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Testaments & Legs


Définition et caractéristiques du testament

Le testament est l'acte par lequel le testateur exprime ses dernières volontés et « dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu'il peut révoquer » (art. 895 du code civil).

Il présente différentes caractéristiques : il s’agit d’un acte juridique unilatéral qui exprime la manifestation de la volonté de son seul auteur pour sa validité.

Au contraire, l'acceptation des bénéficiaires du legs n'est pas une condition de validité de ses dispositions ; Ainsi, lors du décès du testateur, le refus du légataire emporte seulement caducité du legs consenti. Il s’agit également d’un acte à cause de mort : il manifeste la volonté de son auteur au jour de son décès. Pour cette raison, il est toujours révocable et ne produit d'effet qu'au décès du testateur.

Il s’agit enfin d’un acte solennel. La solennité tend à garantir l'expression libre des dernières volontés, leur conservation jusqu'au décès et leur protection contre les éventuelles contestations. Pour sa validité, le testament est ainsi soumis à des règles de fond et de forme particulières.


Les règles de fond des testaments

Conditions de validité de droit commun du testament
Les conditions relatives au consentement, à la capacité et au contenu des testaments sont celles afférentes aux règles communes des libéralités (donation et legs) : La capacité du testateur à rédiger un testament s’apprécie au jour de sa rédaction. Un testament demeure régulier quand bien même au jour du décès, le testateur ne serait plus capable. Il en est de même s’agissant de la disparition de la cause ayant motivé la rédaction d’un testament entre la date de sa rédaction et la date du décès (Cass. civ. 1ère, 15 décembre 2010, n°06-70.834, Bulletin)

I. Le contenu du testament

I.1. Les dispositions patrimoniales du testament
En règle générale, les dispositions de nature patrimoniale constituent le principal objet du testament.

En effet, la vocation première d'un testament est de régler le sort des biens du testateur après son décès. Ceci laisse la faculté au testateur de déroger aux règles de la dévolution légale et/ou de procéder à des attributions de biens compris dans sa succession.
Très généralement, le testateur dispose de manière positive en précisant les personnes qui auront vocation à recueillir les biens précisés dans le testament, ce que l’on appelle ‘legs’.
Le disposant peut même recourir au testament pour organiser un partage de sa succession à venir (testament-partage).

Le testament peut-il comprendre une reconnaissance de dette ?

Une reconnaissance de dette par le testateur est valable à condition néanmoins que son bénéficiaire puisse justifier d'un droit de créance à l'encontre du testateur. Si la reconnaissance de dette ne correspond pas à la réalité, les juges peuvent requalifier la disposition en legs (Cass. req. 27 mai 1889).

Exhérédation

Le testateur peut également préférer procéder de manière négative, c’est-à-dire par voie d'exhérédation, en privant les héritiers ab intestat de leurs droits (les héritiers réservataires, s'il y en a, disposeront de la faculté d’exiger leur part de réserve en exerçant l’action en réduction).

L'exhérédation est dite expresse (directe) lorsque le testateur écarte certains de ses héritiers, ce qui a pour effet d'en instituer d’autres. A l’extrême, si le testateur venait à exclure tous ses héritiers, sa succession sera transmise à l'État (art. 724, al. 3 du code civil).

L'exhérédation expresse est toujours efficace puisque même en cas de prédécès ou de renonciation par l'ensemble des autres héritiers ou légataires, l'héritier expressément exhérédé ne recevra rien dans la succession (ou, en cas d’héritier réservataire, seulement sa part réservataire).

L'exhérédation est implicite lorsque le testateur désigne un légataire universel ou multiplie les legs à titre universel ou à titre particulier, de nature à épuiser la totalité de son patrimoine. L'exclusion des héritiers est alors implicite, les légataires recueillant la succession à leur place.

L'exhérédation peut être conditionnelle, qu'elle soit expresse ou implicite, à titre de sanction. L'exhérédation conditionnelle sanctionne la situation dans laquelle l'héritier qui n'exécute pas le testament ou en conteste soit sa validité soit l'étendue de ses dispositions devant les tribunaux. Il s’agit en pareille situation d'une clause pénale.

L'exhérédation conditionnelle à titre de clause pénale est en principe valable. Jusqu'à récemment, la seule limite à cette validité de principe était l'atteinte à l'ordre public. Jugé qu'une clause pénale privant de ses droits dans une succession un héritier qui conteste les dispositions testamentaires est réputée non écrite lorsqu'elle tend à assurer l'exécution de celles portant atteinte à l'ordre public (Cass. civ. 1ère, 20 février 2007 n°04-16.461, Bulletin).

Exemple : le testateur ne peut régulièrement stipuler que le légataire d'un bien frappé d'inaliénabilité sera privé du legs s'il met en cause la validité de la clause d'inaliénabilité ou demande en justice l'autorisation d'aliéner le bien. Une telle clause est réputée non écrite (art. 900-8 du code civil).

La Cour de cassation a une position relativement stricte s’agissant de l'ordre public.

A pu être jugée licite la clause pénale privant de la quotité disponible :
-  l'héritier qui conteste le testament, à condition toutefois que les dispositions testamentaires ne portent pas effectivement atteinte à sa réserve et à son droit d'ordre public d'héritier réservataire (Cass. civ. 1ère, 25 juin 2002, n°00-11.574) ;
-  l'héritier qui conteste un testament (en l'espèce un testament-partage) dont il n'est pas établi qu'il porte atteinte à la part de réserve des héritiers (Cass. civ. 1ère, 9 décembre 2009 n°08-18.677, Bulletin) ;
-  les héritiers qui ont été déboutés de leur action en révocation pour ingratitude du légataire, car l'action en révocation n'intéresse pas l'ordre public (précité : Cass. civ. 1ère, 20 février 2007 n°04-16.461, Bulletin).

La Cour de cassation subordonne également l'efficacité de la clause pénale à un contrôle de proportionnalité : le juge du fond doit rechercher si l'application de la clause litigieuse « n'avait pas pour effet de porter une atteinte excessive au droit d'agir en justice » des héritiers (Cass. civ. 1ère, 16 décembre 2015 n°14-29.285commentaire ; voir également : Cass. civ. 1ère, 31 mars 2021, n°19-24.407).

Il a également été jugé qu'est réputée non écrite la clause insérée dans un testament prévoyant la réduction de la part du demandeur au partage judiciaire à sa seule part de réserve. Une telle clause a pour effet de porter une atteinte excessive au droit absolu, reconnu à tout indivisaire, de demander le partage (Cass. civ. 1ère, 13 avril 2016 n°15-13.312).

Lorsqu'une clause pénale est réputée non écrite, cette seule clause est privée d'effet, de sorte que les autres dispositions du testament demeurent.

I.2. Les dispositions extrapatrimoniales du testament
Bien que le Code civil reste taisant sur cette possibilité, un testament peut comporter, partiellement ou même exclusivement, des dispositions ne concernant pas les biens du testateur (Cass. req. 20 juillet 1943).

Les dispositions sur les funérailles
La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles énonce que la « volonté (du défunt), exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens »

Les juges considèrent néanmoins qu'une telle volonté peut être exprimée autrement que par testament (Cass. civ. 1ère, 26 avril 1984, n°83-11.117, Bulletin).

Toutefois, dès lors que le défunt a défini les modalités de ses funérailles dans un testament, quelle qu'en soit la forme, celui-ci doit être établi conformément aux règles légales qui y sont attachées (voir sur un cas de nullité pour absence de date : Cass. civ. 1ère, 8 avril 2009, n° 08-12.217).

Le testateur peut également « charger une ou deux personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions » (art. 3, al. 2 de la loi du 15 novembre 1887), ce qui peut être assimilé à un exécuteur testamentaire à la dépouille du testateur).

Le règlement du sort d'une sépulture
Le droit d'être inhumé dans une sépulture - sur une propriété privée ou dans le cadre d'une concession municipale - peut faire l’objet d’un legs (Cass. civ. 1ère, 2 mars 1999, n°97-13.910) ou retiré. En revanche, les descendants du fondateur d'une sépulture ne peuvent pas disposer des places disponibles au profit de tiers étrangers au fondateur.

Les souhaits
Les souhaits et voeux émis par le testateur sont laissés à la conscience des héritiers et ne revêtent pas un caractère obligatoire (Cass. civ. 1ère, 25 septembre 2013, n°12-17.752).

La reconnaissance d'enfant
La reconnaissance d’un enfant peut résulter d'une clause insérée dans un testament authentique, conformément à l'article 316 du code civil. Elle ne nécessite aucune formule sacramentelle ni même aucune stipulation expresse. Il suffit, mais il est indispensable, que l'intention de reconnaître ressorte clairement du testament (Cass. req., 24 janvier 1888). Tel sera le cas, par exemple, si le légataire institué par le testament est indiqué comme étant l'enfant du testateur (Cass. req., 2 janvier 1895). La reconnaissance demeure valable, même si le testament est ensuite révoqué (dès lors qu'il était valable en la forme). Ceci est conforme au principe suivant lequel une reconnaissance valablement faite est irrévocable.

La désignation du bénéficiaire d'une assurance-vie
La désignation ou la substitution du bénéficiaire peut se réaliser de différente manière : par voie d'avenant au contrat, par notification adressée à l'assureur, par voie testamentaire ou par voie de cession respectant les formalités de l’article 1690 du Code civil (article L. 132-8 du code des assurances). Aucune forme n’est cependant imposée. Il est seulement nécessaire que la volonté du souscripteur soit clairement établie (Cass. civ. 1ère, 25 septembre 2013, n°12-23.197). La désignation d’un bénéficiaire est considérée comme étant une disposition extrapatrimoniale non assimilable à un legs (si tel avait été le cas, cela aurait eu pour effet d'intégrer le capital assuré dans la succession).

Il faut également savoir qu’aucun parallélisme des formes n’est à respecter entre la désignation initiale du bénéficiaire et celle adoptée pour sa modification (Cass. civ. 1ère, 3 avril 2019, n°18-14.640, Bulletin).

Pour autant, la Cour de cassation impose que la modification du bénéficiaire soit connue de l'assureur du vivant de l'assuré, sauf si celle-ci est contenue dans un testament, en l’espèce olographe (Cass. civ. 2ème, 13 juin 2019, n°18-14.954, Bulletin ; Voir jurisprudence antérieure : Cass. civ. 1ère 13 mai 1980, n°79-10.053, Bulletin).

Il faut cependant souligner que la désignation du bénéficiaire par testament n'est pas adaptée aux contrats souscrits conjointement par des époux communs en biens. En pareil cas, la désignation et la modification du bénéficiaire nécessitent l'accord de l'assuré (art. L 132-8 du code des assurances), à savoir des deux époux. Les testaments conjonctifs étant prohibés (art. 968 du code civil), chaque époux doit dès lors rédiger un testament distinct. En conséquence, la désignation par l’un des époux d’un nouveau bénéficiaire par testament d’un contrat d’assurance-vie souscrit conjointement sera inefficace faute de pouvoir démontrer que cette modification procède d'une volonté commune des deux assurés souscripteurs.

Précautions : La rédaction de la clause bénéficiaire doit être faite avec le plus grand soin s’agissant du libellé de la personne bénéficiaire et il est fortement conseillé de prévoir des bénéficiaires subsidiaires (Sur une difficulté relative au versement du capital à un héritier en présence d’une clause testamentaire instituant des légataires universels : Cass. civ. 1ère, 10 février 2016 n° 14-27.057, Bulletin)

La désignation d'un tuteur
S'il a conservé l'exercice de l'autorité parentale sur son enfant jusqu'à son décès, le survivant des père et mère peut désigner par testament (ou par déclaration spéciale devant notaire) un tuteur pour le cas où il décèderait avant la majorité de son enfant (art. 403, al. 1 et 2 du Code civil). Le tuteur choisi peut être parent ou non parent du mineur. En cas de désignation par testament, l’on parle de « tutelle testamentaire ». Toutes les formes de testament sont permises (olographe, authentique, mystique, etc).

Le testament peut aussi contenir la nomination d'un tuteur pour un enfant majeur, dès lors que le testateur est le survivant de ses père et mère et en assume la charge matérielle et affective (art. 448 al. 2 du code civil).

Pour éviter toute difficulté, il est conseillé de désigner a minima un tuteur à titre subsidiaire pour faire face aux évènements suivants : prédécès, refus ou incapacité du premier tuteur désigné.

L’exclusion de l'administration légale
Le testateur peut également léguer des biens à un mineur sous la condition qu'ils soient administrés par un tiers (art. 384 du code civil). Ladite clause d'exclusion s'impose au juge, qui ne peut pas la réputer non écrite au motif qu'elle serait contraire à l'intérêt de l'enfant (Cass. civ. 1ère, 26 juin 2013, n°11-25.946, Bulletin) et ne porte pas davantage atteinte au droit de mener une vie familiale normale (Cass. civ. 1ère QPC, 15 juin 2017, n°17-40.035, Bulletin).

La privation du droit de jouissance légale
Le parent survivant est privé du droit de jouissance sur les biens dont lorsqu’il s’est vu retirer l'administration légale (art. 386-2 du code civil).

Toutefois, le parent survivant peut seulement être privé par testament de son seul droit de jouissance légale. Ainsi en va-t-il lorsque le legs est consenti au mineur à la condition expresse que l'autre parent ne pourra en jouir (art. 386-4, 2° du code civil).

La désignation d'un exécuteur testamentaire
La possibilité pour le défunt de désigner un exécuteur testamentaire est prévu par les article 1025 et suivants du code civil : L’exécuteur testamentaire est une personne chargée de « veiller ou procéder à l'exécution des dernières volontés, patrimoniales et extrapatrimoniales, exprimées par le testateur.

Malgré l’existence de mandataires successoraux, l'exécuteur testamentaire demeure le seul à pouvoir être chargé de la surveillance du respect des dispositions patrimoniales ou extrapatrimoniales prises par le testateur (les mandataires successoraux ne font qu'administrer ou gérer tout ou partie de la succession)

Sa présence présente un intérêt notable, en particulier lorsque le testament prévoit des legs particuliers assortis éventuellement de charges.

Le choix de l'exécuteur testamentaire est librement réalisé par le défunt : il faut cependant que la personne désignée en qualité d’exécuteur testamentaire dispose de la pleine capacité civile. Il peut être héritier, légataire ou n’avoir aucune de ces deux qualités. Toute personne jouissant de la pleine capacité civile peut être désignée exécuteur testamentaire, qu'elle ait ou non la qualité d'héritier ou encore qu’elle soit également légataire du défunt. Il peut y avoir un ou plusieurs exécuteurs testamentaires (art. 1025, al. 1 du code civil). L'exécuteur reste libre d'accepter ou de refuser sa mission. S'il accepte sa mission, il est tenu de l'accomplir (art. 1025, al. 2 du code civil), à peine d’engager sa responsabilité civile. S'il possède la qualité d'héritier ou de légataire, le refus d’accomplir cette fonction n'entraîne pas par lui-même perte de ses droits dans la succession.

L'exécuteur testamentaire ne peut pas recevoir de rémunération mais peut cependant recevoir un legs rémunératoire, lequel ne doit pas être excessif au regard des facultés du disposant ou des services rendus par l'exécuteur testamentaire. (art. 1033-1 du code civil). En conséquence, il engage sa responsabilité comme un mandataire à titre gratuit. Il a enfin droit au remboursement de ses frais, lesquels sont à la charge de la succession (art. 1034 du code civil).

S’agissant des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, sa mission principale est d’assurer la défense de la validité du testament ou d’exiger l'exécution des dispositions litigieuses. Il est au demeurant mis en cause dans tout litige concernant la validité ou l'exécution du testament (art. 1028 du code civil).
L'exécuteur testamentaire doit prendre toute mesures conservatoires utiles à la bonne exécution du testament (apposition des scellés, inventaire de la succession ; vente du mobilier faute de liquidités suffisantes pour acquitter les dettes urgentes de la succession).

Il peut aussi se voir confier des missions particulières : ainsi, le testateur peut ainsi élargir ses pouvoirs en le chargeant de « procéder » à l’exécution du testament (art. 1025 du code civil). Dans cette situation, l’exécuteur testamentaire peut faire régulièrement plusieurs catégories d’actes nécessaires permettant l’exécution effective du testament (telle la vente de biens successoraux). Néanmoins, l’étendue de son pouvoir varie selon qu'il existe ou non des héritiers réservataires acceptants :
-  en présence d'héritiers réservataires (les descendants ou le conjoint survivant selon les cas) : le testateur peut simplement charger l'exécuteur d'acquitter les legs particuliers de nature mobilière, notamment les legs de sommes d'argent, dans la limite de la quotité disponible. A cette fin, il peut l'habiliter à « prendre possession » de tout ou partie du mobilier de la succession et, si nécessaire, de les vendre (art. 1030 du code civil) ;
-  En l’absence d'héritier réservataire acceptant : Les pouvoirs de l'exécuteur peuvent être plus étendus : vente de tout ou en partie des immeubles de la succession, recevoir et placer des capitaux, payer les dettes et les charges et procéder à l'attribution ou au partage des biens subsistants entre les héritiers et les légataires » (art. 1030-1, al. 1 du code civil). En cas de vente des immeubles successoraux, l'exécuteur testamentaire doit nécessairement en informer préalablement les héritiers, à peine d'inopposabilité à leur égard (art. 1030-1, al. 2 du code civil).

Une double protection des héritiers contre l'exécution renforcée est organisée : Sauf le cas où le testament a été rédigé en la forme authentique, l'exécuteur testamentaire doit en premier lieu solliciter du tribunal judiciaire l'envoi en possession (art. 1030-2 du code civil). L'exercice des pouvoirs élargis de l'exécuteur est ici subordonné à un contrôle judiciaire de la régularité apparente du testament. En second lieu, la durée de la mission de l'exécuteur testamentaire est limitée à deux ans à compter de l'ouverture du testament, prorogeable dans la limite d'une année dans le cas d'exécution renforcée (art. 1031 du code civil), au contraire du cas où l’exécuteur testamentaire n’est investi que de fonctions ordinaires, auquel cas il n’existe pas de limitation temporelle de la prorogation (art. 1032 du code civil).

En cas de pluralité d’exécuteurs testamentaires, l'un d'eux peut agir sans le consentement des autres, sauf clause contraire du testament qui aurait par exemple organisé une gestion divisée (art. 1027 du code civil).

II. La révocabilité du testament

Dispositions générales
Le testament est un librement révocable durant la vie du testateur. Il n'est définitif qu'au jour du décès. La libre révocabilité est d'ordre public ; le testateur ne peut donc pas y renoncer. Il s'agit en outre d'un droit discrétionnaire, insusceptible d'abus (Cass. civ. 1ère, 30 novembre 2004, n°02-20.883, Bulletin).
La révocation, qui peut être expresse ou tacite, est toutefois soumise à des conditions de forme particulières.

La révocation expresse
La révocation expresse est l’hypothèse où le testateur manifeste explicitement, par un acte juridique, son intention de révoquer les dispositions testamentaires prises antérieurement.

Aux termes de l’article 1035 du code civil elle peut être faite :
-  soit par une disposition expresse d'un nouveau testament (« je révoque (…) »). Le nouveau testament est valable quel que soit sa forme (olographe, authentique ou mystique) et il n’est pas nécessaire de respecter un quelconque parallélisme des formes (à titre d’exemple : un testament olographe peut régulièrement révoquer un testament authentique antérieur) ;
-  soit par un acte notarié portant déclaration de changement de volonté. L'acte doit alors être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. Il Dans ces conditions, une donation entre époux (reçue par un seul notaire) ne peut pas révoquer expressément un testament antérieur (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2004, n°02-20.398, Bulletin : les dispositions testamentaires antérieures doivent recevoir effet dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec celle de la donation).

La révocation tacite
Un testament ne peut être révoqué tacitement que par trois causes :

  • la rédaction d'un nouveau testament incompatible,
  • l'aliénation de la chose léguée,
  • la destruction ou l'altération volontaire du testament

(Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2007, n°05-16.023, Bulletin).

Il faut par ailleurs savoir que la rédaction d'un nouveau testament n'entraîne pas automatiquement et à lui seul la révocation du ou des testaments antérieurs en l’absence de clause de révocation expresse.

Le principe est en effet que les testaments successifs s'appliquent cumulativement.

Les trois causes susvisées sont limitatives : En conséquence, la révocation tacite d'un testament ne peut pas résulter de l'incompatibilité de ce dernier avec une donation postérieure (Cass. civ. 1ère, 8 juillet 2015, n°14-18.875, Bulletin).

S’agissant du nouveau testament incompatible 
La révocation tacite d'un testament ne peut résulter que de la rédaction d'un nouveau testament dont les dispositions sont incompatibles avec celles du testament précédent. La révocation porte sur les seules dispositions incompatibles, et non sur l'ensemble du testament (art. 1036 du code civil). Par extension jurisprudentielle, une donation entre époux peut emporter révocation tacite des dispositions d'un testament antérieur avec lesquelles elle est incompatible, les autres dispositions demeurant valables (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2004, n°02-20.398, Bulletin).

Les juges du fond disposent d’une appréciation souveraine pour déterminer s'il y a ou non incompatibilité entre les dispositions de deux testaments successifs et doivent rechercher quelle a été l'intention du testateur (Cass. civ. 1ère, 3 juillet 2013, n°12-20.467). Suivant les circonstances, il peut être considéré qu'un legs particulier est révoqué par un legs universel postérieur ou, au contraire, qu'il est compatible avec lui, le légataire universel devant seulement tenu de le délivrer au légataire particulier.


Précision : Il a été jugé qu'un testament qui mentionne expressément révoquer « toute disposition antérieure au présent testament » n'a pas pour effet la révocation tacite de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie en cours. (Cass. civ. 1ère, 7 novembre 2012 n°11-22.634).

S’agissant de l’aliénation de la chose léguée
L'aliénation du bien légué emporte présomption simple de révocation (art. 1038 du code civil). Ainsi en va-t-il du cas relativement fréquent de la vente du bien légué par le testateur. Néanmoins, le légataire peut renverser ladite présomption en démontrant l'intention formelle du testateur de maintenir le legs soit sur le prix du bien vendu soit encore sur le bien acquis en remploi.

Les juges enferment cette présomption de révocation de l'article 1038 du code civil dans un champ d’application restreint :
-  la présomption de révocation ne peut concerner que les legs particuliers et seulement ceux qui portent sur un ou plusieurs corps certains ; elle ne s'applique pas aux legs particuliers qui portent sur une catégorie de biens (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, n°04-14.947, Bulletin : sur un legs portant sur la part de communauté du testateur analysé comme legs particulier) ;
-  L’aliénation doit avoir été réalisée (un simple intention ou projet d’aliénation ne suffit pas) ;
-  l'aliénation doit être volontaire (ceci exclut donc la vente forcée consécutive notamment à une saisie ou encore à une expropriation).

Le cas de la destruction du testament
Il est acquis que la destruction volontaire du testament par son auteur (hypothèse qui ne concerne pas le testament authentique, lequel doit être conservé par le Notaire) emporte sa révocation tacite.

Le cas de l'altération volontaire du testament olographe (lacération, incinération, …) est plus délicat : La destruction partielle d’un testament n'emporte pas présomption de révocation. Cela dépend du degré d’altération du testament suite à son altération combiné à l'interprétation souveraine des juges du fond quant à la volonté du testateur.

Il a ainsi pu être jugé qu'il n'y a pas révocation tacite lorsque le testateur a froissé et déchiré en dix-neuf morceaux son testament avant de le reconstituer et de le recoller sur une feuille qu'il a déposée chez le notaire (Cass. civ. 1ère, 28 avril 1969, n°67-13.520, Bulletin) ;

Au contraire, il a pu être jugé l’existence d’une révocation tacite d'un testament, établi en double original, dont l'un a été conservé et l'autre déchiré et jeté à la corbeille par la testatrice, le testament conservé ayant été déclaré nul en raison de la mention d’une date postérieure au décès mais ne pouvant pas être précisément déterminée (Cass. civ. 1ère, 2 février 1971, n°69-14.253, Bulletin).

La rétractation de la révocation du testament
Le testateur peut se rétracter de son testament révocatoire, soit de manière expresse, en respectant strictement les règles de forme de l'article 1035 du code civil, soit indirectement, notamment en procédant volontairement à sa destruction.

Néanmoins, un testament révoqué par une disposition testamentaire ultérieure n’a pas pour effet de faire revivre d’autres précédentes dispositions testamentaires en l’absence de démonstration d’une volonté clairement exprimée par le testateur (Cass. civ. 1ère, 17 mai 2017, n°16-17.123, Bulletin).

Les règles de forme des testaments

II.1. Les règles communes à tous les testaments

Un acte écrit

La validité d'un testament est conditionnée à l’existence d’un écrit (article 969 du Code civil). Un testament verbal, quand bien même celui-ci aurait été établi devant témoins ou encore à l'aide d'un magnétophone ou d'un procédé audiovisuel est nul de plein droit et ne peut provoquer aucun effet.

Rien n’empêche cependant les héritiers d’exécuter volontairement un legs verbal, la jurisprudence y voyant une obligation naturelle pouvant servir de cause à une obligation civile valable (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2004 n° 01-14.031, Bulletin). Une telle exécution vaut renonciation des héritiers au droit d'en critiquer la forme. En pareil cas, le bénéficiaire du legs verbal tient ses droits du testateur (et non de l'héritier ou du légataire universel qui le lui a délivré).

L’interdiction des testaments conjonctifs

Le testament est un acte unilatéral devant être personnel à son auteur.

Le testament conjonctif, à savoir le testament rédigé par plusieurs personnes (deux époux, deux partenaires,…) dans un même acte, soit au profit d'un tiers ou soit en vue d’instaurer des dispositions mutuelles, est nul (art. 968 du Code civil). L'interdiction des testaments conjonctifs ne porte atteinte ni au droit au respect à la vie privée et familiale ni au droit de propriété garantis par la convention européenne des droits de l'Homme (Cass. civ. 1ère, 4 juillet 2018, n°17-22.934, Bulletin).

La qualification de testament conjonctif suppose :

-  un élément matériel : les dispositions doivent avoir été rédigées sur le même document avec une double signature ;

-  un élément intellectuel : les dispositions contenues doivent exprimer la volonté commune des testateurs et former un tout indissociable.

Lorsque les deux éléments matériel et intellectuel ne sont pas réunis, les juges considèrent qu'il ne peut y avoir testament conjonctif. Ainsi, deux testaments identiques rédigés en contemplation l'un de l'autre ont été considérés comme valable dès lors qu’ils ont été établis sur des documents distincts (CA Pau 30 mars 2000, RG n° 98/1945).

Sanction de l'inobservation des règles de forme des testaments

L'inobservation des conditions de forme est sanctionnée par la nullité absolue du testament (art. 1001 du Code civil), laquelle concerne tant une inobservation des règles de forme communes à tous les testaments que celles relatives à l'inobservation des règles de forme spécifiques à chaque catégorie de testament.

Un testament ne pouvant produire effet qu’à compter du décès de son auteur, celui-ci ne peut être judiciairement contesté qu'à partir de cette date. L'action en nullité est ouverte à toute personne intéressée, en particulier aux héritiers évincés et aux légataires.

Le juge peut relever d'office l'irrégularité du testament, sans que l’une ou plusieurs des parties ne formulent de demande spécifique en ce sens (Cass. civ. 1ère, 24 février 1998, n°95-18.936, Bulletin).

Le délai de prescription de l'action en nullité est de cinq ans à compter du décès ou à compter du jour où l'intéressé a connu l'existence du testament vicié (art. 2224 du Code civil).

De son vivant, le testateur ne peut pas confirmer un testament irrégulier en la forme. Dans ces conditions, celui qui souhaite maintenir ses dernières volontés doit rédiger un nouveau testament régulier en la forme. A défaut, le testament ne pourra produire d'effet (Cass. civ. 1ère, 31 mars 2016, n° 15-17.039, Bulletin).

Pour autant, après le décès du testateur, il est rappelé que la jurisprudence a d'ailleurs déjà admis que des héritiers qui se sont engagés à exécuter spontanément un legs verbal doivent honorer leur engagement (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2004 n° 01-14.031, Bulletin).

II.2. Le testament olographe

Les règles générales

Le testament olographe doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Aucune autre condition de forme n'est requise (art. 970 du code civil). Malgré son caractère solennel, aucun termes sacramentels n'est exigé. Ni le mot « testament » ni le verbe « tester » ne sont requis (Cass. civ. 1ère, 11 janvier 2005, n°02-16.98, Bulletin).

La Nullité du testament olographe rédigé dans une langue que le testateur ne comprend pas

Un testament rédigé dans une langue que le testateur ne comprend ne peut produire effet car ne pouvant être considéré comme l’expression de sa volonté (Cass. civ. 1ère, 9 juin 2021, n°19-21.770, Bulletin).

1. Conditions de forme du testament olographe

Écriture du testament olographe

Écriture à la main

Le testament olographe doit être « écrit en entier (…) de la main du testateur » (art. 970 du code civil). Cette exigence de forme est prescrite en vue d’éviter les falsifications, de sorte que les juges appliquent strictement la règle imposée par le législateur. Il est automatiquement annulé les testaments qui sont rédigés par des procédés mécaniques d'écriture, même si une mention manuscrite signée du testateur atteste qu'il est bien l'auteur du document (sur le cas d’un testament dactylographié : Cass. civ. 1ère, 24 février 1998, n°95-18.936, Bulletin).

A titre d’exemple, un testament non rédigé entièrement de la main du testateur ne peut avoir aucune valeur celui-ci comportant des photocopies d'un testament antérieur et de feuillets manuscrits intercalés et étant au surplus non daté (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n°12-17.870).

Les juges font preuve de plus de souplesse sur la question de la présentation matérielle de l’écriture. Dans la mesure où l'intention de tester est certaine, le testament est valable quels que soient la langue utilisée, le support choisi pour faire le testament (pour une lettre missive non expédiée : Cass. civ. 1ère, 10 mars 1993, n°91-15.925), le support de l'écriture (papier, bois, mur, …), le type de document (papier à lettres, bloc-notes, enveloppe, autres...), l'instrument utilisé (stylo, crayon, couteau, autres), le type d'écriture choisi (caractères d'imprimerie, voire hiéroglyphes, idéogrammes, …. A la condition que le testateur en ait la maîtrise et soit en mesure d’exprimer sa réelle volonté).

Une écriture de la main du testateur

Le testament olographe doit être rédigé par le testateur lui-même. Le testament écrit par un tiers, même en partie seulement, est frappé de nullité (Cass. civ. 1ère, 20 septembre 2006, n°04-20.614, Bulletin). Néanmoins, le testament n’en reste pas moins valable pour le cas où celui-ci est entièrement rédigé par le testateur mais qu’il est également constaté l'apposition par un tiers de diverses mentions ; (Pour un exemple où l'adresse et la date de naissance de la testatrice ont été ajoutées par un tiers : Cass. civ. 1ère, 30 septembre 2009, n°08-15.007).

Bien que le testateur doive écrire lui-même, il existe des cas où celui-ci se trouve en difficulté pour procéder à une rédaction du testament. Dans cette hypothèse, celui-ci peut être aidé à rédiger un testament. Dès lors, il n’est pas interdit pour le testateur de se faire matériellement assister par un tiers, notamment lorsqu'il ne peut former seul des lettres lisibles (testament appelé « à main guidée »).

Compte tenu des risques qu’une telle situation implique, ce testament est valable si deux conditions soient réunies :

-  Au plan matériel, l'écriture du testateur doit rester reconnaissable : Si le tiers peut tenir la main du testateur, il ne peut en aucun cas écrire à sa place (voir Cass. civ. 1ère, 25 mai 2004, n°01-00.889) ;

-  Au plan matériel, l'écriture du testateur doit rester reconnaissable : Si le tiers peut tenir la main du testateur, il ne peut en aucun cas écrire à sa place (voir Cass. civ. 1ère, 25 mai 2004, n°01-00.889) ;

-  Au plan intellectuel, le testament doit exprimer la volonté du testateur et non celle de celui qui l’assiste.

Un testament à main guidée a pu être validé dans une affaire où le testateur, assisté, était frappé d’une cécité partielle et où il n’avait pas été dénié l’authenticité de l’écriture (Cass. civ. 1ère, 11 janvier 2000, n°98-10.700).

Par ailleurs, le testament olographe qui est recopié d'après un modèle demeure valable dans la mesure où il est rédigé librement et que son auteur comprenne ce qu'il écrit (voir Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2005, n°03-12.312). En conséquence, les juges sont dans la plupart des cas amenés à prononcer la nullité des testaments qui émanent de personnes complètement illettrées (Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1956, Bulletin) ou vulnérables (Cass. civ. 1ère, 9 janvier 2008, n°07-10.599, Bulletin : la personne était débile moyenne de naissance et sous l’influence de son père).

La date du testament olographe

La date, obligatoirement apposée de la main du testateur (art. 970 du code civil), doit comprendre trois éléments : l'année, le mois et le jour. Elle peut figurer n’importe où dans le testament.

S’agissant d’une condition de validité, son absence est en principe sanctionnée par la nullité absolue (art. 1001 du code civil). Pareillement, une inexactitude de la date – lorsqu’elle peut être révélée (expertise judiciaire) - est une cause de nullité, les tribunaux l'assimilant à une absence de date (Cass. civ. 1ère, 11 février 2003, n° 99-12.626, Bulletin). Le testament antidaté ou postdaté est donc nul.

L'exigence attendue sur la date d’un testament permet principalement de vérifier la capacité du testateur au jour du testament. Elle permet également, s’il existe une pluralité de testaments, de déterminer l’ordre de rédaction et, partant, de vérifier dans quelle mesure les testaments ultérieurs complètent ou révoquent les testaments antérieurs.

Néanmoins, la jurisprudence a été amenée à assouplir cette exigence en recourant d’une part à la possibilité de reconstituer la date et en admettant d’autre part que la date peut, dans certaines situations, être indifférente.

Reconstitution de date

Les Juges ont admis, dans un premier temps, qu’il puisse être procédé à une reconstitution de la date incomplète du testament à partir d'éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques (Cass. req. 8 mai 1855). Ainsi, il a pu être jugé que des éléments extrinsèques peuvent, « dans la mesure où ils corroborent les éléments intrinsèques dans lesquels doit avoir son principe et sa racine la preuve de la date d'un testament olographe, servir à établir cette date et à la compléter » (Cass. civ. 24 juin 1952, Bulletin et Cass. civ. 1ère, 24 septembre 2002, n°00-21.761, Bulletin).

Les éléments intrinsèques sont des éléments factuels se trouvant à l’intérieur même du testament (indication de l'année de son établissement, référence à un événement datable, indication d'un lieu où a été rédigé le testament et où le testateur se trouvait à une période donnée, l'identité des légataires, la mention de biens légués, le graphisme de l'écriture ou de la signature, etc...). Les éléments extrinsèques quant à eux permettent une détermination plus minutieuse de la période de confection du testament considérée.

Dans l’hypothèse où il n'existe aucun élément intrinsèque permettant de dater un testament, les juges ne peuvent pas reconstituer sa période exacte de rédaction en se référant à des éléments extrinsèques, l'acte étant ici nul. (Voir Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, n°04-10.602, Bulletin).

Testament valable en présence d’une date considérée comme indifférente

Ultérieurement, les tribunaux se sont employés à reconnaître la validité des dispositions testaments comportant une erreur de date en faisant référence à la période de rédaction du testament.

Il est admis par la Doctrine que cette seconde atténuation au formalisme légal peut se combiner avec le recours à la reconstitution de date. (La date serait ici indifférente, le testateur n'ayant pas été privé de sa capacité de tester pendant la période de rédaction du testament et ne laissant aucun autre testament révocatoire ou incompatible).

Initialement, la date indifférente n'a été admise par les juges que dans la situation où manquait le quantième (jour du mois), la jurisprudence déniant de l’appliquer lorsque le testament ne fait figurer que l’année (millésime) ou ne comporte aucune date (Cass. civ. 1ère, 9 mars 1983, n°82-11.259, Bulletin ; Cass. civ. 1ère, 8 mars 1988, n°86-14.944 : Bull. civ. I n° 71 ; Cass. civ. 1ère, 19 avril 1988, n°86-16.160, Bulletin).

La jurisprudence a récemment étendu cette solution en jugeant valable un testament non daté mais ayant pu être rédigé à un moment quelconque au cours d'une période de dix mois pendant laquelle le testateur avait fixé sa résidence au lieu indiqué dans l'acte. (Cass. civ. 1ère, 10 mai 2007 n°05-14.366, Bulletin : « En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible »).

Plus récemment encore, il a été reconnu valable un testament non daté faisant apparaître une période de rédaction d’environ sept années (Cass. civ. 1ère, 5  mars 2014, n° 13-14.093, Bulletin).

Néanmoins, le testament non daté ne pourra être admis qu’en présence de ces deux conditions :

1. Sa rédaction est intervenue au cours d'une période qui aura été déterminée ;

2. Il n'est pas nécessaire de connaître la date exacte au cours de cette période (aucune difficulté sur la capacité du testateur et inexistence d’un testament révocatoire ou incompatible).

Autrement dit, les juges s’attachent à protéger la volonté réelle du testateur plutôt qu’aux conditions formellement exigées par l’application littérale prescrit par l’article 970 du code civil. Le testament est en pareil cas analysé comme comportant une date de rédaction déterminable.

La charge de la preuve de l'inexactitude de la date

Pour que les testaments ne respectant pas les conditions de forme imposées par le code civil soient valable, il est nécessaire de répondre à deux conditions négatives et cumulatives : le disposant n’est pas frappé d'une incapacité de tester et qu'un testament révocatoire n’ait pas été rédigé (ultérieurement).

Par un arrêt du 22 novembre 2023, la Cour de cassation est une nouvelle fois venue confirmer cette tendance. Il a ainsi été jugé que "En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité, dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible", la Cour précisant en outre que "une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci.(Cass. civ. 1ère, 22 novembre 2023, n°21-17.524)

En matière de preuve, il n'est pas exigé que le bénéficiaire du legs apporte la preuve positive de ces deux conditions. Il appartient donc à celui qui invoque la nullité du testament non daté (ou partiellement daté voire encore inexactement daté) d'établir qu'au cours de la période déterminable de rédaction le testateur était soit frappé d'une incapacité de tester soit a rédigé un testament révocatoire. Autrement dit, la charge de la preuve pèse donc sur le demandeur en nullité.

Signature du testament olographe

Le testament olographe doit être « signé de la main du testateur » (art. 970 du code civil), à peine de nullité. Ainsi, est frappé de nullité le testament non signé remis au notaire sous pli cacheté par son auteur (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2005, n°03-19.90, Bulletin). Ne peuvent non plus valoir testament les lettres non signées retrouvées près du corps de la défunte dans lesquelles elle avait spécifié ses dernières volontés avant son suicide (Cass. civ. 1ère, 16 mars 2004, n°02-13.387).

La fonction attribuée à la signature

La signature caractérise principalement ici le caractère définitif de la volonté exprimée. Elle tend moins à être d’identification de l’auteur du testament dans la mesure où la loi exige que la rédaction du testament ait lieu de façon manuscrite. L’apposition de la signature permet ainsi de différencier le testament d'un simple projet et est le marqueur d'une volonté libre et éclairée.

Forme de la signature

Aux termes de l'article 970 du code civil, la signature doit être manuscrite, de sorte qu’il est exclu que le testateur ait recours à un cachet, un tampon...

Est ainsi valable la signature qui est conforme à celle que le testateur avait l'habitude d'apposer dans ses actes. Dès lors, il est régulièrement admis l'usage du nom de religion, du nom marital, d'un pseudonyme, d'un prénom comme signature au sens de l’article 970 du code civil.

Parfois, le critère de la signature habituelle a été abandonné en admettant la validité d'une signature insolite, dès lors qu'elle ne laisse aucun doute ni sur l'identité de l'auteur du testament, ni sur sa volonté d'en approuver les dispositions (Cass. civ. 1ère, 5 octobre 1959 : Bull. civ. I n° 380).

Enfin, est encore admise par les juges, la simple mention manuscrite des nom et prénom du testateur (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2004, n°01-14.031). Pour autant, en pareille hypothèse, la mention doit être suffisamment détachée du corps du texte pour en attester l'approbation (Cass. civ. 11 juillet 1935).

L’emplacement de la signature

Considérée comme étant « le signe de l'approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte » par le testateur et de sa « volonté de s'en approprier les termes » (Cass. civ. 1ère, 14 février 1968), la signature doit être apposée au plan formel à la suite du texte et non au début (Cass. civ. 1ère, 14 janvier 2003, n°00-18.526 ; Cass. civ. 1ère, 17 février 2004, n°01-15.223 ; Cass. civ. 1ère, 23 mai 2006, n°04-16.386 ; Cass. civ. 1ère, 17 juin 2009, n°08-12.896). À défaut, le testament est nul.

De façon très marginale, lorsque le testament n’a pas été signé mais paraphé et qu’il a été retrouvé d’autres pièces – notamment des dispositions testamentaires relatifs à sa sépulture - comportant sa signature, les juges du fond ne sauraient admettre ceux-ci ,pris ensemble, comme constituant un testament unique « sans s’expliquer sur le lien matériel et intellectuel qui pouvait permettre de rattacher les unes aux autres » (Cass. civ. 1ère, 3 novembre 1976 n°75-12.967).

Modifications postérieures au testament

Lorsque le testament établi, son auteur peut souhaiter en modifier son contenu. Quand des modifications sont apportées au texte initial et font suite à la rédaction de l'écrit (en ce compris des surcharges, ajouts, ratures, etc.), il est estimé qu'elles font corps avec le testament et qu'elles n'ont pas à être datées et signées séparément. Toutefois, il a pu être jugé que le post-scriptum ajouté à des dispositions testamentaires ne forme pas un tout indivisible et doit contenir une signature pour être valable (Cass. civ. 1ère, 17 juin 2009, n°08-12.896).

Lorsque les modifications interviennent ultérieurement, le testateur peut procéder par voie de codicille, c'est-à-dire au moyen d'un document séparé. Le codicille doit remplir les conditions de forme du testament olographe, à savoir une écriture manuscrite, comporter date et signature. Sans respecter ces exigences, le testament est exécuté sans tenir compte des modifications (CA Paris 27 septembre 1996, n° 95/25970, relatif à l’apposition d’une rature et d'un ajout non approuvés). Seuls les ajouts qui ont vocation à interpréter les dispositions testamentaires initiales échappent à l'obligation de datation et de signature propres (Cass. civ. 1ère, 26 mai 1982, n°81-12.696).

2. La contestation du testament olographe

Le testament olographe fait très souvent l'objet d'un abondant contentieux, celui-ci n’étant pas nécessairement rédigé par son auteur après avoir pris conseil auprès de professionnels (notaire, avocat). Ainsi, les causes sont multiples.

Les développements qui suivent auront traits aux difficultés suscitées par une mauvaise rédaction du testament olographe et aux problèmes liés à la force probante ou à la perte de l'acte.

Il faut savoir que le notaire recevant un testament olographe en dépôt après le décès du testateur ne peut pas de lui-même constater la nullité du testament, qui ne peut être prononcée que par une décision de justice. Celui-ci (tout comme l’avocat) peut seulement, après avoir exercé son obligation de conseil en signalant la difficulté constatée, négocier et rédiger l'acte (transaction, renonciation, etc.) permettant aux intéressés de parvenir à une résolution amiable du différend.

La qualification de testament olographe

La validité du testament olographe n'étant pas subordonnée à l'emploi de formules sacramentelles, il est des cas où il reste particulièrement difficile de savoir si un acte constitue véritablement un testament. En cas de contestation par les héritiers, les tribunaux doivent rechercher si l’auteur avait réellement la volonté de tester. Les juges du fond dispose à cet égard d’une interprétation souveraine.

Exemples :

Les juges du fond ont pu décider :

-  que constitue l'expression de la tendresse du défunt pour son épouse, mais non un testament, la lettre rédigée comme suivant : « combien je fus heureux ce 19 décembre 1964, ma Céline adorée, c'est notre première année de mariage, pour cet anniversaire, je t'offre une médaille, ce n'est pas grand-chose, mais lorsque j'aurai acquis les biens qui me reviennent de mon grand-père, tout ce qui sera à moi, je te les donne avec tout mon amour. Ton mari qui t'aime. René » (Cass. civ. 1ère, 24 octobre 2012, n°11-22.615) ;

-  que l'acte qui institue un légataire universel et sur lequel figure la mention « brouillon » ne constitue pas un testament (Cass. civ. 1ère, 7 juin 2006, n°05-10.508).

Néanmoins, un arrêt de la Cour de cassation a censuré un arrêt de cour d’appel qui avait jugé que constituait seulement un projet de testament le document dont l'auteur indiquait « vouloir commencer à faire son testament » et faire don d'une propriété « en dehors de la distribution de l'héritage », au motif que la suite du document devenait, au fil des lignes, une simple énumération du patrimoine de sa rédactrice, que l'écrit comportait un grand nombre de ratures, de mots ou de membres de phrases rajoutés, que certaines des indications portées sont erronées, que l'intention de son auteur était imprécise quant à la destination de certains biens et que les dispositions adoptées portaient atteinte à la réserve des descendants. Tous ces motifs ne sont pas de nature à écarter la qualification de testament (Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1996, n°94-21.089).

La frontière est le testament olographe (valable) ou la donation (nulle puisque consentie par acte sous signature privée) reste parfois difficile à déterminer.

Il a ainsi été jugé que constitue un testament olographe le document intitulé « certificat de donation », aux termes duquel l'auteur indique « faire donation » de sa maison et de son véhicule à un couple d'amis et ajoute « Pour ce qui reste, le pourcentage aux ayants droit. C'est tout » (Cass. civ. 1ère, 6 juin 2012, n°10-23.352).

En revanche, lors d’une action en partage d’une indivision (avant tout décès) - a été qualifié de donation l'acte sous signature privée établi par un ex-concubin, ayant pour objet la transmission de ses droits sur une maison achetée en indivision avec sa compagne et ainsi rédigé : « Je renonce et lègue mes droits concernant la maison et les biens à Mademoiselle (…) » (Cass. civ. 1ère, 15 février 2012, n°11-11.636).

L’interprétation du contenu du testament olographe

Les critères d'interprétation

La rédaction défectueuse de certains testaments olographes est source d’un abondant contentieux et résulte très souvent du fait que le testateur n'a pas clairement exprimé ses volontés ou encore que l’acte comporte en son sein des dispositions contradictoires.

Lorsque les clauses d'un testament sont obscures, il appartient aux juges du fond de rechercher quelle a été l'intention du testateur. En l’absence de dispositions propres aux libéralités, cette recherche est effectuée conformément aux règles de droit commun d'interprétation des conventions (art. 1188 du code civil). Il en résulte notamment que le juge doit :

-  rechercher la véritable intention du testateur, plutôt que de s'en tenir au sens littéral des termes ;

-  avantager l'interprétation qui valide la disposition dans le cas où une disposition est susceptible de plusieurs sens (art. 1191 du code civil).

Exemples :

Il a été jugé que constituent un voeu moral et non un legs :

-  la disposition par laquelle le testateur invitait ses fils à trouver pour sa compagne « une solution d'existence et de résidence », sans préciser ni les modalités ni la durée de celle-ci, alors que la maison d'habitation du couple appartenait à une SCI dont le défunt possédait à l'origine la moitié des parts, tombées dans sa succession (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n°11-27.339);

-  la phrase d’un testament où le disposant s'adressait à son épouse et ainsi rédigée « J'ai écrit à mes filles que je t'affectais le tableau d'Agostini que tu préférais ainsi que le grand tapis de la salle à manger. Pour le reste, avec mes filles, je pense que tu pourras récupérer des meubles, tapis, tableaux, bibelots qui t'intéresseraient », tandis qu'un testament rédigé la veille à l'intention des filles du testateur indiquait « Vous vous partagerez comme vous le désirez les meubles, tableaux, tapis, etc. sauf que je donne à Colette le tableau d'Agostini qui représente la jeune femme dans le sous-bois et le tapis de la salle à manger. Vous lui ajouterez ce que vous voudrez » (Cass. civ. 1ère, 25 septembre 2013, n°12-17.752).

Il a été également jugé que le legs au profit de la concubine du testateur et ainsi rédigé : « Je soussigné… lègue, en cas d'accident mortel, à Mademoiselle…, demeurant avec moi, la propriété et la jouissance de la propriété que nous habitons ensemble, de même pour le mobilier garnissant l'habitation », doit être délivré à sa bénéficiaire alors même que le concubin est décédé de mort naturelle (CA Paris 13 décembre 2001, RG n°00/9778), l'expression « en cas d'accident mortel » étant ambiguë » et l’analyse des éléments du dossier faisant ressortir que la concubine avait, le même jour, rédigé elle-même un testament au profit du défunt, démontrant leur volonté de se consentir des legs réciproques.

En présence d’une clause claire non susceptible d’interprétation, les juges du fond ne peuvent que donner effet au testament Il a ainsi été jugé que la clause instituant la compagne du testateur en qualité de légataire universelle et, en cas de prédécès de la légataire universelle, son frère, est claire et précise. En l’espèce, la légataire universelle n’était pas décédée avant le testateur (mais deux années plus tard), le frère ne pouvait se considérer comme étant bénéficiaire du legs (Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2012, n°11-17.454).

Le contrôle de la Cour de cassation

L'interprétation des testaments est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. civ. 1ère, 5 décembre 2012, n°11-16.351).

La Cour de cassation vérifie cependant que les juges ne dénaturent pas la volonté du testateur. Il y a dénaturation lorsque le juge a modifié le sens d'une clause claire et précise. Une disposition dépourvue d'ambiguïté n'a pas à être interprétée, quand bien même elle semblerait absurde (pour une illustration, Cass. civ. 1ère, 20 novembre 2013, n°12-19.516).

Une clause claire au moment où elle a été rédigée peut devenir ambiguë du fait du changement de situation du testateur. Tel est le cas, par exemple, de la clause par laquelle la testatrice, décédée après son divorce, laisse un testament rédigé juste après son mariage et désignant comme légataire universel son conjoint à la fois par son nom et en sa qualité d'époux (Cass. civ. 1ère, 4 décembre 2013, n°12-27.421).

Exemples : Il y a dénaturation de la volonté du testateur dans les cas suivants :

-  Les juges du fond décident que les termes « Très important. En toute connaissance de cause, je ne lègue rigoureusement rien à ma nièce R et à mon petit neveu H, que je déshérite totalement… » ne visent que les biens français de la testatrice, à l'exclusion de ses avoirs en Suisse (Cass. civ. 1ère, 23 janvier 2001, n°97-20.618) ;

- Les juges du fond  tiennent pour légataire universelle du défunt, décédé deux ans après son épouse, la personne qui a été désignée « pour le cas seulement où mon épouse disparaîtrait dans le même événement que moi » (sur renvoi après cassation : Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, n°11-11.418, à propos de legs réciproques et identiques consentis par des époux mariés sous le régime de la communauté universelle) ;

-  Le juge inclut un compte-titres dans un legs portant sur de « l'argent liquide » (Cass. civ. 1ère, 24 septembre 2008, n°07-15.520).

-  Le juge dénature également le testament qu'il interprète en y ajoutant un mot qui change la portée de la volonté du testateur (Cass. civ. 1ère, 13 janvier 2021, n°19-16.392)

La force probante du testament olographe

Le testament olographe est un acte sous signature privée.

Les héritiers sont donc en droit de déclarer qu'ils ne reconnaissent pas l'écriture ou la signature de l'auteur du testament (art. 1373 du code civil). Excepté dans l’hypothèse où il peut statuer sans tenir compte de la contestation, le juge doit recourir à la procédure de vérification d'écriture (art. 1373 du code civil et art. 287 et suivants du code de procédure civile) : il appartient alors au légataire d'en prouver la sincérité (la charge de la preuve pèse normalement sur le gratifié). Le juge doit procéder lui-même à l'examen du testament. En cas de nécessité, il doit enjoindre aux parties de produire tous documents utiles à comparer à l'acte litigieux ou encore ordonner une expertise judiciaire (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2008, n°06-18.226 ; Cass. civ. 1ère, 29 février 2012, n°10-27.332). Si cette vérification ne permet pas de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde ses prétentions sur le testament voit sa demande rejetée (Cass. civ. 1ère, 2 mars 1999, n°97-13.765).

Par exception, en présence d'un légataire universel ayant obtenu l'ordonnance d'envoi en possession conformément à l'ancien article 1008 du Code civil et en l'absence de circonstances rendant le testament suspect, la charge de la preuve de la fausseté des écrits d'un testament olographe est renversée et incombe à l'héritier non réservataire qui conteste le testament (Cass. civ. 1ère, 29 février 2012, n°10-27.332). La jurisprudence jugeait en effet que le contrôle sommaire effectué alors à l’occasion d’une procédure d’envoi en possession effectuée par le président du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession justifiait un renversement de la charge de la preuve (Cass. civ. 1ère, 6 juin 1990, n°88-19.686). Depuis la réforme de l’envoi en possession, dont le contrôle appartient aujourd’hui au notaire (réforme entrée en vigueur pour toutes les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2017), il est permis de penser que les tribunaux rendront des solutions identiques s’agissant de la charge de la preuve.

Enfin, l'existence d'un testament olographe ne peut être établie par la seule remise d'une copie simple (Cass. civ. 3ème, 3 juin 2021, n°19-25.219)

3. La conservation du testament olographe

Le testament doit être conservé jusqu'au décès du testateur afin de pouvoir être exécuté. Il est préférable que le testament soit déposé chez un notaire pour éviter toute perte ou destruction de celui-ci, ce dernier ayant la charge de le conserver jusqu'au décès de son auteur ou encore de le restituer à première demande du testateur.

Le dépôt du testament chez un notaire

Le dépôt d’un testament en l’étude d’une étude notariale, qui est facultatif, n'entraîne aucune rédaction d'acte notarié. Toutefois, ce dépôt peut être l'occasion pour l'auteur du testament de demander conseil au notaire quant à la régularité formelle de son testament et sur les objectifs recherchés par son rédacteur. Il faut cependant souligner que lorsqu'un testament olographe est remis au notaire sous pli fermé à des fins de conservation, il ne peut être reproché à l'officier public de ne pas en avoir contrôlé la régularité formelle (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2005, n°03-19.907).

Il est toutefois conseillé au notaire de refuser le dépôt d'un testament olographe si le testateur précise de ne le révéler que sous certaines conditions.

Si le testament olographe est remis au notaire à des fins de conservation, le notaire n'est pas tenu d'en faire le dépôt au rang de ses minutes (art. 854 al. 2 Code général des impôts). Il n’existe aucune formalité d’ordre fiscal. Toutefois, si le notaire dépose le testament au rang de ses minutes, l'acte de dépôt (et non le testament) est enregistré sur état au droit fixe (125 €) mais est dispensé de présentation d’une copie au service de l'enregistrement, le testament étant dépourvu d'effet en raison de son caractère librement révocable (BOI-ENR-DG-40-10-40 n° 170).

L’inscription du testament au Fichier Central des Dispositions de Dernières  Volontés (FCDDV)

Le notaire qui se voit confier un testament olographe va, avec l'autorisation du testateur, accomplir les formalités en vue de l’inscription au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Si le testateur s’y oppose, le notaire doit prendre soin de faire signer une décharge afin d’éviter d’engager sa responsabilité civile professionnelle.

Le FCDDV, créé par le notariat en 1975, est un fichier central mentionnant l'existence des testaments reçus ou déposés dans tous les offices notariaux du territoire national, auprès des agents diplomatiques ou consulaires à l'étranger, ainsi que les institutions contractuelles (donation entre époux).

L'absence d'inscription au FCDDV n’affecte pas la validité de l'acte testamentaire, l'inobservation de cette formalité étant seulement de nature à engager la responsabilité du notaire (CA Douai 17mars 1994).

A l’occasion du règlement d'une succession, le notaire a l'obligation d'interroger le fichier, lui permettant de savoir s'il existe un testament (ou une donation entre époux au dernier vivant) au nom du défunt et, le cas échéant, de connaître le nom du notaire (ou agent diplomatique ou consulaire) dépositaire.

Dans l’hypothèse où le testateur demanderait au notaire dépositaire de lui restituer le testament inscrit au fichier, celui-ci mentionne le retrait.

A noter que sont également inscrits au FCDDV les testaments mystiques, les testaments authentiques et les institutions contractuelles (notamment les donations entre époux à cause de mort).

Le délai d'inscription au FCDDV

Le notaire doit procéder aux inscriptions et radiations au fichier dans les cinq jours francs de l'événement qui y donne lieu, c’est à dire la réception de l'acte, le dépôt ou le retrait du testament.

La réquisition d'inscription au FCDDV

La demande d'inscription doit contenir les indications suivantes :

-  nom de famille et prénoms du testateur ou disposant (y compris, s'il y a lieu, le nom de jeune fille) ;

-  date et lieu (ou si le lieu n'est pas connu, le pays) de naissance ;

-  adresse ou domicile déclaré ;

-  dénomination et date de l'acte dont l'inscription est requise ;

-  nom et adresse du notaire, de l'autorité publique ou de la personne qui a reçu l'acte ou le détient en dépôt.

4. La perte du testament olographe

Dans le cas où le testament olographe a été perdu ou détruit, le légataire qui en détient une « copie fiable » peut en théorie en invoquer le bénéfice.

Une copie fiable a la même force probante que l'original (art. 1379, al. 1 du Code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016). Antérieurement, le code civil envisageait la « copie fidèle et durable » (art. 1348, al. 2 ancien du Code civil, applicable avant l'entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016).

Au regard du droit antérieur, pour voir ses droits reconnus, le légataire devait remplir deux conditions :

-  que la copie qu'il détenait était la reproduction fidèle et durable de l'original et que le testament avait existé jusqu'au décès du testateur et qu'il n'avait pas été volontairement détruit par lui (il s'agirait alors d'une révocation tacite), de sorte que la copie produite était bien la manifestation de ses dernières volontés (Cass. civ. 1ère, 22 octobre 2008, n°07-18.732) ;

-  qu'il était dépositaire de l'acte, seuls les dépositaires pouvant pallier l'absence du titre original par une copie (Cass. civ. 1ère, 19 avril 2005, n°02-16.447).

Au regard des nouvelles dispositions, il y a lieu de penser que la première des deux conditions devrait elle seule être maintenue.

Si la perte du testament résulte d'un cas de force majeure, la preuve du testament peut être rapportée par tous moyens (art. 1360 du code civil). Trois éléments doivent alors être établis :

1- l'existence d'un testament régulier en la forme, la preuve par photocopie ayant été admise dans le cas où son existence et son contenu n’était pas contesté (Cass. civ. 1ère, 14 mai 1991, n°90-13.135) ;

2- le contenu de ce testament ;

3- le fait que la perte ou la destruction du testament est indépendante de la volonté du testateur.

Ainsi, il a pu être jugé que ne constitue pas un cas de force majeure la perte du testament par l'avocat du testateur qui en était le dépositaire (Cass. civ. 1ère, 12 novembre 2009, n°08-17.791 et 08-18.898).

En revanche, a été admise la force majeure dans une situation où de nombreuses recherches avaient été entreprises et que tout avait été tenté pour retrouver l'original perdu par l'expert judiciaire chargé d'examiner le testament (Cass. civ. 1ère, 31 mars 2016, n°15-12.773).

5. Les formalités après décès

Le procès-verbal de l'ouverture et de l'état du testament

Le testament olographe (ainsi que le testament mystique) doit être déposé chez un notaire avant de pouvoir être exécuté.

Après avoir ouvert le testament, s'il est clos, le notaire doit dresser sur-le-champ un procès-verbal de l'ouverture et de l'état du testament dans lequel il procède à sa description (format, couleur de l'encre, nombre de lignes, emplacement de la date et de la signature, etc.) et précise les circonstances du dépôt (art. 1007, al. 1 du code civil). Ce procès-verbal donne lieu à la perception d'un émolument (art. A 444-60 du code de commerce).

Le testament et un acte de décès du testateur sont annexés au procès-verbal, le tout étant conservé au rang des minutes du notaire. Dans le mois qui suit l'établissement du procès-verbal, le notaire en adresse une copie authentique au greffe du tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession. Il y joint une photocopie du testament. Le greffe accuse réception de ces documents et en assure la conservation (art. 1007, al. 2 du code civil).

Le légataire universel en l'absence de réservataires

Depuis l'abrogation de l'article 1008 du Code civil par la loi 2016-1545 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle, l'envoi en possession du légataire universel en l'absence d'héritier réservataire par ordonnance du tribunal judiciaire n'est plus le principe. En effet, le notaire chargé de dresser le procès-verbal de l'ouverture et de l'état du testament doit vérifier les conditions de la saisine du légataire au regard du caractère universel de sa vocation et de l'absence d'héritier réservataire. Mention de ces vérifications sont portées sur le procès-verbal d'ouverture et de description du testament.

Dans les 15 jours qui suivent la date de l'établissement du procès-verbal, le notaire doit procéder, aux frais du légataire universel, éventuellement par voie électronique (art. 1378-1, al. 2 du Code de procédure civile) à une insertion au Bulletin des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d'annonces légales (JAL) diffusé dans le ressort du tribunal compétent, d'un avis mentionnant le nom du défunt, le nom et les coordonnées du notaire chargé de la succession, ainsi que l'existence d'un legs universel, sans révéler l'identité du légataire (art. 1378-1, al. 1 et 3 du code de procédure civile).

Tout intéressé peut s'opposer à l'exercice de ses droits par le légataire universel dans le mois suivant la réception de la copie authentique du procès-verbal et de la photocopie du testament par le greffe du tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession (art. 1007, al. 3 du code civil). Les oppositions doivent être adressées au notaire chargé du règlement de la succession (art. 1378-2, al. 1 du code de procédure civile), lequel peut très bien ne pas être le notaire ayant procédé au dépôt du testament.

Bien qu’aucun texte n'impose la forme de l’opposition, il est conseillé d’user de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par exploit d'huissier. Le notaire chargé de la succession constatera, en pratique, dans un certificat, l'absence ou l'existence d'oppositions. Seules les oppositions émises dans le délai d'un mois prévu par la loi pouvant être prises en considération, il est essentiel, en présence de deux notaires, que le notaire déposant adresse immédiatement à celui chargé du règlement de la succession une copie du récépissé du greffe.

En cas d'opposition, le légataire universel doit se faire envoyer en possession pour pouvoir appréhender les biens, droits et actions du défunt. La demande d'envoi en possession est alors présentée par voie de requête au président du tribunal judiciaire du lieu d'ouverture de la succession. La requête déposée par avocat doit être accompagnée de la copie du ou des actes d'opposition (art. 1378-2, al. 2 du code de procédure civile). Il est préconisé d'y annexer également une copie authentique du procès-verbal de dépôt du testament et de l'acte de notoriété ainsi qu’une copie du récépissé du greffe. L'envoi en possession s'effectue par ordonnance du président du tribunal judiciaire mise au bas de la requête (art. 1378-2, al. 2 du code de procédure civile).

La procédure est identique à celle qui existait avant la loi du 18 novembre 2016, laquelle continue au demeurant à s'appliquer aux successions ouvertes avant le 1er novembre 2017.

Pour les successions ouvertes avant le 1er novembre 2017 : la procédure d'envoi en possession par le juge s'impose systématiquement au légataire universel institué par testament olographe ou mystique en l'absence d'héritiers réservataires. En pareil cas, le notaire ne peut effectuer ni les vérifications ni les mesures de publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et dans un journal d’annonces légales (JAL).

Les difficultés pratiques

La principale difficulté pour le notaire est l'obligation de dresser « sur-le-champ » le procès-verbal d'ouverture et de description du testament, ainsi que le prévoit l'article 1007, alinéa 1 du code civil, c'est-à-dire dès qu'il prend connaissance du testament, alors qu'il doit, d'une part, vérifier l'existence d'un legs universel et, d'autre part, constater l'absence d'héritiers réservataires. Une application stricte et littérale du texte conduirait à la rédaction d'un acte unique incluant le procès-verbal, la notoriété (celle-ci pouvant être établie par acte séparé) et la constatation de la saisine du légataire universel. Or, il est acquis que le notaire doit se livrer à un minimum d'investigations pour procéder aux vérifications requises. En outre, le notaire chargé de la succession peut très bien ne pas être le détenteur du testament. Pour contourner ces écueils, les instances notariales, parfaitement conscientes de ces difficultés, ont instauré des recommandations aux Notaires faisant face à de telles difficultés.

Une autre difficulté tient à l'information des tiers du point de départ du délai d'opposition d'un mois à l'exercice de la saisine du légataire universel. En effet, ce point de départ (date de réception du procès-verbal par le greffe) est différent de celui dont dispose le notaire pour effectuer la publicité aux fins d'information des tiers. Dans ces conditions, l'efficacité de l'information des tiers pour former opposition n'est donc pas du tout assurée.

Face à cette difficulté, il est proposé d'adapter le contenu de l'avis à publier au BODACC et dans un journal d'annonces légales en y ajoutant la date de réception par le greffe. Compte tenu des délais imposés, pareille option implique d'adresser les documents au greffe le plus rapidement possible afin d'obtenir dans les 15 jours prescrits par l'article 1378-1 du code de procédure civile la date de l'accusé de réception du greffe.

L’enregistrement du testament

Les testaments déposés chez les notaires ou reçus par eux ne sont plus soumis à la formalité de l'enregistrement obligatoire dans les trois mois du décès du testateur, ni au droit fixe spécifique (125 €) précédemment perçu lors de leur enregistrement (le législateur a abrogé les articles 636, al. 1 et 848, 5° du CGI par l’article 21 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019).

En cas de présentation volontaire à la formalité de l’enregistrement, les commentateurs considèrent que les testaments doivent désormais être enregistrés gratuitement. Toutefois, la commission des finances de l'Assemblée nationale refuse d'assimiler l'abrogation de l'article 848, 5° du CGI à une exonération expresse et se prononce pour la perception du droit fixe, également de 125 €, applicable aux actes soumis volontairement à l'enregistrement sur le fondement de l’article 680 du Code général des impôts.

A noter également :

  • Qu’il existe un délai spécifique pour l’enregistrement des testaments-partages.
  • Que les testaments faits à l'étranger non déposés chez un notaire en France ne sont pas soumis à l'enregistrement dans un délai déterminé. Cependant, ils ne peuvent être exécutés sur des biens situés en France qu'après avoir été enregistrés (art. 655 du CGI).

La publicité foncière

Dans le cas où le testament prévoit la mutation ou la constitution de droit réel sur un immeuble, il n'a pas à être publié par lui-même au service de publicité foncière. La mutation ou constitution de droit, une fois acceptée par le légataire, doit alors être constatée dans une attestation de propriété immobilière après décès, elle-même soumise à publication.

II. 3. Le testament authentique

Définition et les caractéristiques du testament authentique

Régi par les articles 971 à 975 du Code civil, le testament authentique est soumis à un strict formalisme. Ces règles spécifiques au testament authentique se combinent avec celles, générales, issues de la loi du 25 ventôse an XI et du décret 71-941 du 26 novembre 1971, textes qui sont relatifs à la rédaction des actes notariés (Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012 n°11-20.702).

Le testament notarié est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.

Il est dicté par le testateur au notaire qui l'écrit ou le dactylographie puis en fait la lecture au testateur. Après lecture, le testament est signé par le testateur, le ou les notaires et les témoins. L'acte porte mention expresse de l'accomplissement de l'ensemble des formalités requises.

Le non-respect des conditions de forme est sanctionné par la nullité absolue du testament.

Il y a lieu de tenir compte de la gravité de la sanction puisque le testament authentique déclaré nul pour vice de forme ne peut valoir comme testament olographe, puisqu'il n'est pas écrit de la main du testateur.

Il peut en revanche valoir comme testament international, s'il en respecte les conditions de forme.

Un testament authentique a pu produire effet quand bien même les témoins n'étaient pas de nationalité française (cette condition a été supprimée par la loi n°2006-728 du 23 juin 2006) ou encore celui n'ayant pas respecté la règle de dictée (Cass. civ. 1ère, 12 juin 2014, n°13-18.383 ; Cass. civ. 1ère, 5 septembre 2018, n°17-26.010). Néanmoins, si le vice qui affecte le testament authentique en tant que tel est aussi une cause de nullité de l'acte en tant que testament international, la l’existence et l’efficacité du testament est vouée à l'échec. Il en est ainsi en cas d’absence de respect de l'exigence du paraphe à apposer par tous les signataires de l'acte sur chaque feuillet (Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2012, n°11-20.702) ou encore en cas d'insanité d'esprit du testateur (Cass. civ. 1ère, 12 juin 2014, n°13-20.582).

L'un des principaux avantages du testament authentique sur le testament olographe tient à sa validité, laquelle est rarement remise en cause. En pratique, seuls deux points sont sources de contentieux : le respect des exigences de forme du testament authentique et l'appréciation de la santé mentale du testateur.

De plus, il faut savoir que l’envoi en possession de l'exécuteur testamentaire institué par testament authentique n’a pas lieu d’être (art. 1030-2 du code civil). De même, en l'absence d'héritier réservataire, le légataire universel institué par testament authentique n'a pas à se faire envoyer en possession, contrairement à celui institué par testament olographe, qui peut y être soumis en cas d'opposition.

A retenir : Le recours au testament authentique est obligatoire lorsque le testateur :

-  veut reconnaître un enfant naturel par voie testamentaire ;

-  veut retirer à son conjoint les droits d'habitation et d'usage dont ce dernier dispose, jusqu'à sa mort, sur le logement familial et son mobilier (art. 764 du code civil) ;

-  ne peut pas ou plus écrire ou signer lui-même (le testament international reste cependant possible dans la mesure où le testateur est capable de signer, l'écriture pouvant être le fait d'un tiers).

1. Conditions de forme du testament authentique

Conditions relatives aux notaires

Les notaires ne peuvent pas recevoir un testament dont l'auteur serait leur parent ou allié :

-  en ligne directe, sans limite de degré ;

-  en ligne collatérale, jusqu'au 3e degré inclus (d'oncle ou tante à neveu ou nièce).

Les notaires ne peuvent pas non plus recevoir un testament qui contiendrait une disposition en faveur de leurs parents ou alliés ainsi définis ou, bien sûr, d'eux-mêmes. Cette double interdiction s'étend aux parents et alliés de tous les notaires associés ou salariés exerçant dans l'office notarial (art. 2 et art. 3 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971; article 2 du décret n°93-82 du 15 janvier 1993 ). Dans le cas où le testament est reçu par deux notaires, ceux-ci ne peuvent pas exercer dans le même office notarial.

Conditions relatives aux témoins

Lorsque le testament authentique est reçu par un seul notaire, la présence de deux témoins est obligatoire (art. 971 du code civil). La capacité des témoins instrumentaires est strictement réglementée (art. 980 du code civil). Tout d'abord, ils doivent être majeurs et avoir la jouissance de leurs droits civils. Ensuite, ils doivent être capables d'entendre, de voir et de signer. Ils doivent en outre « comprendre la langue française »

Le choix des témoins est libre (Cass. civ. 1ère, 18 septembre 2002, n°00-10.577) ; il peut être effectué par le testateur ou par le notaire. Toutefois, ne peuvent pas être témoins instrumentaires :

-  les légataires et leurs parents ou alliés jusqu'au 4e degré inclusivement (art. 975 du code civil). Le fait que le témoin choisi soit conseiller municipal et adjoint au maire de la commune gratifiée n’est pas de nature à vicier le testament, dès lors que seule la commune est gratifiée (Cass. civ. 1ère, 14 novembre 2007, n°06-20.074). Par ailleurs, l'alliance étant établie par le seul effet du mariage, le partenaire pacsé du légataire peut être témoin (Cass. civ. 1ère, 28 février 2018, n°17-10.876) ;

-  les clercs des notaires par lesquels les actes sont reçus (art. 975 du code civil). Il a pu  être jugé que l'interdiction faite au clerc d'être témoin ne s'applique pas à une étudiante effectuant un stage dans l'office notarial pendant les vacances : le testament authentique fait en sa présence en qualité de témoin est valable (Cass. civ. 1ère, 3 février 2010 n° 09-10.205) ;

-  deux époux ensemble, pour le même testament (art. 980 du code civil).

Conditions relatives à la réception et à la rédaction du testament

La dictée des volontés

Selon l’article 972 du code civil, le testament doit être dicté au(x) notaire(s) par le testateur. Cette exigence concerne la seule partie du testament relative aux dernières volontés du testateur. Le préambule du testament (date et lieu d'établissement, nom et résidence du notaire, etc.) et la mention obligatoire du respect des formalités peuvent donc avoir été dactylographiés à l'avance par le notaire (Cass. civ. 1er février 2012, n°10-31.129 ; Cass. civ. 1ère, 19 décembre 2012, n°11-26.340 ; Cass. civ. 1ère, 4 mars 2015, n°14-12.165).

Sous cette réserve, la jurisprudence interprète strictement la condition de dictée : Il a pu être jugé qu’il appartient au juges du fond de constater que le testateur a énoncé lui-même et de manière orale ses volontés au notaire (Cass. civ. 1ère, 18 mai 2011, n°09-15.231).

Afin de mieux cerner les intentions du disposant, le notaire peut lui poser toutes questions utiles, dès lors qu'une telle intervention n'est pas susceptible d'être perçue comme un façon d’organiser une pression sur la volonté de son client.

La nécessité d'une dictée n'interdit pas au testateur de s'aider de notes écrites ou même d'un projet de testament établi à l'avance par lui-même ou par un tiers (Cass. civ. 1ère, 6 juin 1990, n°88-19.440). A été jugé valable le testament authentique dicté par la testatrice à l'aide du brouillon rédigé par le notaire en sa présence (Cass. civ. 1ère, 22 mai 1973, n°72-11.236).

Nénmoins, le testament ne doit pas avoir été pré-rédigé par le notaire. Ainsi, a été annulé pour violation de la condition de dictée un testament dactylographié et donc rédigé à l'avance d'après les intentions de la testatrice, alors même que cette dernière avait elle-même demandé au notaire de préparer l'acte et qu'elle avait réitéré ses volontés devant les témoins avant la lecture du testament (Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2007, n°05-19.909). A été également annulé le testament dont le notaire avait lu, le jour de son établissement, chaque phrase du projet qu'il avait préparé, la testatrice acquiesçant et expliquant ses motivations ; le notaire avait ensuite présenté l'acte à la testatrice pour qu'elle le lise à haute voix puis le signe, le tout en présence de deux témoins (Cass. civ. 1ère, 29 juin 2011, n° 10-17.168).

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la dictée avec la lecture du testament : le testament doit être rédigé par le notaire sous la dictée du testateur (art. 972 du code civil). Le législateur a ici voulu s'assurer que le testateur exprime bien sa propre volonté. Quand bien même il ressort des faits que le contenu du testament reflète la volonté apparente du testateur, le testament préparé par le notaire et lu par celui-ci au testateur est nul pour n'avoir pas été rédigé par le notaire sous la dictée du testateur. Aucun décalage temporel n'est permis : Le testateur doit exprimer ses volontés juste avant la signature du testament en les dictant au notaire, parce que ce sont précisément ses dernières volontés que ce dernier doit transcrire.

Bien que l'article 972 du Code civil ne le prévoie pas expressément, la Cour de cassation exige la présence des témoins tout au long des opérations d'élaboration du testament. Ainsi, le testament est nul si les témoins assistent à sa lecture par le notaire, mais pas à sa dictée par le testateur (Cass. civ. 1ère, 18 décembre 1973, n°72-13.590).

En revanche, il n'est pas nécessaire que les témoins aient été attentifs ; il suffit qu'ils aient été en mesure d'entendre la dictée du testament au notaire (Cass. civ. 1ère, 19 décembre 1978, n°77-15.542).

L’écriture du testament authentique

Le notaire (ou l'un des notaires dans le cas où le testament est reçu par deux notaires) écrit ou fait écrire par un tiers (généralement un de ses salariés) les volontés du disposant, au fur et à mesure de leur dictée ; l'écriture peut être manuscrite ou mécanique (art. 972, al. 1 et 2 du code civil). Le notaire n'a pas à reproduire littéralement les mots du testateur. Il faut seulement que la « rédaction du testament corresponde exactement à la volonté exprimée oralement par le testateur » (Cass. civ. 1ère, 28 juin 1961). Le notaire peut donc transcrire en termes juridiques inconnus du testateur les mots utilisés par ce dernier sans que cette traduction n'invalide le testament (Cass. civ. 1ère, 8 juillet 2010, n° 09-15.291). Il doit même les transposer en termes juridiques afin d'en favoriser la compréhension, à condition d'en conserver le sens et la substance.

La lecture du testament authentique

Lorsque le testament est rédigé, le notaire doit en donner lecture au testateur (art. 972, al. 3 du code civil), qui peut ainsi vérifier que ses volontés ont été fidèlement transcrites. Il appartient au au notaire de lire l'acte en présence des témoins (Cass. civ. 1ère, 5 février 2002, n°00-15.740).

Les adaptations du code civil pour certaines catégories de personnes

Quand le testateur ne peut pas s'exprimer en langue française, la dictée et la lecture peuvent être faites par un interprète assermenté que le testateur choisit sur une liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel. Le notaire n'est pas tenu de recourir à un interprète lorsque lui-même ou, selon le cas, les témoins ou le second notaire comprennent la langue du testateur (art. 972, al. 4 du code civil).

Lorsque le testateur, muet, peut écrire en langue française, la formalité de la dictée est remplacée par la rédaction de notes par le testateur devant le notaire. Ainsi, ce dernier écrit lui-même le testament ou le fait écrire à la main ou mécaniquement d'après ces notes, puis en donne lecture au testateur. Dans l’hypothèse où le testateur est sourd, il prend connaissance du testament en le lisant lui-même, après la lecture du notaire (art. 972, al. 5 du code civil). En d’autres termes, ces dispositions concernent le testateur muet sachant écrire, le testateur sourd sachant lire ou le testateur sourd-muet sachant lire et écrire.

Enfin, si le testateur, sourd ou muet, ne peut pas lire ou écrire, les règles applicables au testateur ne parlant pas français sont transposables. Un interprète assermenté en langue des signes assurera la dictée ou la lecture du testament (art. 972, al. 6 du code civil). Compte tenu de la situation de handicap particulièrement lourd ici visée, il est conseillé au notaire de vérifier, certificat médical en mains, que le testateur est en possession des facultés intellectuelles nécessaires à l'expression de volontés libres et éclairées.

La mention des formalités

Afin que le testament soit valable, le notaire doit expressément mentionner dans l'acte que les formalités de dictée par le testateur, d'écriture par le notaire et de lecture au testateur ont bien été respectées (art. 972, dernier al. du code civil). Il en est pareillement lorsque le testateur relève de l'une des catégories de personnes concernées ci-dessus.

S'agissant du respect de la formalité de lecture du testament au testateur, il n'est pas nécessaire que la mention précise que la lecture a été donnée par le notaire lui-même (Cass. civ. 1ère, 5 février 2002, n°00-15.740).

Les signatures

Après lecture du testament, celui-ci est signé d'abord par le testateur, puis par les témoins et enfin par le notaire ou les deux notaires (art. 973 et 974 du code civil). Si le testateur ne peut pas signer, pour quelque motif que ce soit, il doit en faire la déclaration. Le notaire doit mentionner expressément dans le testament la déclaration d'empêchement du testateur et indiquer la cause de l'empêchement (art. 973 du code civil).

La déclaration d'empêchement doit émaner du testateur lui-même. C’est pour cette raison que le notaire ne peut pas se contenter d'indiquer que « le testateur n'a pu signer en raison de sa faiblesse » (Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, n°06-12.765). Au contraire, a été jugé comme étant valable le testament authentique qui comporte la déclaration suivante : « La testatrice requise de signer par le notaire a déclaré savoir le faire mais ne le pouvoir actuellement en raison de son état de faiblesse » (Cass. 1e civ. 28 février 2006, n°03-19.075).

Le notaire n'a pas à rechercher si l'impossibilité de signer du testateur masque en réalité un refus de signer. Seule la sincérité de cette déclaration pourrait être, le cas échéant, contestée, ce défaut de sincérité pouvant alors être interprété comme un refus de signer et, par suite, de donner son approbation à l'acte (Cass. civ. 1ère, 23 mai 1995, n°93-14.911).

La cause de l'empêchement de signer du testateur peut ainsi être une maladie, l'état de faiblesse, l'analphabétisme, etc… Elle n'a pas besoin d'être détaillée. Il suffit, pour se conformer à la double exigence de l'article 973 du Code civil, qu'après avoir fait mention de la déclaration du testateur sur l'impossibilité de signer son testament, le notaire rédacteur indique la cause apparente empêchant le disposant de signer. Ainsi, par exemple, la mention que le testateur se déclare dans l'impossibilité de signer « en raison de sa maladie » suffit. La déclaration d'empêchement n'a pas à préciser la nature de la maladie (Cass. civ. 1ère, 12 septembre 2012, n°11-18.542).

Les règles de rédaction communes à tous les actes notariés

Ces règles résultent de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat et du décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires.

Il résulte de ces textes un certain nombre d'énonciations obligatoires telles que le nom et le lieu d'établissement du notaire (ou des notaires), les nom et domicile des témoins et des parties (en l'occurrence le testateur) et éventuellement des autres signataires, le lieu où l'acte est passé et la date à laquelle chaque signature est apposée (article 6, décret n°71-941 du 26 novembre 1971). S'agissant du testament authentique, est admise la formulation relative aux lieu et date du testament renvoyant au lieu de résidence du notaire instrumentaire et à la date indiquée en tête de l'acte (« aux lieu et date indiqués en tête des présentes ») car la localisation de l'acte est certaine (Cass. civ.1ère, 1 février 2012, n°10-31.129).

La date se compose du jour, du mois et de l'année ; l'heure n'est mentionnée dans les actes notariés que lorsqu'un intérêt particulier s'y attache. La date à laquelle le testament est signé par le notaire est énoncée en lettres (article 8 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971) et constitue la date définitive de l'acte, que le notaire porte à son répertoire. En pratique, le testateur, les témoins et le ou les notaires signent l'acte immédiatement et dans cet ordre, de sorte que le testament ne comporte qu'une seule date.

Concernant la signature du testateur, des témoins et du ou des notaires, il en est fait mention en fin d'acte (article 10 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971).

A défaut de précision contraire, le testament authentique est nécessairement reçu en minute (article 26 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971). Autrement dit, seul l’original du testament est conservé par le notaire et porté immédiatement à son répertoire.

Enfin, le testament authentique peut être établi et conservé sous forme électronique (art. 1369 du code civil ; art. 16 à 20 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971), sous réserve que le notaire utilise un système de traitement et de transmission agréé par le Conseil supérieur du notariat.

2. La force probante du testament authentique

Comme tous les actes notariés, le testament authentique fait foi jusqu'à inscription de faux pour toutes les mentions que le notaire a pu vérifier par lui-même. Ainsi, la contestation de la mention du testament selon laquelle le défunt a dicté ses dernières volontés au notaire n'est possible que par recours à la procédure d'inscription de faux (Cass. civ. 1ère, 18 décembre 2013, n°12-12.210). Il en est de même de la contestation de l'identité du testateur ou de la date du testament.

Ne valent cependant que jusqu'à preuve contraire les affirmations dont le notaire n'a pu apprécier personnellement l'exactitude. Tel est le cas, par exemple, de la mention selon laquelle le testateur est sain d'esprit, qu'il est possible de contester sans recourir à l'inscription de faux en rapportant par tous moyens la preuve. En effet, le notaire ne fait sur ce point que relater les énonciations du testateur (Cass. civ. 1ère, 25 mai 1987, n°85-18.684).

On rappellera que l'appréciation du caractère sain d'esprit du disposant est une question de fait qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. civ. 1ère, 18 décembre 2013, n°12-26.366).

3. La conservation du testament authentique

Le testament authentique est établi en minute et conservé par le notaire pendant 75 ans ; au-delà, il est conservé par le service des archives (art. L 213-2, I-4° du code du patrimoine). L'ancien délai de conservation de 100 ans est maintenu pour les actes se rapportant à une personne mineure (art. L 213-2, I-5° du code du patrimoine). Le testateur peut s'en faire délivrer une copie authentique. Si le testateur veut révoquer son testament, il ne peut pas se le faire restituer pour le détruire.

Le testament est inscrit au fichier central des dispositions de dernières volontés (cf. supra)

4. Les formalités après décès

Le testament authentique n'est pas soumis à la formalité de dépôt, puisqu'il est déjà au rang des minutes d'un notaire. Les testaments établis jusqu'au 31 décembre 2019 devaient être enregistrés au droit fixe de 125 € dans les trois mois du décès du testateur. Toutefois, ceux établis depuis le 1er janvier 2020 n'ont plus à être enregistrés (art. 21, loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019).

II. 4. Le testament mystique

La notion et les caractéristiques du testament mystique

Le testament mystique, autrement dit le testament secret, combine certains caractères touchant aux testaments olographe et authentique. En pratique très peu utilisé en raison de sa complexité, il conserve une certaine utilité en présence d'un testateur qui serait partiellement illettré (à condition de savoir au moins lire comme le précise l’article 978 du Code civil - ou atteint de paralysie, deux situations où la forme classique de testament ne peut être envisagé. (pour un exemple jurisprudentiel : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2005, n°02-16.918).

Néanmoins, le testament international est susceptible aujourd’hui susceptible, au regard de sa simplicité, de venir remplacer le testament mystique dans ces situations particulières.

Les conditions de forme du testament mystique

La confection du testament mystique s’envisage en deux étapes :

En premier lieu, le testateur rédige lui-même son testament ou le fait écrire ou dactylographier par un tiers et le signe (art. 976, al. 2 du code civil). Dans l’hypothèse où le testateur ne sait pas ou ne peut pas signer, l'acte doit le mentionner (art. 977 du code civil).

En second lieu, le testateur doit présenter l'acte testamentaire, clos et scellé, à un notaire en présence de deux témoins. En pareille situation, le testateur déclare que le contenu de l'acte est son testament et, s'il ne l'a pas rédigé lui-même, qu'il en a personnellement vérifié la teneur.

Le notaire établit alors un acte dit « de suscription », soit sur la feuille exprimant les dernières volontés, soit sur l'enveloppe qui la contient et doit énoncer diverses mentions, telles que la date et le lieu de la présentation, la description du pli, la déclaration du testateur.

Cet acte est ensuite signé par le testateur, les témoins et le notaire. Dans le cas où le disposant est dans l'impossibilité de signer, le notaire fait mention dans l'acte de sa déclaration et du motif qu'il en a donné (art. 976 du code civil). Les témoins doivent remplir certaines conditions (cf. conditions imposées aux témoins dans le testament authentique), à l'exclusion de celle consistant à ne pas être légataires, ni parents ou alliés de ces derniers jusqu'au 4e degré inclusivement. Ceci s’explique par le fait que les dispositions testamentaires ne sont ici pas portées à la connaissance des témoins.

En cas de non-respect de ces conditions de forme, le testament est nul en tant que testament mystique (art. 1001 du code civil). Mais il peut toutefois être admis comme testament olographe si l’ensemble des conditions de validité de la forme olographe sont réunies (art. 979, al. 2 du code civil).

La force probante du testament mystique

Le testament mystique doit contenir deux composantes :

-  les dispositions de dernière volonté, lesquelles sont rédigées par le disposant et dont la force probante est celle d'un acte sous signature privée. Toutefois, la charge probatoire pèse sur l'héritier qui élève contestation du testament en raison du fait que la déclaration faite au notaire par le testateur, authentifiée dans l'acte de suscription, confère à l'acte une présomption de sincérité. Celle-ci sera contestée selon la procédure de la vérification d'écriture.

-  l'acte de suscription, qui est établi par le notaire et possède la force probante d'un acte authentique. Il fait ici foi jusqu'à inscription de faux car s’agissant ici d’un acte rédigé par un officier public (acte authentique).

La conservation du testament mystique

Le notaire n'est ici pas tenu de conserver en son étude le testament, sous réserve que le testateur ne lui en fasse dépôt (aux fins notamment d'inscription au fichier central des dispositions de dernières volontés). Les règles applicables sont en pareille situation identiques à celles imposées pour le testament olographe.

Les formalités après décès

Le testament mystique est soumis aux mêmes formalités que le testament olographe. Il n’a pas besoin de faire l’objet d’une publication au service de publicité foncière s’il porte sur la transmission de droits réels immobiliers.

II.5. Le testament international

Le contexte interne ou international

Le testament international est né du déplacement croissant des personnes et des biens., et du besoin de pouvoir recourir à un forme testamentaire reconnue par le droit interne de tous les pays.

Le testament international a été institué par la convention de Washington du 26 octobre 1973 (signée par la France le 29 novembre 1974) a été introduit en France le 1er décembre 1994 par un décret n°94-990 du 8 novembre 1994.

Son champ d’application matériel, selon la convention, ne s’applique qu’à la forme du testament international. Son objet est ainsi strictement circonscrit, excluant les règles de fond

La convention exclut par ailleurs, à son article 2, toute application au testament conjonctif (c’est-à-dire lorsque deux ou plusieurs personnes rédigent, au sein d’un même acte, des dispositions testamentaires).

Sa dénomination est trompeuse : En effet, le recours au testament international peut tout à fait être utilisé en l'absence de tout élément d'extranéité du testateur.

L’objectif visé par les états contractants est d’établir une forme supplémentaire de testament dont l’emploi réduirait la nécessité de la recherche de la loi applicable.

Ainsi, l’existence d’une forme de testament international, commune au droit interne de différents Etats permet d’éliminer le problème de la connaissance de la loi étrangère dès lors que la convention fixe des règles de droit matériel. Dès lors, un testament international régulièrement établi dans un pays (contractant, ou à défaut, si la règle de conflit de loi en matière de forme des testaments désignant la loi d’un Etat où il est possible d’établir un testament international) sera reconnu dans un autre Etat (contractant).

Ainsi, un Français domicilié en France souhaitant rédiger son testament sur le territoire français peut tout à fait recourir au testament international.

Comme déjà précisé, un testament authentique nul pour vice de forme peut valoir en qualité de testament international.

Définitions et caractéristiques du legs


Le legs est une disposition testamentaire par laquelle une personne physique, désignée testateur, désigne une ou plusieurs personnes déterminées qui, à son décès, seront gratifiées soit de la totalité ou d’une fraction de son patrimoine, soit encore de certains biens déterminés. Il s’agit d’une disposition translative d’un droit, analysé comme un acte de disposition.
Les conditions de validité des legs

Sur un plan formel, le legs n’est valable que s’il est contenu dans un testament. Il convient de se référer aux conditions de formes du testament.

Sur le fond, les conditions générales de validité du legs, elles répondent aux règles communes des libéralités (consentement, capacité, contenu licite et certain…).

La présente étude portera sur différents aspects pratiques pouvant être source de difficultés tenant à la désignation du bénéficiaire, à l’objet du legs et à ses modalités.

 

I. Bénéficiaire du Legs

La désignation du bénéficiaire

Il est impératif que le legs, contenu dans un testament, précise a minima un bénéficiaire, qui doit être vivant au décès du testateur ou du moins conçu au jour de sa rédaction et naître viable (article 906 code civil), à peine de nullité du legs.

La désignation du légataire doit être suffisamment précise, ceci afin de permettre son identification. Dès lors, la disposition testament prise au profit d’une personne dont l’identité est insuffisamment précise encoure la nullité.

Très souvent, les difficultés relatives à la désignation du bénéficiaire concernent des testaments olographes désignant comme bénéficiaire une association ou une fondation dont le testateur ne connaissant pas sa dénomination exacte. En pareille circonstance, les juges doivent exercer leur pouvoir souverain d’interprétation de la volonté du testateur pour déterminer l’organisme gratifié désigné bénéficiaire (Cass. civ. 1ère, 18 février 1986, n°84-15.593). Lorsque les tribunaux sont en capacité d’y parvenir, le legs est validé et celui-ci pour produire ses effets juridiques patrimoniaux. Dans la négative, les tribunaux prononcent la nullité du legs.

Exemple : ont été jugés valables les dispositions testamentaires suivantes :

-          Legs consenti à la « Fondation pour la recherche contre le Sida » (fondation qui n’a aucune existence légale), attribué à la « Fondation mondiale recherche et prévention du Sida » (CA Rouen, 6 avril 2011, RG n°09/03938)

-          Legs consenti à « La recherche médicale », qui a été attribué à la Fondation pour la recherche médicale, seule fondation en France ayant vocation à promouvoir la recherche médicale sous toutes ses formes au moment où le juge a statué (CA Lyon, 9 octobre 2012, RG n°10/08592 : La cour d’appel a en l’espèce rappelé que l’organisme bénéficiaire se voyait très fréquemment être désignée sous cette dénomination, qu’il était le seul à promouvoir la recherche médicale sous toutes ses formes conformément à  l’article 1 alinéa 1er de ses statuts, rappelant enfin que le but statutaire du gratifié est exactement conforme au domaine d’activité que la défunte à entendu favoriser par son legs)

A cependant été déclaré inapplicable et donc nul, le legs consenti à une association de bienfaisance pour des enfants sans famille et malheureux, le bénéficiaire désigné n’étant pas identifiable (CA Paris, 29 juin 1990, RG n°89/8367 et 89/9028 : la nullité a été prononcée au regard du fait que de nombreuses associations pouvait répondre aux critères figurant dans le legs et que le lieu d’ouverture de la succession n’était pas un élément de désignation de l’association désignée bénéficiaire du legs)

 

Le legs avec faculté d’élire

Afin qu’un legs soit valable, le testateur doit impérativement désigner lui-même le légataire : Le testateur doit s’exprimer personnellement au travers de son testament (article 895 code civil).

Dès lors, le legs avec faculté d’élire - c’est-à-dire celui où la désignation d’un bénéficiaire est confiée à un tiers - est prohibé.

Exemples :

La disposition contenue dans un testament par laquelle le testateur a confié à son notaire le soin de faire don à qui il souhaitait et libellé comme suivant « je ne veux pas que ma famille hérite de ce que j’ai. A vous d’en faire don à qui vous voudrez » a été annulée (Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, n°02-21.177)

La jurisprudence accepte cependant qu’un legs soit assorti de la charge de transmettre son bénéfice à une personne qui sera désignée par le légataire (Cass. req. 21 juin 1870 ; Cass. civ. 1ère, 18 février 1986, n°84-15.593). Ici, le légataire est considéré comme propriétaire de la chose léguée mais a la charge de transmettre au profit d’une autre personne, désignée par le légataire. Le bénéficiaire final du legs reçoit les biens ici non du testateur mais du légataire.

Est valable le legs avec charge de transmettre tout ou partie du bénéfice de la disposition à des personnes à déterminer (Cass. civ. 4 novembre 1952).

Le legs à charge de transmettre permet également au testateur de consentir une libéralité au profit d’une personne future ou incertaine (telle une association à créer ou une fondation qui n’existe encore pas). A noter que les fondations d’utilité publique et les fonds de dotation bénéficient d’un régime dérogatoire au principe posé par l’article 906 du code civil.

 

Le legs consenti au profit des enfants

Le legs consenti au profit des enfants du légataire en cas de prédécès de celui-ci s’entend comme profitant non seulement aux descendants au premier degré, mais également à leurs propres descendants, peu important le degré, sauf volonté contraire du testateur.

Pour le cas où le légataire viendrait à décéder avant le testateur, ainsi que l’un de ses enfants désignés par la disposition à cause de mort, le legs profitera, pour la part de l’enfant prédécédé, aux enfants de celui-ci (CA Poitiers, 10 août 1858). Cette solution jurisprudentielle vient à admettre l’existence d’une « représentation » en matière de dévolution testamentaire.

 

II. L’objet du legs

 

La détermination de l’objet

L’objet du legs doit être déterminé ou déterminable au moment du décès du testateur (Cass. civ. 1ère, 16 mars 1999, n°96-22.140). Il a pu être jugé que le legs consenti en rémunération de soins fournis de manière bénévole était déterminable par équivalence avec le coût de l’assistance d’une tierce personne (Cass. civ. 1ère, 20 janvier 2004, n°01-03.799). Au contraire, n’est pas déterminable le legs par lequel le testateur a seulement indiqué vouloir constituer une ‘dot très honorable’ aux filles de son neveu, institué légataire universel (Cass. civ. 1 ère, 16 mars 1999, n°96-22.140)

 

Les tribunaux apprécient souverainement si l’objet du legs est déterminable ou non, au moyen d’éléments extrinsèques au testament afin de rechercher la véritable intention du testateur. Ainsi, la Cour de cassation a pu juger, dans une espèce où le testateur avait manifesté le souci, pour la constitution des lots, vouloir maintenir l’égalité entre les légataires désignés, que l’équilibre, rompu au jour du décès, devait être rétabli au moyen de soultes (Cass. civ. 1ère, 21 mai 1997, n°95-13.456).

Il faut ajouter que le legs particulier doit être délivré avec tous ses accessoires nécessaires dans l’état où il se trouve au jour du décès du testateur (article 1018 code civil). S’il s’agit d’un immeuble que le testateur a augmenté (dans sa consistance) par suite d’acquisitions, celles-ci, quand bien même elles seraient contigües, ne sont pas réputée comprises dans le legs, sauf à ce que le testateur l’ait expressément envisagé (article 1019 alinéa 1 du code civil). Il en va autrement lorsqu’il s’agit d’embellissement ou de constructions nouvelles faites sur le fonds légué (même article, alinéa 2).

Il est également considéré que le legs de meubles et d’effets mobiliers exclut l’argent, les créances et autres droits mobiliers incorporels (Cass. req. 10 février 1873). Par exemple, le legs d’une ‘chambre complète’ ne comprend pas les livrets de caisse d’épargne contenus dans ladite pièce (CA Paris, 1er juin 1977). Toutefois, si le testament prévoit que le legs de ‘tout ce que possède ma petite maison, linges, meubles, etc…), les juges du fonds ont pu souverainement apprécier, sans encourir la dénaturation, que cette libéralité incluait les valeurs mobilières, bijoux et pièces d’or trouvées dans ladite maison, alors même que la propriété de la maison était transmise par legs au profit d’un autre bénéficiaire (Cass. civ. 1ère, 22 juin 1964)

 

Le legs alternatif

Un legs est dit alternatif lorsque le légataire dispose d’une option entre plusieurs choses (article 1307 et suivants du code civil). Il en va ainsi lorsque ce choix porte par exemple, entre un capital et une rente ou encore entre un usufruit et une rente, les objets étant ici déterminables.

Un tel legs ne contrarie nullement le principe selon lequel c'est au testateur qu'il appartient de déterminer l'objet du legs qu'il consent : c'est bien le disposant qui décide des termes de l'alternative s'offrant à ses héritiers ou à son légataire.

Le choix peut être laissé à un héritier légal ou à un légataire universel.

L’option a un caractère irrévocable.

Lorsqu’elle a été stipulée au profit d’un légataire et que celui-ci vient à décéder avant d’avoir exercé son option, celle-ci est transmise à ses héritiers.

 

Le legs particulier de la chose d’autrui

Un legs ne peut pas avoir pour objet la chose d’autrui, à peine de nullité (article 1021 du code civil). Cette disposition n’est cependant pas d’ordre public.

Un testateur peut régulièrement léguer un bien appartenant à un tiers ou un bien appartenant à son propre héritier ou encore un bien dont il ne possède qu'une fraction indivise, en imposant à ce même héritier la charge de procurer au légataire la propriété (divise) du bien en cause ou à tout le moins sa contrepartie en valeur ; Le respect de cette charge peut être assorti d'une clause pénale.

Encourt la nullité, le legs consenti par un associé , peu important que celui-ci soit majoritaire, d’un immeuble appartenant à la société (Cass, civ. 1ère, 15 mai 2018, n°14-11.123)

Néanmoins, la sanction de nullité ne concerne que le legs de corps certain.

Elle ne s’applique pas au legs de chose de genre en raison du fait que cette libéralité ne rend pas le légataire propriétaire du bien mais seulement créancier (cela peut concerner par exemple d’objets de consommation, de matériaux ; un tel legs est par hypothèse exclu car les genres n'appartiennent à personne). On considère alors qu’en pareille situation, il s’agit d’un legs des deniers nécessaires à l’acquisition de la chose, soit d’une charge imposée à l’héritier de transmettre au légataire la propriété entière de la chose.

A noter également que la jurisprudence a pu également étendre cette dernière solution au legs d’un corps certain dont le testateur n’est pas propriétaire, lorsque le bien légué porte sur une fraction indivise (Cass. civ. 1ère, 20 février 1957).

En réalité, la portée de la prohibition est relativement circonscrite : En premier lieu, les tribunaux considèrent qu’il n’y a legs de la chose d’autrui que si le disposant n’a aucun droit, même éventuel, sur la chose léguée. En second lieu, la nullité qui affecte le legs de la chose d’autrui n’est sanctionnée que par la nullité relative, c’est-à-dire par le propriétaire véritable de la chose léguée.

La prohibition ne s’applique pas au legs de biens communs. En vertu de l’article 1423 alinéa 1 du code civil, un époux peut valablement consentir des legs de biens de la communauté dans la limite de la part qu’il détiendra dans la communauté au moment de la prise d’effet du legs, sauf dans l’hypothèse où le legs est consenti par voie de testament-partage où les testateurs n’ont la faculté de partager leur succession qu’aux biens propres dont il sont propriétaire et ont la libre disposition (Cass. civ. 1ère, 6 mars 2001, n°99-11.308. Cass. civ. 5 décembre 2018, n°17-17.493). L’exécution du legs dépendra du partage de la communauté : Si le bien tombe dans le lot des héritiers du testateur, le legs pourra s’exécuter en nature. Au contre si le bien légué tombe dans le lot du conjoint du disposant, le légataire ne pourra en obtenir l’exécution qu’en valeur (article 1423 alinéa 2 du code civil). En pareille hypothèse, l’exécution du legs pourra porter sur la part de communauté revenant dans la succession du testateur ainsi que sur les biens propres de ce dernier.

Un époux reste également libre de léguer une fraction de sa part de communauté. Tout legs portant sur une quote-part supérieure à ses droits dans la communauté serait réduit à celle-ci.

 

La nullité ne s’applique pas non plus aux legs de biens faisant partie d’une masse indivise, notamment les biens dépendant d’une indivision post-communautaire (voir néanmoins les règles particulières applicables aux testaments-partages). L’efficacité d’un tel legs dépend normalement du résultat du partage au moment des attributions : le leg pourra être exécuté si le bien est mis dans le lot du ou des héritiers du testateur ; Il sera dépourvu d’efficacité et caduc dans le cas où il serait mis au lot d’un autre coïndivisaire (copartageant). Il faut toutefois observer que dans cette hypothèse, le législateur et les tribunaux ne reconnaissent pas la possibilité d’exécuter le legs par équivalent comme cela est le cas pour le legs de biens communs. Cette solution jurisprudentielle est retenue quand bien même il s’agirait d’une indivision post-communautaire (Cass. civ. 1ère, 16 mai 2000, n°98-11.977).

Néanmoins, le testateur peut imposer à ses héritiers ou légataires la charge de procurer au bénéficiaire du legs du bien indivis la pleine propriété du bien sans toutefois qu’il puisse porter atteinte à la réserve des héritiers réservataires (enfants ou conjoint survivant). Une indemnité de réduction sera en principe due aux héritiers réservataires pour les remplir de leur réserve. Cette volonté n’a pas à expressément formulée par le disposant : les tribunaux peuvent la déduire du testament (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, n°04-10.596).

Le testateur peut également disposer seulement de ses droits indivis : le légataire se substitue au testateur et devient partie au partage (soit une masse globale soit encore sur un bien particulier).

Lorsqu’il s’agit d’un bien dont la propriété est démembrée, le testateur qui en est seulement nu-propriétaire peut valablement en léguer l’usufruit. Il s’agit ici d’un usufruit de second rang qui prendre effet à l’extinction de l’usufruit qui préexistait, soit au décès de l’usufruitier de premier rang.

 

La charge dont est grevé un legs universel n’est pas un legs (portant sur la chose d’autrui) : le testateur qui institue ses enfants légataires universels « à charge pour eux de délivrer » à sa seconde épouse le capital décès d’un contrat d’assurance-vie dont ils étaient désignés bénéficiaires n’a pas consenti un leg de la chose d’autrui mais a seulement assorti les legs universels d’une charge, considérée comme valable (Cass ; civ. 1ère, 20 mai 2009, n°08-11.355 : A noter également que l’arrêt précise que le capital, payable au décès de l’assuré, ne fait pas partie de la succession, la charge n’a pas à être comptabilisée pour le calcul de la quotité disponible et de la réserve héréditaire en vue d’une éventuelle atteinte à la réserve).

 

III. Modalités du legs

Le legs pur et simple

Lorsque le testateur  consent un legs pur et simple, la transmission de la propriété de la chose objet du legs s’opère de plein droit au jour du décès du disposant (article 1014 al. 1 du code civil), cet article s’appliquant à tous les types de legs (universel, à titre universel et particulier). C’est donc au jour du décès du testateur que sa validité doit être appréciée et non au jour de sa délivrance (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 2009, n°08-15.130 ; à propos d’un bien légué à titre particulier à l’un des enfants du testateur, bien qui faisait l’objet d’une clause d’inaliénabilité stipulée par suite d’un acte de donation-partage dont les codonateurs n’étaient pas encore décédés lors de l’ouverture de la succession)

 

Dans le cas où le legs porte sur une quote-part de la succession, le légataire se trouve en pareille hypothèse en indivision avec les héritiers ou les légataires jusqu’au jour du partage.

Enfin, lors que le legs pur et simple porte sur une somme d’argent, ce legs a nécessairement pour effet de rendre le légataire créancier de la succession. En conséquence, une cour d’appel ne peut débouter le légataire de sa demande en délivrance du legs portant sur le prix de vente d’un appartement au motif que le disposant a réinvesti ce prix dans la souscription d’un contrat d’assurance-vie au profit de ce même légataire (Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2012, n°11-16.244)

 

Le legs avec charge

La charge est une obligation imposée par le testateur au légataire.

L’acceptation d’un tel legs emporte pour le légataire l’obligation d’exécuter la charge.

Il est possible que la charge absorbe tout le legs pour ne laisser aucun émolument au légataire.

La charge est à distinguer du simple vœu (qui n’est qu’un souhait émis par le testateur) et n’emportant aucune obligation à l’égard du bénéficiaire du legs (naturellement, ce dernier peut se conformer au souhait exprimé par le défunt).

Au contraire de la situation du légataire, le bénéficiaire de la charge peut très bien ne pas exister au décès du testateur ou être indéterminable à cette dernière date. Cette notion de charge permet d’éviter une nullité.

L’inexécution de la charge ouvre droit a deux actions :

-          L’une en exécution de la charge, laquelle peut être exercée par les héritiers, les légataires ou le bénéficiaire de la charge ;

-          L’autre en révocation du legs, laquelle peut être exercée par les héritiers, les légataires ou encore leurs créanciers.

L’un des moyens de faire respecter un legs avec charge consiste à stipuler dans le testament une clause pénale, qui pourra dès lors être mise en œuvre en cas d’inexécution de la charge

 

Le legs conditionnel

La condition est un évènement futur et incertain. Il peut s’agir d’une condition suspensive ou encore d’une condition résolutoire (article 1304 du code civil).

Le legs qui prévoit une condition résolutoire est traité comme un legs pur et simple au moment du décès mais sera rétroactivement anéanti si la condition se réalise. En pareil cas, le légataire sera réputé n’avoir jamais été propriétaire de la chose légué ni n’avoir eu aucun droit sur celle-ci. Les droits que le légataire aura pu consentir valablement avant la survenance de la condition résolutoire seront anéantis de façon rétroactive, sauf en ce qui concerne les actes d’administration et des fruits perçus par le légataire, qui lui demeureront acquis.

Lorsque la condition est suspensive et tant qu’elle est pendante, le légataire n’a aucun droit sur l’objet du legs, dont l’objet reste dans la succession du testateur et est transmis provisoirement aux héritiers ou aux légataires universels.

Si la condition se réalise, le legs doit recevoir exécution. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats (ordonnance du 10 février 2016), la condition suspensive n’a plus de caractère rétroactif. Dès lors, sauf clause contraire, le legs qui serait assorti d’une condition suspensive n’est aujourd’hui acquis qu’à compter de l’accomplissement de la condition (survenance de l’évènement érigé en condition suspensive).

Si la condition suspensive se réalise du vivant du disposant, le legs – qui ne prend effet qu’au décès du testateur – sera considéré comme étant pur et simple. Si le légataire décède avant l’accomplissement de la condition ,le legs serait dans cette situation considéré comme étant caduc (article 1040 du code civil), sauf volonté contraire du disposant pour que le légataire soit transmis aux héritiers du légataire prédécédé.

Enfin, il convient d’ajouter que la condition doit être possible, licite et morale (article 900 du code civil) : ainsi,  les clauses de célibat, de mariage et de non-divorce doivent être envisagées avec précaution.

 

Le legs graduel ou résiduel

Le legs graduel est la disposition  par lequel le testateur lègue des biens ou des droits à un légataire, lequel a la charge de conserver les biens et droits reçus du défunt et de les transmettre ensuite à son décès , à un second légataire désigné par le testateur (article 1048 code civil).

Le legs résiduel est quant à lui la disposition comprise dans un testament aux termes duquel le testateur prévoit qu’un second gratifié recevra ce qui subsistera d’un legs consenti à un premier gratifié, au décès de celui-ci (article 1057 code civil)

 

Le legs à terme

Le terme est un évènement futur et certain. Cet évènement a pour effet de retarder dans le temps l’exécution d’une obligation lorsqu’il est suspensif.

Lorsqu’un legs est affecté d’un terme, le droit du légataire existe au dès le jour de l’ouverture de la succession, mais l’exercice de ce droit est retardé à la date prévue par le testateur (article 1305 du code civil).

SI le légataire décède avant l’échéance du terme, le droit est transmis à ses héritiers.

Le legs peut encore est affecté d’un terme extinctif : La survenance de cet évènement met dans ce cas fin à l’exécution du legs, tel le legs d’une rente pour une durée déterminée dans le temps.

La classification des legs

Les différentes catégories de legs et qualification

Le code civil précise qu’il existe trois catégories le legs, qui sont les suivants : legs universel ; legs à titre universel et le legs à titre particulier (article 1002 du code civil).

Cette classification a une incidence juridique importante : les droits et obligations des légataires seront différents selon la vocation : Le légataire peut ainsi avoir vocation à recevoir une universalité (legs universel ou à titre universel) ou encore avoir vocation à recevoir un ou plusieurs biens identifiés (legs particuliers). Rien n’empêche le légataire de cumuler plusieurs vocations (être désigné légataire universel et être désigné légataire particulier d’un bien par exemple).

La qualification donnée au legs par le disposant ne lie par le juge, qui peut toujours donner au legs la qualification résultant de la loi. Dans bon nombre de situation, très généralement lorsque le testament est olographe, la qualification du legs peut emporter d’importantes difficultés d’interprétation.

Legs universel

Le legs universel est celui par lequel le testateur dispose de l’ensemble de ses biens au profit d’un ou plusieurs légataires. En pareille situation, le légataire universel a vocation à recueillir l’universalité des biens que le disposant laissera au jour de son décès (article 1003 du code civil).

Le legs universel résulte soit de l’emploi de ce qualificatif par le testateur soit encore des legs suivants :

  • Legs de ‘l’intégralité du patrimoine’ ou encore le legs de ‘tous les meubles et immeubles’ ;
  • Le legs de la quotité disponible (ordinaire ou spéciale entre époux) car ce legs donne vocation à la totalité des biens laissés par le testateur au cas de prédécès ou de renonciation des héritiers réservataires, sauf l’hypothèse ou le legs est interprété comme manifestant clairement la volonté de transmettre une quotité constituant l’objet même du legs (la quotité transmise dépendra alors taux de la quotité disponible/réserve applicables)
  • Le legs de la nue-propriété de l’intégralité du patrimoine ou de la nue-propriété de la quotité disponible en raison du fait que l’usufruit a vocation à s’éteindre au décès de son titulaire, permettant au légataire de recevoir à terme la pleine propriété). En revanche, le legs d’usufruit de la totalité de la succession est un legs à titre universel.
  • Le legs de reliquat ou du reste de la totalité des biens, c’est-à-dire le legs des biens restant après imputation de legs particulier ou à titre universel (CA Lyon, 9 octobre 2012, RG n°10/08594)

Ne constitue pas un legs universel le legs rédigé de la manière suivante : ‘je lègue ma maison et mon argent au jour de mon décès’ quand bien même le notaire en tire la conséquence que les héritiers légaux n’ont vocation à ne rien recevoir dans la succession du défunt en leur qualité d’héritiers légaux non réservataires (Cass. civ. 1ère, 15 mars 2013, n°11-20.026 : l’enjeu sur la qualification du legs portait dans cette espèce sur l’identification du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, hors succession, stipulant qu’elle serait transmise aux héritiers)

 

Le testateur peut désigner dans son testament plusieurs légataires universels. Très généralement, ce type de legs est interprété comme des legs conjoints, à savoir que les colégataires ont des droits égaux.

Mais la désignation de plusieurs légataires universels peut être parfois interprété comme étant un legs avec assignation de parts (ou de biens) si le disposant a indiqué dans son testament une simple répartition du legs. Par exemple : « le reste de mes biens iront pour deux tiers à M. X et le troisième tiers pour Mme Y ».

Dans l’hypothèse où le testateur fixe une quotité entre les différents bénéficiaires et délimité la part recevenant à chacun d’eux, le legs perd sa qualification de legs d’universalité pour prendre la qualification de legs à titre universel, chacun des colégataires n’ayant ici vocation à recevoir qu’une fraction de la succession (et non le tout).

Ces différentes qualifications emportent des effets juridiques distincts en cas de révocation ou de caducité du legs au profit d’un colégataire.

Le fait que les colégataires se voit assigner des parts inégales (un tiers pour l’un et deux tiers pour l’autre) n’a pas d’incidence sur la qualification de legs universels (Cass. civ. 1ère, 1er juin 2011, n°10-16.285). Les légataires universels venant à la succession sont alors titulaires de droits indivis dans la succession, jusqu’au jour du partage.

Enfin, la jurisprudence permet au testateur de laisser au légataire universel la faculté de composer lui-même son lot : en pareil cas, il s’agit d’un legs avec faculté de choix et non d’un partage partiel imposant le consentement de tous les coïndivisaires (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 1979, n°78-11.456)

 

Le legs à titre universel

Le legs à titre universel a pour effet de donner vocation à une quote-part de la succession.

Ainsi, sont considérés comme à titre universel en vertu de l’article 1010 du code civil, les legs suivants :

  • Le legs de tous les immeubles ou de tous les meubles
  • Le legs d’une fraction arithmétique (un tiers, la moitié…)
  • Le legs d’une fraction arithmétique de tous les immeubles ou de tous les meubles

Il faut encore ajouter le legs d’usufruit de tous les biens ou d’une fraction des biens ou encore de tous les meubles ou immeubles de la succession (Cass. civ. 1ère, 10 février 2016, n°14-27.057, a contrario).

Les autres legs comportant des quotités de biens constituent des legs particuliers (et non des legs à titre universels), par exemple le legs des biens situés en France (Cass. civ. 1ère, 13 février 1973, n°71-13.861) ou encore du legs portant sur la part de communauté du disposant (Cass. civ. 1ère, 11 juillet 2006, n°04-14.947).

A l’instar du legs universel, le legs à titre universel peut prévoir une assignation de parts ou d’une faculté de choix (ce qui peut rendre compliqué la distinction entre legs universel avec assignation de parts et legs à titre universel prévoyant la même modalité).

 

Le legs à titre particulier

Ce type de legs constitue une catégorie résiduelle au sens de l’article 1010 alinéa 2 du code civil). Aux termes de cet article, tout legs qui n’est ni universel ni à titre universel est un legs particulier.

Il en va ainsi des legs suivants :

--Le legs portant sur un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables ; Il peut s’agir de tous les biens figurant au décès du disposant (CA Aix, 11 avril 2013, RG n°12/07143) ;

-  Le legs portant sur un ensemble de biens (et non de tous les biens successoraux), par exemple le legs portant sur tous les biens situés sur un pays identifié ;

- Le legs portant sur une quotité de biens autres que ceux qualifiés de legs à titre universels.

La jurisprudence distingue enfin entre le legs à titre particulier et la charge dont peut être assorti un legs dans l’intérêt d’un tiers. Dans ce dernier cas, la charge dépend du legs auquel elle est apposée et suit donc le même sort que celui-ci. En cas de renonciation du légataire, le tiers ne peut revendiquer le droit à recevoir le bien stipulé comme charge (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 2003, n°01-00.373 à propos d’un legs universel à charge de délivrer une somme d’argent ; Cass. civ. 1ère, 19 septembre 2007, n°06-18.082, à propos d’un droit d’usage et d’habitation sur un quote-part indivise d’un immeuble).

 

La situation du légataire

Décès du testateur

Les legs ne peuvent produire effet (tout comme les institutions contractuelles de biens à venir) qu’au jour du décès du disposant, à la condition d’une part qu’ils ne soient pas devenus caducs et, d’autre part, que les légataires déclarent vouloir les accepter.

 

1. Option successorale

Tout comme l’option successorale, les légataires universels et les légataires à titre universel bénéficient d’une triple option : acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l’actif net ou renonciation.

Quant aux légataires particuliers, lesquels ne sont pas tenus du passif successoral, ils n’ont seulement que le double choix d’accepter ou de renoncer. Lorsqu’un bénéficiaire reçoit plusieurs legs à titre particulier, il dispose du choix d’en accepter que certains et d’en répudier d’autres, sauf à ce qu’il existe un lien d’indivisibilité entre les libéralités qui a trait à leur objet ou résultant de la volonté du testateur. (Cass. civ. 1ère, 18 décembre 2013, n°12-21.875).

Pareillement, le bénéficiaire d’un legs universel et d’un legs particulier, peut renoncer au premier pour n’accepter que le second (ceci lui permet d’échapper à toute participation au passif successoral), sous les mêmes réserves que précédemment.

Enfin, un héritier légal, bénéficiaire d’un legs, peut renoncer à son legs particulier et ne conserver que sa qualité d’héritier légal. (Bien évidemment, il peut renoncer au bénéfice de son legs et à sa vocation légale).

Il convient de souligner que l’acceptation d’un legs à titre particulier ne peut faire l’objet de réserves : il ne peut accepter le legs et refuser de délivrer la charge stipulée par le testateur au profit d’un tiers.

En application de l’article 1043 du code civil, la renonciation au legs particulier entraîne la caducité du legs mais également de la charge qui serait stipulée.

Également, le légataire qui a obtenu la délivrance de son legs est considéré comme l’ayant irrévocablement accepté et ne peut dont plus y renoncer (Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2007, n°06-15.191).

Enfin, les légataires disposent de la faculté de cantonner l’émolument des libéralités reçues, contrairement aux héritiers légaux.

 

2. Mise en possession

Justification

En principe, des formalités doivent être réalisées antérieurement à la mise en possession du légataire pour vérifier que le titre soit régulier. L’objectif de ces formalités est de préserver les héritiers dont les droits ont été réduits ou supprimés par l’institution de légataires.

Les règles en vigueur sont fonction de la nature des legs et, s’agissant des legs universels, il faut vérifier si le légataire dispose ou non de la saisine.

L’envoi en possession

L’envoi en possession est une formalité ayant pour objet de contrôler la validité apparente du testament olographe ou mystique instituant un légataire universel lorsqu’il n’existe pas d’héritiers réservataires venant à la succession.

Cette procédure a été réformée il y a quelques années par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 pour toutes les successions ouvertes à compter du 1er novembre 2017 et confère avant tout au notaire le pouvoir de contrôler la régularité du testament, le contrôle juridictionnel étant devenu désormais l’exception.

L’envoi  en possession ne confère pas la saisine au légataire, qui lui est acquise dès le jour de l’ouverture de la succession. Les effets juridiques de la saisine sont seulement suspendus jusqu’à l’expiration du délai d’opposition et, s’il y a lieu, jusqu’à l’envoi en possession.

La procédure d’envoi en possession a pour objectif de donner au titre du légataire la force exécutoire qui lui faisait jusqu’alors défaut. La demande d’envoi en possession devrait, au regard d’une ancienne jurisprudence, emporter tacitement l’acceptation pure et simple de la succession par le légataire universel, cette demande impliquant la prise de la qualité d’héritier (Cass. com. 2 décembre 1986, n°85-11.823). Cette position reste cependant controversée.

 

La délivrance des legs

Les légataires visés sont distincts selon le type de legs.

Lorsqu’il existe un legs universel, le légataire doit demander la délivrance aux héritiers réservataires s’il en existe (article 1004 du code civil). Sinon il faudra envisager l’envoi en possession.

En présence d’un legs à titre universel ou d’un legs à titre particulier, la demande en délivrance doit être adressée aux héritiers réservataires. A défaut, cette demande doit être présentée au(x) légataire(s) universel(s) et, à défaut encore, aux héritiers légaux.

Lorsqu’il existe un héritier réservataire et un legs universel, cette demande en délivrance doit être demandée à l’héritier réservataire tant que le legs universel n’a pas été délivré. Si le legs universel a été délivré, cette demande doit être faite auprès du légataire universel en raison du fait que les legs (à titre universel et/ou à titre particulier) car les legs viendront réduire la quotité disponible et diminueront donc l’émolument du légataire universel.

Lorsqu’il existe un héritier réservataire et un ou plusieurs héritiers non réservataires, la demande en délivrance qui serait formée avant le partage doit être dirigée à l’égard de chacun d’eux, pour la part dont ils sont respectivement saisis.

En présence seulement d’héritiers non réservataire, le légataire à titre universel ou à titre particulier doit demander la délivrance auprès de ces héritiers.

S’il a été consenti un legs conjoint, chacun des colégataires doit demander personnellement la délivrance.

Lorsque le légataire est également héritier, celui-ci n’a pas à demander la délivrance, sa qualité lui conférant de fait la saisine de plein droit (article 724 du code civil).

A noter que la mise en possession d’un bien par un légataire avant l’ouverture de la succession nécessite impérativement que soit demandé la délivrance après le décès du testateur, à peine d’être privé du legs par l’effet de la prescription quinquennale (Cass. civ. 1ère, 21 juin 2023, n°21-20.396)

 

La situation des héritiers

La délivrance est considérée comme ayant été régulièrement consentie lorsqu’elle a été dirigée auprès d’une partie des héritiers à partir du moment où le légataire n’a pas connaissance d’autres héritiers.

Le légataire est par ailleurs fondé à obtenir la délivrance de son legs quand bien même une action en réduction formée par les réservataires serait en cours : la délivrance du legs constitue une mesure essentiellement provisoire qui ne soustrait aux héritiers aucun moyen pour faire établir leurs droits dans la succession (Cass. civ. 1ère, 19 mars 2008, n°06-19.103). Inversement, la délivrance du ou des legs par les héritiers réservataires ne vaut pas renonciation tacite à l’action en réduction dont ils disposent.

L’acceptation par les héritiers d’une demande en délivrance présentée par un légataire emporte acceptation pure et simple de la succession. (Cass. civ. 1ère, 15 mai 2008, n°06-19.535)

L’héritier ou le légataire (universel) qui doit se prononcer sur une demande amiable en délivrance par un légataire peut faire opposition, par exemple en contestant l’existence ou le contenu du legs consenti.

En pareil cas, le légataire qui doit obtenir la délivrance doit saisir le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession afin d’obtenir la délivrance judiciaire.

Lorsqu’il existe de très nombreux héritiers légaux et que le légataire ne parvient à obtenir la délivrance amiable de son legs (notamment parce que ces derniers n’ont vocation à recevoir aucun bien), il faut en pareil cas envisager de faire désigner un curateur à la succession (succession vacante) lequel sera tenu, après expiration d’un délai de 6 mois après l’ouverture de la succession, de se prononcer sur cette question.

 

La forme de la délivrance

Le demande en délivrance n’est soumise à aucune condition de forme.

Il en est identiquement de la délivrance par les héritiers, qui peut être expresse (acte authentique ou sous signature privée) ou tacite (exécution volontaire du legs, mise en possession du légataire sans opposition de la part des héritiers qui sont pleinement informés).

Néanmoins, si le legs porte sur un bien ou droit immobilier, il est toutefois nécessaire d’établir un acte de délivrance pour les besoins de la publicité foncière.

 

La finalité et les effets

La délivrance du legs n’a pas pour finalité de rendre le légataire propriétaire : il l’est depuis le décès (sous réserve cependant que la délivrance soit obtenue amiablement ou judiciairement dans le délai de prescription quinquennale).

Elle se distingue également du paiement du legs.

Elle a simplement pour effet de permettre au légataire d’obtenir la qualité de successeur saisi, qui lui vaut reconnaissance de ses droits sur la chose léguée (entrée en possession, acquisition des fruits des biens légués, droit d’exercer toutes les actions relatives aux biens légués).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, le légataire universel n’est plus en situation d’indivision avec les héritiers réservataires (contrairement à la jurisprudence en vigueur antérieurement : Cass ; civ. 1ère, 5 mars 2002, n°99-18.984, à propos d’un légataire à titre universel) dans la mesure où la réduction s’effectue en valeur (sauf mise en œuvre de l’article 924-1 du code civil qui laisse au légataire le droit d’opter pour la réduction en nature selon certaines conditions néanmoins), de sorte que le légataire universel reçoit toute la succession sauf à devoir éventuellement une indemnité de réduction aux héritiers réservataires qui en feraient la demande.

Si la délivrance est consentie amiablement, la délivrance emporte renonciation des héritiers à se prévaloir des causes d’inefficacité du legs (Cass. civ. 1ère, 15 mai 2008, n°06-19.535, à propos d’un legs à titre universel. Solution transposable à toutes les variétés de legs)

 

Le coût de la délivrance

Les frais impliqués par une demande délivrance de legs sont à la charge de la succession, sans toutefois que cela puisse porter atteinte à la réserve héréditaire ainsi que le précise l’article 1016 du code civil. Les droits d’enregistrement sont à la charge du légataire.

Le tout, sauf volonté contraire du testateur.

 

La prescription de l’action en délivrance

L’action en délivrance est, selon les décisions de justice récentes, soumises à la prescription quinquennale, laquelle court à compter du décès, sauf cause de suspension de la prescription.

L’action judiciaire aux fins d’annulation du testament n’emporte pas suspension de la prescription quinquennale. (Cass. civ. 1ère, 30 septembre 2020, n°19-11.543).

 

3. Le droit aux fruits du légataire

 

La situation du légataire universel

Le légataire universel a droit aux fruits sur l’objet légué suivant les conditions suivantes :

En l’absence d’héritier réservataire, le légataire universel a droit aux fruits à compter de l’ouverture de la succession, soit à compter du décès (il lui faudra seulement obtenir préalablement l’envoi en possession)

S’il existe un ou plusieurs héritiers réservataires, la situation est différente car le légataire universel n’a pas la saisine de l’hérédité.

L’article 1005 du code civil distingue deux situations suivant le jour où il a demandé la délivrance de son legs :

- S’il le fait dans l’année du décès, le légataire a droit aux fruits, de façon rétroactive, à compter du jour de l’ouverture de la succession (décès).

- S’il en fait la demande après l’expiration d’une durée d’une année à compter du décès, le légataire a droit au fruit soit au jour de la délivrance amiable soit, en cas de refus, au jour de la demande en justice (assignation) tendant à obtenir la délivrance judiciaire du legs universel.

 

La situation du légataire à titre universel

La loi ne vise pas la situation du légataire universel en ce qui concerne le droit aux fruits de sorte que la doctrine et la jurisprudence assimilent cette situation à celle du légataire universel (Cass. civ. 1ère, 28 janvier 1997, n°95-13.835).

La date d’acquisition des fruits dépendra donc de la date de la demande (demande formulée avant ou après le délai d’un an suite au décès) et, le cas échéant, de la délivrance amiable ou de la date de la demande en délivrance judiciaire en cas de refus.

Bien évidemment, si le légataire à titre universel dispose déjà de la saisine (par qu’il est par ailleurs héritier), il n’a pas à demander la délivrance de son legs et a donc vocation à tous les fruits dès le décès.

Lorsqu’il s’agit d’un legs universel consenti en usufruit (ou encore du legs particulier d’usufruit) : la date d’acquisition des fruits n’a pas encore été clairement tranchée. Selon certains auteurs, il convient d’appliquer les règles propres à l’usufruit (article 604 du code civil) et l’usufruitier aurait en conséquence droit aux fruits dès le décès, peu important la délivrance. Selon d’autres, l’article 1005 du code civil serait également applicable au légataire à titre universel (ou à titre particulier) en usufruit, ce qui impliquerait que la condition de perception des fruits dépendrait de la date de la demande en délivrance et éventuellement du caractère amiable ou non de la délivrance.

 

La situation du légataire particulier

Le légataire particulier n’a en principe droit aux fruits et intérêts du bien objet du legs qu’au jour de la demande en délivrance ou du jour où la délivrance lui a été volontairement consentie, en application de l’article 1014 du code civil (Cass. civ. 1ère, 14 novembre 2006, n°04-16.561)).

Exceptionnellement, le légataire à titre particulier n’a droit aux fruits et intérêts au jour du décès dans les hypothèses suivantes :

  • Lorsque le legs porte sur une rente viagère ou une pension à caractère alimentaire ;
  • En cas de retard dans la délivrance résultant d’une faute des héritiers (Cass. req., 15 juin 1865)
  • Lorsque le défunt a expressément prévu cette possibilité dans son testament par une clause spécifique ;

Là encore, si le légataire est également héritier venant à la succession, il n’a pas à demander la délivrance et a donc droit aux fruits et intérêts à compter du jour du décès.

En cas de legs portant uniquement, à titre particulier, sur un droit d’usufruit, il convient de se reporter aux développements consacrés au légataire à titre universel ci-dessus.

 

La situation du légataire également héritier dans la succession

Lorsque le légataire est également héritier dans la succession, la loi l’investi de plein droit de la saisine, de sorte qu’il n’a pas à en demander la délivrance, ce qui lui permet d’avoir droit aux fruits et intérêts à compter du jour du décès (Cass. civ. 29 avril 1897, à propos d’un légataire universel ; Cass. civ. 1ère, 24 novembre 1969, à propos d’un légataire à titre particulier ; Cass. civ. 1ère, 29 octobre 1979, n°78-11.889, à propos d’un légataire à titre universel).

Ce droit aux fruits à compter du jour du décès s’applique quand bien même le légataire, héritier réservataire, est en concours avec d’autres réservataire (voir arrêts des 24 novembre 1969 et 29 octobre 1979) ou s’il est héritier non réservataire (conjoint survivant) en concours avec des héritiers réservataires (Cass. civ. 1ère, 20 mars 1984, n°83-11.143 ; Cass. civ. 1ère, 20 novembre 2001, n°99-17.212).

 

4. Les obligations des légataires de contribuer aux dettes et aux charges de la succession

 

La composition du passif successoral laissé à la charge des légataires

Seuls les légataires universels et à titre universels sont, selon la loi, tenus des dettes et charges de succession. Elles se divisent entre eux et les éventuels héritiers réservataires en cas de concours.

Toutefois, aux termes de l’article 1009 du code civil et de l’article 1013 du même code, les legs doivent être acquittés par le légataire universel ou à titre universel seulement.

En présence d’un légataire universel, ce dernier doit donc s’acquitter des legs consentis pas le défunt sauf le jeu de la réduction en présence de réservataires.

En l’absence de légataire universel, c’est le légataire à titre universel qui doit s’acquitter des legs consentis (à titre particulier) par contribution avec les héritiers naturels.

 

Distinctions selon la vocation des légataires

Le légataire universel, assimilé à un héritier, qui accepte la succession purement et simplement la succession, est tenu indéfiniment du passif successoral en application de l’article 785 du code civil, sauf exception  il en va ainsi de certaines dettes particulières non transmises par succession en raison d’obligations purement personnelles (par exemple lorsque cela été expressément décidé par convention) ou encore par l’effet de la loi (dettes alimentaires considérées comme des obligations personnelles ; le règlement du solde prestation compensatoire est limitée au seul actif successoral), etc… . Il peut encore être déchargé de certains dettes à certaines conditions, en application de l’article 786 du code civil. Il demeure également des charges de la succession.

Il en est de même lorsque le légataire doit se faire envoyer en possession (Cass. civ. 1ère, 16 juillet 1997, n°95-18.978). Cette obligation indéfinie au passif n’est pas liée à la question de la saisine.

La même solution s’applique au légataire à titre universel (article 785 du code civil).

 

Etendue de l’obligation et contributions aux dettes

Dans le cas où le légataire viendrait seul à la succession, le légataire universel est tenu de la totalité du passif. Il doit donc supporter seul la charge définitive du passif.

Dans le cas où il vient avec d’autres héritiers ou successeurs (par exemple l’hypothèse où il existerait un conjoint survivant non exhérédé, d’enfants réservataires, d’autres légataires), le principe de division des dettes entre les successeurs universels doit s’appliquer (article 1309 du code civil pour l’obligation à la dette ; articles 870 et 871 du code civil pour la contribution à la dette). Le légataire universel n’est alors tenu que pour sa part et portion selon l’article 1009 du code civil.

Lorsqu’il existe un ou plusieurs réservataires et que l’action en réduction est exercée, les droits du légataire universel portent sur la quotité disponible (ou le reliquat de la quotité disponible en présence d’autres libéralités s’imputant prioritairement ou subsidiairement sur la quotité disponible) et s’exercera sur la masse des biens existants (après déduction notamment des autres legs éventuellement consentis par le défunt).

Pour déterminer la quote-part dans la dette, seule la quote-part théorique est retenue et non l’émolument effectivement reçu. Il faut comprendre que la division opère suivant l'émolument que confère le titre universel et lui seul, c'est-à-dire suivant la part héréditaire effective du successeur. (Cass. civ. 1ère, 1- juillet 1992, n°90-17.972 ; Cass. civ. 1ère, 1er juillet 2003, n°01-00.563).

Dans le cas où il existe plusieurs légataires universels, ces derniers sont tenus proportionnellement à la part qu’ils reçoivent chacun dans le reliquat du disponible.

Le testateur est autorisé à stipuler par testament une répartition différente, sans que celle-ci ne puisse néanmoins porter atteinte à la réserve héréditaire.

 

S’agissant du légataire à titre universel, les mêmes règles énoncées ci-dessus s’appliquent, mais reste tenu à proportionnellement de son émolument, entendu comme l’émolument que confère le titre (articles 1012 et 871 du code civil). La contribution est calculée au prorata de la valeur de son legs en considération de la valeur totale de la succession.

Le légataire qui contribue au-delà de sa part dispose d’un recours en contribution.

 

L’obligation résultant des legs

Le légataire universel, seul ou qui serait en concours aves des héritiers réservataires, demeure tenu d’acquitter tous les legs consentis par le disposant même dans le cas où il épuiserait son émolument. Il en est pareillement pour le légataire à titre universel en présence de legs à titre particulier.

Il est existe néanmoins une disposition spéciale dans le code civil régissent la situation où le défunt aurait consenti des legs (particuliers) de somme d’argent : Aux termes de l’article 785 du code civil, le légataire universel ou à titre universel n’est tenu de s’en acquitter qu’à concurrence de l’actif successoral net des dettes, rompant avec la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006.

Lorsqu’il existe un légataire universel et un legs à titre universel, pour le calcul de la réserve héréditaire, les legs excédant la quotité disponible sont réduits de façon proportionnelle, sauf à ce que le testateur ait stipulé un ordre de préférence s’agissant des opérations d’imputations des libéralités. (article 926 code civil). Le légataire universel doit acquitter tous les legs réduits, qui sont exclusivement à sa charge. Ainsi, il est possible qu’un légataire universel peut ne rien recevoir dans la succession, tous les biens successoraux ayant été transmis par legs au profit d’autres légataires (à titre universel et/ou à titre particulier).

Lorsqu’il existe un légataire à titre universel et un héritier réservataire, s’il venait à être identifié un ou plusieurs legs dépassant la quotité disponible (lors des opérations d’imputation), il faudra procéder à une réduction proportionnelle desdits legs, sauf clause stipulée dans le testament prévoyant une préférence entre les différentes libéralités à cause de mort. Le légataire à titre universel et l’héritier réservataire devront en ce cas se répartir entre eux la charge des legs particuliers si ce dernier reçoit, en plus de sa réserve, une partie du disponible. (article 1013 du code civil). Mais pour le cas où le légataire à titre universel reçoit seul la quotité disponible, il doit supporter seul les legs particuliers, l’héritier réservataire ne recevant en ce cas que sa réserve personnelle.

 

Le cas du légataire en usufruit

Selo l’article 609 du code civil, le nu-propriétaire est tenu du passif en capital et le légataire de l’usufruit est quant à lui tenu des intérêts ou arrérages de la dette proportionnellement à ses droits en usufruit.

Le légataire universel en usufruit doit s’acquitter seul d’une rente viagère ou d’une pension alimentaire constitués par testament

Le légataire à titre universel en usufruit, dans la proportion seulement de ses droits en usufruit, doit s’acquitter d’une rente viagère ou d’une pension alimentaire nés d’un testament seulement (article 610 du code civil), excluant donc ceux nés d’une décision de justice (Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, n°04-10.406, à propos d’un légataire universel).

 

Le cas du cantonnement

Pour le cas où un légataire aurait exercé sa faculté de cantonnement prévu par l’article 1002-1 du code civil, la loi ne prévoit pas quelle est l’incidence sur son obligation au passif successoral.

L’exercice du cantonnement de l’émolument par un légataire, quel qu’il soit, ne devrait avoir aucune incidence en ce qui concerne l’obligation au passif (qui ne concerne donc que les rapports entre les successeurs tenus au passif et les tiers créanciers de la succession voire ceux de l’indivision successorale). Le légataire conserve en ce cas la même vocation successorale que s’il n’avait pas usé du cantonnement.

Il devrait en être autrement en ce qui concerne la contribution au passif (qui ne concerne que les rapports entre les successeurs tenus du passif) : les cohéritiers et légataires universel et à titre universel ne contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession que dans la proportion de ce que chacun reçoit (articles 870 et 871 du code civil).

Le légataire ayant usé de sa faculté de cantonnement devrait ici avoir un recours contributif contre les autres successeurs s’il s’est acquitté d’un passif supérieur à son émolument, à moins que ne soit retenue par la jurisprudence une solution différente du point de vue de la contribution à la dette (la faculté de cantonnement étant une exception légale à l’indivisibilité de l’option). Cette question n’a pas encore été tranchée par la jurisprudence à ce jour.

Toute solution contraire conduirait indirectement tout légataire à ne pas exercer cette possibilité nouvelle instituée par la loi du 23 juin 2006 (sauf à ce que le légataire qui entend exercer sa faculté de cantonnement anticipe les effets de son cantonnement après chiffrage de sa quote-part contributive à la dette).

 

La situation du légataire particulier

Le légataire particulier n’est jamais tenu des dettes et charges de la succession, sauf volonté contraire du disposant. (articles 871 et 1024 du code civil). Ce dernier n’est considéré que comme un simple créancier de la délivrance et du paiement de son legs (Cass. civ. 1ère, 21 septembre 2022, n°19-22.693), sauf le cas le légataire également héritier, est saisi de plein droit : il reste seulement tenu d’obtenir paiement de son legs auprès de celui qui est tenu de s’en acquitter.

Le légataire particulier reste cependant débiteur des dettes et charges qui grèvent spécialement le bien légué.

Il doit également s’acquitter d’une dette hypothécaire grevant le bien légué (Cass. civ. 1ère, 22 juin 2014, n°01-13.160). Mais le légataire dispose alors, à l'encontre des successeurs à titre universel et des héritiers seuls continuateurs de la personne du défunt, d'un recours pour avoir payé une dette qui ne lui incombe pas à titre définitif. Ce recours est fondé sur la subrogation personnelle ainsi qu'en dispose l'article 874 du Code civil.

Il demeure personnellement tenu de restituer le dépôt de garantie d’un immeuble légué donné à bail (article 22 loi du 6 juillet 1989).

Il est également tenu dans le cas où la succession doit une pension alimentaire au conjoint survivant dans le besoin, en cas d’insuffisance successoral. Les légataires particuliers doivent alors contribuer proportionnellement à leur émolument (article 767 al. 2 du code civil). Il en va de même pour la prestation compensatoire (article 280 du code civil) et pour les aliments dus aux ascendants (article 758 al. 3 du code civil)

Le légataire particulier de somme d’argent peut également voir ses droits réduits ou nuls en fonction du passif successoral restant dû au jour de la succession.

Il faut encore rappeler que l'article 1016 du Code civil, s'il décharge en principe le légataire particulier des frais de la demande en délivrance du legs, met en revanche à sa charge les droits d'enregistrement.

Les frais d'inventaire, de liquidation et de partage sont établis dans l'intérêt commun des héritiers et des légataires. Ils doivent donc être supportés par tous, dans la proportion des droits de chacun. Ces frais n'étant pas la conséquence directe de la volonté du testeur, ils ne constituent de la part de celui-ci ni une libéralité, ni une charge, et ne donnent donc pas lieu à réduction (Cass. req. 29 juill. 1861)

Le légataire particulier qui est contraint de demander en justice la délivrance de son legs n’est pas tenu des charges afférentes au bien légué antérieurement à la délivrance faute d’avoir pu être mis en possession et d’avoir pu, en conséquence, en percevoir les fruits. Ils incombent à la succession. (Cass. civ. 1ère, 19 mars 2008, n°06-19.103).

 

Le légataire particulier n’est pas tenu dans les hypothèses suivantes : Le légataire de sommes inscrites au crédit d’un compte bancaire n’est pas tenu des sommes indûment perçues par le titulaire du compte de son vivant, la créance de restitution étant considérée comme étant une dette de succession, non déductible du legs particulier (Cass. civ. 1ère, 19 septembre 2007, n°05-18.386). Le légataire particulier n’est pas tenu des dettes contractées en vue d’acquérir, conserver ou améliorer les biens légués (dettes contractuelles se transmettant aux successeurs universels).

La disparition du legs

Les causes de disparition du legs

La disparition du legs peut résulter de différentes causes.

Il peut s’agir d’une nullité du legs ou plus largement du testament en raison d’un non-respect de règles de fond ou de forme ou encore d’une révocation expresse ou tacite du testament par le défunt.

Le legs peut encore faire l’objet d’une réduction totale ou partielle à la demande d’un réservataire (voir article sur la réduction des libéralités).

Il sera ici abordé la révocation judiciaire et la caducité des legs.

 

La révocation judiciaire des legs

Tout comme les donations, les legs peuvent être exposés à l’exercice d’une action en révocation judiciaire. Néanmoins, parmi les différentes causes de révocation envisagés par le code civil pour les donations, les legs ne peuvent faire l’objet que d’une action pour ingratitude ou pour inexécution des charges. Ainsi, la survenance d’un enfant n’est pas une cause de révocation.

La révocation pour inexécution des charges : Dans le cas où le légataire n’exécute pas la ou les charges stipulées, les bénéficiaires peuvent demander la révocation du legs (articles 954 et 1046 du Code civil). Les règles applicables sont identiques à celles prévues pour les donations (exercice d’une action en justice ; publication au service de publicité foncière si elle porte sur un immeuble ; action exercée après le décès par les seuls héritiers à l’exclusion des tiers ; prescription quinquennale de droits commun).

Sur le fond, deux conditions cumulatives doivent être rapportés par le demandeur à l’action :

Les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si l’action révocatoire doit être ou non prononcée. La position des juges est relativement souple à cet égard.

 

La révocation pour ingratitude du légataire : Tout comme les donations, les legs peuvent faire l’objet de révocation pour cause d’ingratitude (article 1046 du Code civil), moyennant néanmoins quelques spécificités :

  • Ainsi, le refus d’aliment n’est pas une cause d’ingratitude du légataire ;
  • L’injure grave à la mémoire du testateur est en soi une cause particulière d’ingratitude, ainsi que l’expose l’article 1047 du Code civil. Elle est soumise à l’appréciation des juges du fond, de façon souveraine. L’action en révocation doit être intentée dans le délai d’un an à compter de la naissance du délit d’injure grave à la mémoire du testateur. Dans les autres cas d’ingratitude, le délai d’un an court à compter du délit ou dans un délai d’un an à compter du jour où le gratifiant a eu connaissance du délit ( civ. 1ère, 22 mai 1970, n°69-10.623), ce qui peut réduire considérablement les chances de succès d’une action fondée sur ce moyen. Les tribunaux considèrent toutefois, pour atténuer les effets de cette jurisprudence, que lorsque le testateur était dans l’incapacité d’agir antérieurement à son décès, ses héritiers peuvent exercer l’action en révocation pour cause d’ingratitude, dans l’année où ils ont eux-mêmes eu connaissance du délit commis par le légataire et du testament fait par le défunt en sa faveur. (Cass. civ. 1ère, 14 février 1990, n°88-12.486, à propos d’une testatrice placée sous tutelle).

Lorsque l’action révocatoire est accueillie par les juges, elle répond au même régime juridique (rappelées ci-dessus) et produit les mêmes effets juridiques que celles afférentes au donation (effet rétroactif entre les parties seulement : obligation de restitution du bien en nature s’il existe encore au jour de l’action ou en valeur s’il a été depuis aliéné. S’il a été consenti une hypothèque sur le bien immobilier il en sera tenu compte ; effet non-rétroactif à l’égard des tiers, sauf si une aliénation ou la constitution de droits réels – et non la date de la publication - a lieu postérieurement à la publication de la demande en révocation, en application de l’article 958 al. 1er du Code civil. En fait de meubles, le tiers est protégé par l’article 2276 du code civil).

 

La caducité des legs

Un legs est caduc lorsqu’il ne peut être exécuté et se trouve dès lors privé d’effet juridique, quand bien même sa validité n’est pas en cause.

Le législateur a prévu quatre cas différents de caducité :

  • Le prédécès du légataire (article 1039 du Code civil), étant précisé que le mécanisme de représentation en matière de legs ne peut s’appliquer, sauf volonté contraire du disposant.
  • La perte de la chose léguée (entre le jour de la rédaction du testament et la date du décès ; article 1042 du code civil), étant souligné ici que la perte s’entend non seulement de la destruction matérielle de la chose mais également de sa disparition du patrimoine du disposant par suite d’une alinéation indépendante de sa volonté ( civ. 1ère, 7 juin 2006,n °04-10.612). Une aliénation volontaire entraine une révocation du legs. Il convient également de préciser que le mécanisme de subrogation réelle ne s’applique pas, sauf volonté contraire du testateur, de sorte que le legs ne se reporte pas sur le prix du bien ni sur une éventuelle indemnité (d’expropriation ou d’assurance) versée au testateur.
  • La renonciation au legs par décision du légataire (article 1043 du Code civil). Cette renonciation peut être tacite lorsqu’elle résulte d’actes du légataire manifestant sa volonté non équivoque de ne pas se prévaloir du legs ( civ. 1ère, 19 novembre 1991, n°90-11.999). A noter qu’une simple inaction prolongée du légataire est insuffisante à caractériser la renonciation tacite (Cass. civ. 1ère, 17 octobre 1984, n°83-12.372)
  • L’incapacité de recevoir du légataire survenue après l’établissement du testament (article 1043 du Code civil), la capacité de recevoir s’appréciant au jour du testament (à noter cependant la jurisprudence de la Cour de cassation pour l’application L. 116-4 al. 2 du code de l’action sociale : civ. 1ère, 23 mars 2022, n°20-17.663).

Les cas de caducité étant limitativement énumérés par le Code civil, il en résulte que la disparition de la cause du legs n’entraîne pas sa caducité. Il appartient ici au testateur de tier les conséquences de la disparition prétendue de la cause qui l’a déterminé à disposer et, au besoin, de révoquer le testament (Cass. civ. 1ère, 15 décembre 2010, n°09-70.834 ; Cass. civ. 1ère, 15 février 2012, n°10-23.026).

 

Effets attachés à la révocation judiciaire et la caducité des legs

Le sort du bien légué : La révocation judiciaire tout comme la caducité d’un legs ont pour effet de faire à nouveau entrer l’objet légué dans l’actif successoral (non légué). Le legs inefficace profite normalement au débiteur du legs, c’est-à-dire celui qui devait l’exécuter (héritier ab intestat, légataire universel ou à titre universel). Dès lors, l’inefficacité du legs profite au légataire universel s’il en existe et à défaut aux héritiers légaux.

Il existe cependant deux exceptions :

Une première exception s’applique lorsque le testateur a pu lui-même désigner un légataire de second rang : il s’agit en ce cas d’une substitution vulgaire qui est autorisée (article 898 du Code civil ; Cass. civ. 1ère, 26 septembre 2012, n°11-17.454)

Une seconde exception a trait aux legs conjoints, au travers du mécanisme de l’accroissement (article 1044, al. 1 du Code civil) : en cas de renonciation ou de prédécès du légataire, la caducité du legs profite à ses colégataires et non à l’héritier (ou légataire universel s’il existe), débiteur du legs.

A ce propos, un legs est présumé conjoint dans les deux cas suivants :

  • Lorsqu’une même disposition attribue un bien ou une quotité de biens à plusieurs colégataires ensemble, sans que le testateur ait précisé la part de chacun (article 1044 al. 2 du Code civil). Il s’agit ici d’un legs conjoint sans assignation de parts. En cas de caducité, le ou les colégataires en profitent. ( civ. 1ère, 26 janvier 2011, n°10-11.915). Le testateur a a possibilité d’inclure dans son testament une volonté contraire.
  • Lorsqu’un bien n’est pas susceptible de division sans détérioration est légué par des dispositions distinctes à plusieurs légataires, chacun pour la totalité (article 1045 du code civil), ce qui est très rare en pratique car cela implique que le gratifiant ait disposé d’un même bien au profit de deux personnes différentes

Inversement, un legs avec assignation de parts ne bénéficie pas de la présomption instituée par l’article 1044 alinéa 2 du Code civil et ne confère pas accroissement.

 

Le sort des charges grevant le legs caducs ou révoqué : Dans le cas où la caducité ou la révocation du legs profite à l’héritier légal du testateur, il recueille la succession en son entier en vertu de la dévolution légale. Il ne peut donc être tenu d’exécuter une éventuelle charge qui aurait été prévue par le testateur dans son testament (caduc ou révoqué), cette charge incombant au seul légataire. (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 2003, n°01-00.373).

En cas d’application du mécanisme d’accroissement, plusieurs auteurs estiment que celui à qui profite l’accroissement demeure tenu des charges, sauf à ce que celui-ci ne présente un caractère strictement personnel.

Maître Romain JIMENEZ-MONTES est Avocat inscrit au barreau d'Aix-en-Provence (58 cours Sextius, 13100) depuis 2012 et concentre son activité professionnelle uniquement en droit des successions et droit immobilier.

 

Avocat associé de la A.A.R.P.I. CRJ AVOCATS

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