipule que le gratifié devra rapporter le bien reçu. En pareil cas, quand bien même le petit-fils n’avait pas la qualité d’héritier présomptif au jour de la donation, ce dernier sera contraint au rapport.



  Le légataire universel et le légataire universel ne sont pas tenus de rapporter les donations consenties par le défunt, à condition toutefois qu’il n’ait pas également la qualité d’héritier réservataire dans la succession.

  L’héritier ab intestat ne peut être tenu au rapport que s’il a bénéficié personnellement de la libéralité : Il ne doit pas le rapport des libéralités qui auraient pu être faites au profit de ses parents, enfants ou conjoint.

Exemple : une donation est faite par une personne au profit de son petit-fils. Au décès du donateur, il laisse à sa succession son fils. Si ce dernier accepte la succession de son père et n’est pas indigne, le petit-fils ne peut être tenu au rapport puisqu’il est héritier de second rang et n’est donc pas appelé à la succession.


Néanmoins, il existe une atténuation à ce principe : en cas de représentation (prédécès, renonciation, ou indignité), le représentant doit le rapport des libéralités reçues par le représenté.

Exemple : Une personne fait donation à l’un de ses deux fils d’un immeuble. Au jour de son décès, le bénéficiaire de la donation est prédécédé. Il laisse pour recueillir sa succession son petit-fils ainsi que son autre fils. Le petit-fils, venant par représentation de son père précédée, devra rapporter l’immeuble reçu par son père.


 
L’héritier débiteur du rapport a vocation à recevoir en moins prenant, dans la masse des biens existants, que son cohéritier.

 
  1. b) Les personnes créancières du rapport
Toutes les personnes n’ont pas la possibilité d’exiger le rapport d’une libéralité.

En effet, le rapport n’est dû que par l’héritier à ses cohéritiers qui viennent à la succession.

Ainsi, l’héritier renonçant ou indigne ne peut exiger le rapport.

Au contraire, les légataires universels ou à titre universel (qui n’ont pas la qualité d’héritier réservataire) ne peuvent exiger que les héritiers rapportent à la succession les libéralités reçues. [le légataire particulier est étranger à tout rapport]

Le conjoint survivant bénéficiaire d’une donation entre époux (institué contractuel) ne peut non plus exiger le rapport. (l’institution contractuelle étant analysée comme un legs)

Les créanciers successoraux, sous certaines réserves, ne peuvent non plus exiger le rapport.

LES MODES D'EXECUTION DU RAPPORT

Le législateur prévoit deux possibilités d’exécuter le rapport : il peut avoir lieu en valeur ou encore en nature. Toutefois, le rapport en nature d’un legs ne peut se concevoir.   I /Le principe : Le rapport en valeur Le principe est que le rapport est dû en valeur. (articles 858 et 843 al. 3 du Code civil).

  1. L’indemnité de rapport : détermination de son montant
Sauf clause contraire, l’évaluation du bien donné ou légué a lieu à l’époque du partage d’après son état à l’époque de la donation. (860 du code civil).
  • L’évaluation du bien donné ou légué a lieu à l’époque du partage
L’évaluation du bien donné ou légué doit avoir lieu au jour le plus proche du partage (qui est la date de la jouissance divise, c’est à dire le moment où il est mis fin à l’indivision). Si un bien donné ou légué soumis au rapport a été aliéné avant le partage (à titre gratuit ou onéreux), seule la valeur du bien objet de l’aliénation doit être rapporté (en cas de vente, le montant à retenir n’est pas nécessairement le prix de vente lorsque le bien a pu être volontairement sous-évalué). Il est dérogé à cette règle lorsque l’aliénation du bien a permis d’acquérir un nouveau bien d’investissement (subrogation). En pareil cas, le rapport est évalué pour la valeur du nouveau bien acquis au jour du partage. Depuis la réforme du droit des succession (loi du 23 juin 2006), le législateur a prévu que lorsque le bien donné ou légué a porté sur un bien dont la dépréciation était inéluctable (telle une voiture, bateau,…), le montant du rapport a lieu pour la valeur du bien donné au jour de la donation (ou du décès s’il s’agit d’un legs). Enfin, lorsque des sommes d’argent ont été données, le montant du rapport a lieu pour le nominal donné (article 860-1 du Code civil), sauf si les sommes données a permis au bénéficiaire de la libéralité d’acquérir un bien d’investissement (subrogation).  
  • L’évaluation de la libéralité dépend de son état au jour où la libéralité a pris effet
Si l’état du bien donné a évolué entre le jour où la libéralité a pris effet et le jour du partage, il y a lieu de distinguer. Les plus ou moins-values imputables au gratifié ne doivent pas être prises en considération pour l’évaluation du bien donné ou légué. Exemple : Un bien immobilier vétuste a été donné. Le donataire a fait des travaux d’amélioration sur l’immeuble financé par ses économies ou un emprunt remboursé par ses revenus du travail. Il ne doit pas être pris en considération l’état actuel du bien pour déterminer le montant du rapport mais l’état du bien au jour de la donation. Au contraire, si l’évaluation du bien a augmenté ou diminué en raison de circonstances non imputables au gratifié, la modification de l’état du bien doit en pris en considération pour la détermination du rapport. Exemple : Un terrain est donné alors qu’il est inconstructible. Au jour du partage, en raison de l’évolution des règles d’urbanisme, le terrain est devenu constructible. L’état du bien à retenir sera celui d’un terrain constructible. Lorsque l’état du bien procède tant  de modifications imputables au gratifié tant de modifications qui lui sont étrangères, il convient de procéder à une ventilation sur la valeur à rapporter, ce qui peut parfois être source de complexité, surtout lorsque le laps de temps entre la prise d’effet de la libéralité et le partage est important.   Il existe des règles spécifiques d’évaluation en présence d’une donation avec charge, lorsque la donation a porté sur la nue-propriété ou sur l’usufruit ou encore lorsque le bien a péri.   Les règles prévues par les articles 860 et suivants du Code civil n’étant, comme indiqué plus haut, pas d’ordre public, le disposant peut librement y déroger par des clauses spécifiques. Le disposant a la possibilité de stipuler :
  • Une clause indiquant que le rapport aura lieu par la valeur du bien donné au jour de la donation
  • une clause de rapport forfaitaire,
  • en cas d’aliénation, que le rapport sera dû au jour de l’aliénation et faisant ainsi échec à la subrogation réelle s’il a été acquis un nouveau bien.
Ces clauses se retrouvent habituellement dans les actes de donation, mais rien n’empêche de les prévoir dans un acte postérieur. Toutefois, selon l’incidence de la clause sur la libéralité, il pourra être éventuellement obligatoire de recourir à un notaire (acte authentique)  
  1. Le règlement de l’indemnité de rapport
Une fois le montant du rapport dû (liquidation), le donataire doit régler l’indemnité de rapport. Le législateur a posé le principe du règlement de l’indemnité de réduction ‘en moins prenant’. Le bénéficiaire de la libéralité n’a ic pas à verser dans la masse partageable le montant de l’indemnité de rapport dû mais prend moins sur la masse des biens (existants) se retrouvant au jour du partage. Cette forme de règlement simplifie les opérations de partage. Le règlement en moins prenant s’impose au bénéficiaire de la libéralité, de sorte qu’il ne peut pas imposer de verser à la masse partageable une somme d’argent. Le donataire ne peut s’acquitter du règlement en moins prenant que dans la mesure où ses droits dans la masse partageable sont suffisants : Si l’indemnité de rapport est supérieure à ses droits dans la masse à partager, le règlement s’exécutera tout d’abord en moins prenant, le reliquat sera régler par le versement d’une somme d’argent. Exemple : A a 3 enfants : B, C et D. B a reçu une somme d’argent de 800. Les biens existants sont évalués à 100 au jour du partage. La masse à partager est de 900. Les droits de chacun des héritiers sont de 300. B exécutera son rapport en moins prenant à hauteur de 300 et devra régler à ses cohéritiers une somme de 500 au moyen de ses propres deniers. C et D seront chacun alloti de 50 sur les biens existants et recevront également 250 de B, soit 300.   Sur un plan liquidatif, deux méthodes existent : le prélèvement et l’imputation.
  • Le prélèvement 
Chaque cohéritier du gratifié prélève sur la masse de biens à partager un ou plusieurs biens d’une valeur correspondant au montant du rapport dû. Cette première phase est  analysée comme un partage partiel). Ensuite, le reliquat (ou la masse résiduelle) est partagé, si cela est possible, entre tous les héritiers selon leurs droits successoraux. Cette technique – qui augmente le risque de licitation judiciaire des biens composant la masse résiduelle – a été abandonnée suite à l’’entrée en vigueur de la loi du 26 juin 2006 (sauf en cas de partage judiciaire)
  • L’imputation
Cette technique à allotir le gratifié de l’indemnité de rapport dont il est redevable qui est ainsi imputée sur sa part. Le risque de licitation judiciaire est ici réduit dans la mesure où le partage est conçu comme un partage unique, effectué en une seule fois. Cette technique, issue de la pratique notariale, a été consacrée par le législateur et est prévue à l’article 864 du Code civil. Elle ne peut néanmoins être appliquée lorsque le partage est judiciaire, les lots étant en pareil cas tirés au sort. La technique de l’imputation nécessite de connaître à avance l’attributaire de chacun des lots.   II/ L’exception : Le rapport en nature  
  1. Les différentes situations de rapport en nature
 
  • Rapport en nature imposé par le défunt
S’il n’est pas envisageable de concevoir le rapport en nature d’un legs (celui-ci ne pourrait être exécuté), il en va différemment pour les donations (notariées), pour lesquelles le défunt a pu l’imposer. Si le défunt a imposé, par l’insertion d’une clause dans l’acte de donation, le rapport en nature, le donataire ne peut s’y soustraire. Si l’acte de donation ne prévoit pas en lui-même une clause imposant le rapport en nature de la libéralité consentie, le défunt a toutefois la possibilité de l’imposer au donataire dans un acte postérieur. Il est également permis au défunt d’écarter le rapport en nature par une clause expresse figurant dans l’acte de donation. 2) Rapport en nature choisi par le donataire Le donataire dispose également de la faculté de rapporter en nature la libéralité reçue (si toutefois le défunt ne l’a pas écarté par une clause spécifique). Les raisons expliquant ce choix peuvent être divers (bien couteux à entretenir, etc…) Conformément à l’article 859 du Code civil, deux conditions cumulatives doivent être remplies :
  • le bien donné doit encore être la propriété du donataire au moment du partage (le rapport en nature ayant pour incidence de mettre à néant les droits des tiers sur le bien donné).
 
  • le bien doit être libre de toute charge ou occupation qui résulterait de l’action du En conséquence, les charges ne résultant pas de l’action du gratifié n’empêche pas le rapport en nature (ex. : nouvelle servitude administrative imposée par la Commune, etc…)
 
  1. Effets du rapport en nature
 
  • Résolution de la donation
Le rapport en nature a pour effet d’entrainer la résolution de la donation. En conséquence, le donataire perd la propriété du bien et doit le restituer. Le bien se trouve replacé dans la masse partageable. Le donataire conserve des droits sur le bien. Ayant la qualité d’héritier acceptant, il détient - au même titre que ses cohéritiers – des droits sur le bien restitué en nature, qui se limite au droit de l’indivision. Exemple : le donateur qui décidé de rapporter en nature le bien dont il avait été gratifié, s’il occupe encore l’immeuble pendant la période d’indivision, sera redevable d’une indemnité d’occupation. Quand bien même il décide de rapporter en nature le bien reçu, le donataire pourra lors du partage (amiable ou judiciaire) être alloti du bien restitué, lui conférant à nouveau la qualité de propriétaire privatif. Vis à vis des tiers, les aliénations et constitutions de droits réels réalisés par le donataire sont en principe anéanties de façon rétroactive (ce risque est inexistant lorsque le gratifié décide lui-même de rapporter le bien reçu sur le fondement de l’article 859 du Code civil puisque la condition d’application de cet article est que le donataire doit encore être propriétaire du bien). L’effet résolutoire ne jouera cependant pas dans les situations suivantes :
  • En matière de donation de meuble corporels, le tiers peuvent échapper à la résolution en invoquant le bénéficie de l’article 2276 du Code civil (tiers possesseur de bonne foi)
  • En matière immobilière, la clause imposant le rapport en nature n’a pas fait l’objet d’une publication au service de publicité foncière.
  • Si le donateur a consenti à l’aliénation ou à la constitution de droits réels, les droits des tiers sont maintenus.
  • Si le bien est mis au lot du donataire lors du partage (les tiers se voient reconnaître la possibilité de former opposition au partage)
Au contraire, tous les actes d’administration sont maintenus, même ceux qui sont en principe analysés comme des actes de disposition (baux commerciaux, baux ruraux, … à l’exception des baux constitutifs de droits réels tel un bail emphytéotique).  
  • L’établissement possible de comptes entre le donataire et la succession
Le rapport en nature peut également impliquer de réaliser un compte entre la donataire et la succession. En effet, le bien donné a très bien pu être amélioré ou dégradé depuis le jour où la libéralité a pris effet. Ainsi, le donataire qui a amélioré ou dégradé le bien qu’il rapporte en nature a droit ou est redevable d’une indemnité (article 861 du code civil). En cas d’améliorations faites par le gratifié, l’indemnité est égale à la plus-value constatée au jour du partage. Si le donataire a engagé des dépenses nécessaires, il peut également réclamer une indemnité. En cas de dégradations ou détériorations imputables au gratifié, celle-ci est égale à la moins-value (article 863 du code civil). Bien évidemment, s’il est constaté à la fois des améliorations et des détériorations, une compensation a lieu entre les indemnités dont le gratifié est redevable de celles dont il est créancier. Toutes ces indemnités sont autant d’articles du compte : seul le solde du compte est dû.   S’agissant du règlement de l’indemnité, il faut distinguer suivant les situations. L’indemnité est due :
  • soit à la succession (le rapport de cette indemnité a lieu en moins prenant et est déduite des droits du cohéritier donataire lors du partage)
 
  • soit par la succession (la somme est réglée lors du partage en même temps que le règlement de ses droits dans la masse partageable ou le donataire choisit d’obtenir un prélèvement sur l’actif sur le fondement de l’article 815-17 du Code civil).
  III/ Le rapport des fruits et les intérêts
  1. Les fruits
Les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l’ouverture de la succession. (article 856 al. 1 du code civil) Le donataire conserve les fruits échus avant le décès. Ill conserve également tous les fruits, même échus après le décès, qui sont dus aux améliorations apportés par lui sur le bien donné. Selon que le rapport est dû en valeur ou en nature, les fruits doivent être restitués en valeur ou  restitués eux-mêmes.  
  1. Les intérêts
Les intérêts ne sont dus qu’à compter du jour où le montant du rapport est déterminé. (article 856 al. 2 du Code civil). L’indemnité de rapport ne produit d’intérêts qu’à compter de sa liquidation (qui ne correspond pas nécessairement aux opérations de liquidation : aliénation du bien donné avant le décès du défunt). Les intérêts sont dus de plein droit, de sorte qu’une mise en demeure n’est pas nécessaire.   En principe, il ne peut y avoir cumul des fruits et intérêts : ainsi, lorsque l’indemnité de rapport est fixée à la valeur du bien au jour du partage, le donataire est redevable des fruits échus entre le décès et le partage, les intérêts n’étant quant à eux dus qu’à compter du partage. Le cours des intérêts des intérêts ne commence qu’à partir du moment  où les fruits cessent d’être dus. Il pourrait cependant en être autrement lorsque l’indemnité est liquidée antérieurement à la date du partage.

Maître Romain JIMENEZ-MONTES est Avocat inscrit au barreau d'Aix-en-Provence (58 cours Sextius, 13100) depuis 2012 et concentre son activité professionnelle uniquement en droit des successions et droit immobilier.

 

Avocat associé de la A.A.R.P.I. CRJ AVOCATS

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